;
Brèves / 23.01.2012

Johnny Otis (1921-2012)

Auteur compositeur, chef d’orchestre, musicien, découvreur de talents, animateur de radio et télévision, écrivain, pasteur, artiste plastique, politicien, entrepreneur, Johnny Otis est aussi et bien sûr connu comme un des artisans du passage des grands orchestres aux combos du rhythm and blues, un fait générateur à partir duquel tout un pan de la musique populaire du reste du vingtième siècle prendra forme, puisqu’en se mélangeant à d’autres genres musicaux, ce mouvement donnera naissance au rock and roll. Fils d’immigrés grecs, Johnny passe son enfance dans un quartier noir de Berkeley en Californie dont il absorbe naturellement la culture, en particulier musicale, au point de se faire passer pour noir par la suite, notamment pour se marier dans la communauté et pour s’inscrire au syndicat des musiciens. Son histoire mérite une encyclopédie aussi ne citerons-nous que certains faits majeurs. Batteur à 15 ans, premiers enregistrements en 1945 et premier hit en 1946 avec Harlem nocturne. Chef d’orchestre, il sent le vent tourner vers 1948 et forme un groupe réduit, donnant ainsi naissance, avec d’autres comme Roy Milton ou Louis Jordan, au rhythm and blues. Découvreur de talents, il révèle Little Esther Philips, les Robins, qui deviendront les Coasters, Etta James, Big Mama Thornton, qu’il accompagne sur son hit Hound dog en 1952, Sugar Pie DeSanto, Hank Ballard, Little Willie John. Il joue derrière Jimmy Rushing, Count Basie, Charles Brown, Johnny Ace, Little Richard. Il recrute au gré de ses différentes formations Preston Love, James Von Streeter, Curtis Counce, Bill Doggett, Big Jay McNeely, Devonia Williams, et les deux formidables guitaristes Pete Lewis et Jimmie Nolen, plus tard chez James Brown. Fondateur des labels Spin, Ultra et Dig, animateur radio, patron de sa propre revue musicale, il cartonne en 1958 avec le hit Willie and the hand jive sur Capitol. Engagé en politique dans les années 1960, il est aussi pasteur, et reste actif musicalement. Sur son nouveau label Blues Spectrum, il enregistre une pléiade de revenants comme Roy Brown, Big Joe Turner, Louis Jordan, Amos Milburn, Charles Brown. En 1970, le “Johnny Otis Show Live At Monterey“ est une prestation historique qui remet d’actualité les ex-gloires du rhythm and blues Eddie Vinson, Big Joe Turner, Roy Milton, Little Esther, Roy Brown, Pee Wee Crayton, Ivory Joe Hunter et finit de révéler le talent à la guitare de son fils Shuggie Otis. Dans les années suivantes, il monte des entreprises privées, commerce, club musical, ferme, devient écrivain, dessinateur, peintre, sculpteur, et continue d’animer des émissions radio. C’est un homme désabusé que rencontre André Hobus en 1987 (Soul Bag n°111), s’interrogeant sur la récupération permanente de la culture noire par les Blancs, sur la désaffection des Noirs vis-à-vis de cette culture. Avec sa mort le 17 janvier 2012 à 90 ans, l’Histoire quitte la vie pour entrer dans les livres et les mémoires.
Christophe Mourot