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Live reports / 12.09.2022

Jazz à la Villette 2022, Tank and the Bangas + Cimafunk

1er septembre 2022.

Nous voilà au deuxième jour de Jazz à la Villette pour une nouvelle soirée orientée vers une jeunesse qui aime les sons qui groovent. Et c’est les Néo-Orléanais Tank and the Bangas et le Cubain Cimafunk et son groupe accompagné du tromboniste Fred Wesley avec qui l’on vient danser. 

De la première seconde de ce show à ses derniers instants, les musiciens ne nous auront pas laissé une minute de répit. C’est Tank and the Bangas qui ouvre la soirée et les instrumentistes entrent les premiers, introduisant le son du groupe à coup de jazz rock futuriste. Nous comprenons vite à quelle intensité nous devons nous attendre pour cette soirée. Puis Tarriona “Tank” Ball déboule sur le plateau avec son charisme de meneuse de foule. Le public reprend immédiatement les acclamations qu’elle lui propose.

Sur scène on voit rouge, tous les musiciens suivent le dress code de cette couleur. Le saxophoniste-flûtiste avec son short fleuri, le guitariste avec son pantalon en velours et surtout Tank qui arbore une extravagante robe plumée. Avec sa longue chevelure volumineuse et ses danses entraînantes, on croit parfois voir en elle une sorte d’oiseau exotique sorti tout droit du ventre de leur musique. Ce rouge est évidemment celui du “Red Balloon”, leur dernier album que l’on ne reconnaît pas dans sa version live. Les enregistrements studio de leurs chansons manquent souvent de chaleur et les compositions peuvent sembler tourner en rond, mais sur scène on en découvre une autre facette. Par la bonne humeur et le jeu de Tank, l’implication des musiciens dans leur interprétation et la chaleur de la foule dansante, les compositions gagnent en vie et parviennent à nous entraîner dans leur univers. 

Tank and the Bangas
Joshua Johnson
Daniel Abel

On notera au passage la qualité des musiciens, le guitariste et le bassiste (Daniel Abel et Jonathan Johnson) se baladent sur leur manche avec aisance malgré la complexité de ce qu’ils jouent parfois, le batteur (Joshua Johnson) rythme les chansons avec une énergie rare, le claviériste et le saxo-flûtiste (Norman Spence et Albert Allenback) déroulent des mélodies fluides, et Tank propose une diversité de voix frappante : R&B, petit chant malicieux, fort coffre de gospel woman, slammeuse, rappeuse…

Le groupe est une vraie machine à groove qui roule toute seule et nous entraîne naturellement. À la fin du set, Tank and the Bangas sont acclamés par une foule réjouie qui entame un happy birthday pour la chanteuse. 

Une courte pause et on enchaîne. Malgré l’énergie déjà déployée par Tank and the Bangas, Cimafunk va frapper encore plus fort. 

On sent la salle déjà chaude à l’arrivée du chanteur cubain et de son groupe. Ceux-ci nous regardent quelques instants et débutent avec un de leur titre phare : Caramelo. Immédiatement conquis, le public acclame cette première chanson et la fosse se met à danser. 

C’est un groupe nombreux qui se donne devant nous : deux chanteurs (Cimafunk et Big Happy), une saxophoniste et une tromboniste qui assument aussi des choeurs (Katy Cacao et Hilaria Cacao), un bassiste, un guitariste, un claviériste (Caramelo, Bejuco et Arthurito el “Wao”), un batteur et un percussionniste (Dr. Zapa et Machete). Neuf Cubains qui dansent comme des endiablés. 

Le son du nonette entre dans le corps comme sait si bien le faire la musique latine et tout le public est pris dans la danse. Chacun la mène avec son niveau d’aisance corporelle et son sens du rythme, mais personne ne reste de marbre face à ces grooves irrésistibles. Si Cimafunk ne dégage pas immédiatement le charisme des plus grands leaders, c’est sur la longueur qu’il se met à nous captiver et à nous attirer vers l’ambiance de La Havane. Comme pour Tank and Bangas, les enregistrements studio de Cimafunk ne retranscrivent pas cette intensité scénique. Avec son groupe, c’est un vrai artiste de scène qui sait comment appâter son public, le séduire et le fasciner. En CD, il manque les sourires, les paillettes, les déhanchés, la sueur… 

Cimafunk
Arthurito el “Wao”
Hilaria Cacao et Katy Cacao

Il nous faut aussi aborder l’un des moments les forts de la soirée, la venue de Fred Wesley sur le plateau. Ce vieux monsieur bien habillé qui entre sur scène tranquillement sous l’accueil chaleureux du groupe de Cimafunk a une carrière exceptionnelle derrière lui, aux côtés de James Brown et de George Clinton, bien sûr, mais aussi sous nom depuis tant d’années. Le tromboniste mythique ne reste sur scène que quatre titres : il commence par nous éblouir sur la ballade Salvaje de Cimafunk (l’une des plus belles chansons du dernier album du groupe), puis le groupe reprend avec lui des incontournables de son répertoire, notamment House party et Funky good times

Le show poursuit sur cette lancée pendant une bonne heure sans décroître en intensité et se termine dans une ambiance euphorique, avec quelques dizaines de personnes sur scène, invitées par Cimafunk. Comme de coutume avec lui, la fin de soirée laissera résonner non pas des “encore” mais des “otra”, même après le rappel. La magie cubaine a fonctionné, le public sort joyeux et conquis. 

Texte : Ami Appert
Photos © Fédéric Ragot

Machete
Caramelo