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Live reports / 07.08.2017

Jazz à Vienne (Part. 2) : Nuit du blues

La nuit du blues n’a pas fait le plein cette année même si la répartition des spectateurs dans le théâtre antique donne l’impression d’une affluence plus dense. Mais toute la partie haute est inoccupée et il n’y a sans doute pas plus de quatre mille personnes… Tee-shirt, jeans et baskets, Mr. Sipp, qui a choisi une tenue très adaptée à la saison, ne semble pas s’en soucier. Il a trente minutes pour convaincre et pas le temps de céder à l’esbroufe. On connaît désormais bien cet artiste – de son vrai nom Castro Coleman – qui a confirmé sa victoire à l’International Blues Challenge en 2014 avec d’autres récompenses et des albums aux accents très actuels. Sur scène, avec sa grosse voix et sa guitare tranchante, le natif de McComb (Mississippi) se fait dévastateur dans une veine plus traditionnelle.

 


Mr. Sipp

 


Akeem Frieson

 


Jeffrey Flanagan

 

Son bain de foule, étape obligée de tous ses shows, lui permet d’emporter l’adhésion du public. Il prépare ainsi idéalement le terrain pour son successeur, mais que cette formule qui réserve seulement une demi-heure au premier intervenant* est décidément bien frustrante…

 

 

 

 

D’autant que Kenny Neal n’a besoin de personne pour “chauffer” un auditoire. On peut penser ce que l’on veut du Louisianais. Il n’a pas encore soixante ans – ce sera pour cet automne –, mais on croirait qu’il est là depuis un bon demi-siècle ! Et on a beau le voir et le revoir, on ne s’en lasse pas. Toujours impérial, son éclectisme, sa sincérité, sa générosité et son sens du spectacle, alliés à d’indéniables qualités artistiques (chant, guitare, harmonica…) semblent inaltérables.

 


Kenny Neal

 


Darnell Neal, Brandon Adams

 


Bryan Morris

 

Et surtout, Kenny Neal se fait et nous fait plaisir en permanence. Dès lors, qu’il revisite les standards du blues louisianais (Honest I do, The things that I used to do), ou bien qu’il nous fasse découvrir son dernier CD “Bloodline” (Ain’t gonna let the blues die, Thank you B.B. King en hommage à qui vous savez…), il enchante avec ce naturel et ce dynamisme contrôlé qui n’appartiennent qu’à lui. Avec Kenny Neal, tout paraît simple, raison pour laquelle on y revient toujours avec le même entrain.

 

 

 

J’avoue ne pas avoir éprouvé les mêmes sensations avec les Californiens de Vintage Trouble, dont le répertoire m’a semblé bien plus proche du rock que du blues. Bien sûr, d’emblée (Total strangers), le chanteur Ty Taylor met tout ce qu’il a pour faire réagir un public qui le suit volontiers. Mais ces grosses ficelles qui s’appuient sur des postures spectaculaires bien connues pour haranguer la foule et les efforts du leader – dont l’envie et le talent vocal ne sont pas en cause – finissent par ne plus suffire pour mettre en relief un registre mal déterminé, en outre desservi par un son globalement brouillon.

 


Ty Taylor

 

 

 

Après quarante minutes, un peu à contre-courant d’une foule pourtant visiblement ravie, je m’éclipse avec la sensation que l’on flirte avec le hors sujet. Représentant deux générations et deux styles différents, Mr. Sipp et Kenny Neal avaient pourtant prouvé que les bluesmen de qualité ont encore leur place sur ces scènes.

Daniel Léon
Photos © Brigitte Charvolin
jazzavienne.com

(*) Mr. Sipp se produira plus tard en soirée au Club de Minuit, pour une prestation de plus longue durée à laquelle nous n’avons pu assister, mais dont on nous a dit le plus grand bien…