Chicago Blues Summer Tour 2025, L’Isle-sur-la-Sorgue
30.07.2025
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30 avril 2025.
Nous entrons dans l’espace étroit du Supersonic. Augusta est déjà sur scène, attitude faussement guindée, feulements délicats et fingerpicking en douceur. Les chansons, souvent autobiographiques, sont très attachantes. Son grain de voix aussi, même s’il vibre un peu trop à mon goût quand elle le pousse, le visage contracté par la concentration. Elle sollicite la participation du public sur All through the night et celui-ci s’en donne à cœur joie, avant qu’elle n’achève son set sur Beetles and bugs, un de ces morceaux qui vous saisit à la gorge en traître à la dernière minute, une histoire de frère entomologiste amateur qui semble s’être depuis rapproché de son objet d’étude.
Jeremie Albino grimpe sur la petite scène, « il a un style un peu rockabilly », fait remarquer une dame devant moi. C’est bien vrai. Harmonica en rack, le pied battant fort le rythme et la guitare distordue à souhait, Albino nous rappelle qu’il vient du folk rock tendance one-man band avant d’aller colorer sa musique de soul chez monsieur Auerbach. Sa voix se déploie, prend tout l’espace et se met même à pousser les murs de l’ancien disquaire. On aperçoit un bout du ciel d’Ontario. Le gars n’a pas vraiment besoin de micro.
Sur Last night, Albino se laisse emporter et nous aussi. Il enfile son onglet et se lance dans Across the hall accompagné de son harmonica. « C’est bien, hein ? », dit un gars en face de moi à son compagnon de la soirée, qui semble d’accord, mais je ne suis pas certain d’avoir entendu sa réponse. Une partie du public manifeste sa joie quand sont joués des morceaux d’“Our Time In The Sun”, mais il y a là des vrais fans qui connaissent l’œuvre prénashvillienne de notre ami canadien. Celui-ci se frotte le crâne et lance : « J’vis à Toronto, alors j’pratique pas beaucoup mon français », avec un accent québécois qui finit de mettre dans sa poche la grosse poignée de Parisiens que contient la petite salle.
On enchaîne sur Acres of land qui se révèle être un morceau de bravoure vocal, avant qu’Albino annonce qu’il « savait pas quoi faire » comme chanson, et notes quelques suggestions du public, lequel démontre sa maîtrise de la discographie, en demandant notamment Wildfire, une chanson folk tendance gothique du plus bel effet. Il enchaîne sur des titres un peu plus dansants de son nouvel album. Sur Hold me tight, il débranche la disto et on gagne en groove. Le public ne s’y trompe pas en marquant le rythme. Albino raconte longuement en français une anecdote sur un couple croisé lors d’une tournée dans un vieux motel, la femme enceinte jusqu’aux yeux hurlant sur un homme qui met les gaz pour mettre autant de kilomètres que possible aussi vite qu’il le peut entre lui et cette colère. Avant qu’Albino ne le voie ralentir et rebrousser chemin. La chanson, coécrite avec Kat Clyde, s’appelle Early morn, représentative de la face sombre de son répertoire, qui contraste joliment avec l’ensoleillement apporté par ses productions les plus récentes.
« J’connais qu’une personne à Paris (son amie Augusta), mais j’ai l’impression d’avoir plein d’amis. » Augusta le rejoint justement sur The cabin, très beau, et on comprend qu’on approche de la fin. Il enchaîne sur Shipwreck, couplé à Rolling down the 405, tonitruant. Même seul en scène, même en poussant les murs de sa voix de titan, la jolie salle du Supersonic était définitivement trop petite pour Jeremie.
Texte : Benoit Gautier
Photos © J-M Rock’n’Blues
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