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Live reports / 24.05.2022

John Paul Keith, The Backstage, Montrouge

28 avril 2022.

Devant le public attablé du Backstage de Montrouge, John Paul Keith arrive pile à l’heure, une veste scintillante sur les épaules et une Telecaster assortie entre ses mains. Personne ne sait vraiment comment ça va se passer. Le public n’a pas encore eu le temps de se familiariser avec ce lieu ouvert en 2019 et fermé tout aussi sec par le virus qui a réouvert il y a quelques mois. 

On craint le pire quand durant les premières secondes du set, la voix du chanteur semble presque inaudible. Mais John Paul Keith, entouré de Max Kaplan à la basse et de Danny Banks à la batterie, ne laisse rien paraître. Mis à part cette poignée de secondes en forme de faux départ, on est impressionnés par la qualité du son dans ce petit lieu enterré à quelques minutes de la porte d’Orléans. À l’image des guitares qui ornent les murs, le son de la gratte est particulièrement bien rendu et le twang de la Tele de John Paul Keith nous est rendu avec toute son ampleur caverneuse.

Le chanteur-guitariste impressionne par sa maîtrise de l’interaction entre ses cordes vocales et sa six-cordes. Presque sans effleurer son pédalier, il produit une sonorité pour s’accompagner au chant et une autre pour des incises parfaitement calées dans les respirations entre deux couplets. Par sa pure compétence musicale, l’artiste fait comprendre au Backstage qu’il a affaire à un vrai pro. Il prend d’ailleurs le temps d’expliquer qu’il joue régulièrement dans un hôtel à côté de Graceland, la Mecque des elvisomanes, avant de dégainer un rockabilly incandescent qui convainc certains auditeurs de laisser leur pizza refroidir pour esquisser quelques reptations du bassin.

Keith égrène un chapelet de chansons aux styles qui s’entremêlent, entre country swingante, soul sudiste, blues aux accents elvisiens. Les mélodies sont simples et accrocheuses et surtout impeccablement exécutées. On notera parmi tant d’autres All I want is all of you, un shuffle indécemment ralenti qui transforme ce Backstage très bien tenu en un juke-joint aux murs dégoulinants de graisse de friture. Sur le titre qui nomme son dernier album studio, Rhythm of the city, le grand homme s’autorise de s’écarter du micro et s’approche du public pour un solo hyper baveux.

Ceux qui ont concédé les dix minutes de marche depuis le métro et les remparts de la capitale (10 minutes !) sont désormais complètement convaincus que leur investissement aura été plus que rentable. On encaisse cash des dividendes de plaisir musical en pensant aux pauvres fous qui n’ont pas voulu faire le déplacement. Le morceau se termine par quelques notes hommage à Al Green. Keith revient pour un rappel sur I work at night, un morceau entre rock ’n’ roll et jazz pétri de swing sous amphétamines, tenu par le chant flegmatique de Keith. Quelle classe. 

Texte : Benoit Gautier
Photos © J-M Rock’n’Blues
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