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Hommages / 08.10.2020

Johnny Nash (1940-2020)

Souvent résumée à son tube I can see clearly now et à sa contribution à la popularisation de la musique jamaïcaine, la carrière au long cours de Johnny Nash couvre pourtant trois décennies, du milieu des années 1950 à celui des années 1980, avant qu’il choisisse une certaine discrétion.

Né à Houston, Johnny Nash est très jeune quand il se fait remarquer pour ses qualités vocales : il a à peine 13 ans quand il commence à participer régulièrement à une émission de télévision locale, et trois ans de plus quand il devient un habitué des shows radio et télé d’Arthur Godfrey sur CBS. C’est sans doute cette visibilité nationale qui lui permet de décrocher en 1957 un contrat avec ABC-Paramount, pour qui il enregistre jusqu’au début des années 1960 une série de singles et d’albums dans un registre de crooner de variété à la Johnny Mathis, dont quelques-uns connaissent un certain succès dans les classements pop – tout en étant totalement ignorés côté R&B. Il fait également ses débuts d’acteur au cinéma à la fin des années 1950, participant à plusieurs films. La vague soul, au début des années 1960, fait vaciller sa popularité, et ses enregistrements pour Warner, Groove, Argo et RCA passent à peu près inaperçus. 

Nash doit attendre 1965 et la ballade Let’s move & groove together, qui paraît sur son propre label, JoDa, monté avec son manager Danny Sims, pour accéder pour la première fois au classement R&B. La chanson connaît également une certaine popularité en Jamaïque, amenant Nash à s’intéresser de près à la scène locale alors totalement méconnue. Depuis le début des années 1960, il a diversifié son approche, ajoutant à son rôle d’interprète des fonctions d’auteur-compositeur, producteur, éditeur et de patron de label avec une certaine réussite. Ses chansons, au cours de la décennie, sont enregistrées par Joey Dee & The Starliters, Little Anthony, Sam & Dave, King Curtis, Wilson Pickett et Wanda Jackson, entre autres, mais aussi, en français, par Nana Mouskouri, Nancy Holloway ou Joe Dassin, tandis que ses différents labels – à l’existence parfois éphémère – enregistrent des artistes aussi divers que le futur protégé d’Otis Redding Johnnye Daye, une Gloria Gaynor débutante, ou les vétérans Lloyd Price et Rosco Gordon, pour des disques dont il est bien souvent le producteur.

Il produit également, pour le label de Price, le deuxième album d’Howard Tate, “Reaction”. Mais c’est en Jamaïque qu’il fait une découverte majeure : celle de Bob Marley et des Wailers (Peter Tosh et Bunny Wailer), avec qui il signe un contrat d’édition et dont il produit un single, paru sur son propre label sous le nom Bob, Rita & Peter. Il travaille également avec d’autres artistes locaux, dont Byron Lee And The Dragonaires, et enregistre ses propres disques dans les studios de l’île, dont Hold me tight qui, avec une reprise du Cupid de Sam Cooke en face B, lui offre un nouveau succès commercial en 1968. Il ne renonce pas pour autant à sa place dans le monde de la soul, gravant en 1969 un album en duo avec Kim Weston. 

Mais c’est une chanson de 1972 qui va assurer définitivement sa réputation internationale. Écrite et produite par Nash, mais publiée par Epic, I can see clearly now est un énorme succès, numéro un aux États-Unis (mais seulement 38e côté R&B) et dans plusieurs pays et classé dans le Top 10 un peu partout, et devient dès sa sortie un classique. Dans les années qui suivent, la chanson est reprise entre autres par Gladys Knight & the Pips, Ray Charles, Sergio Mendes, Sonny & Cher et de nombreux artistes jamaïcains, tandis que Claude François en donne une version française. Un peu plus de vingt ans plus tard, elle est reprise par le vétéran Jimmy Cliff pour la bande originale du film Rasta Rockett et devient à nouveau un succès planétaire, encore repris récemment par Lucky Peterson !

Dans la foulée de ce succès, c’est sur sa carrière personnelle que se focalise Nash, qui publie jusqu’à la fin de la décennie une série d’albums, notamment pour Epic et CBS, sans jamais retrouver le même niveau de réussite commerciale. Paru en 1986 sur Polydor après quelques années de pause, “Here Again” marque la fin de sa carrière discographique, Nash se retirant progressivement de la scène. Il se contente ensuite d’apparitions publiques événementielles, la gestion de ses droits d’auteur mais aussi de son catalogue d’éditeur (qui comprend des titres majeurs de Bob Marley, comme Stir it up) lui permettant de se dispenser d’arpenter le circuit de la nostalgie. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo © DR

Frédéric AdrianJohnny Nash