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Live reports / 31.08.2015

Jazz à Juan

La cinquante-cinquième édition de Jazz à Juan a connu un beau succès matérialisé par une hausse sensible du nombre de spectateurs venus cette année en nombre (28 000) et une affiche de qualité. En dehors des grands noms qui se produisent sur la scène de la Pinède Gould, des animations musicales gratuites sont programmées sous la forme de parades dans les rues de la ville ou de concerts sur les places d’Antibes et de Juan-les-Pins. Et puis, assister à un concert avec en toile de fond la Méditerranée participe largement au plaisir de la musique. Ce qui m’a fait regretter de n’avoir été présent que les trois derniers soirs.

Le concert du vendredi 17 juillet débuta avec le facétieux Al Jarreau, un vieil habitué des lieux, passé maître dans l’art de communiquer avec son public, parfois même en français. Naviguant entre jazz et variété de luxe, Al Jarreau a interprété quelques-uns des titres de son dernier album réalisé en hommage à son ami George Duke, disparu il y a peu. Sa voix possède encore suffisamment de souplesse et de tonus pour produire ce savant mélange de scat et de “percussions vocale” qui a rendu crédible sa version de Take five.

 


Al Jarreau

 


Al Jarreau

 

Melody Gardot lui succédait sur la scène de la Pinède Gould. La chanteuse n’est toujours pas véritablement appréciée des puristes du jazz qui lui reprochent un succès trop facile programmé par les maisons de disques et un certain penchant pour la facilité qui ne la mène jamais bien loin de la variété. Soutenue par de bons musiciens faisant honnêtement leur travail, elle a interprété un hommage sincère à Charles Mingus et montré une incontestable présence scénique.

 


Melody Gardot

 


Melody Gardot

 

Le lendemain, Kenny Garrett et son quintette augmenté de deux percussionnistes, dont l’excellent Mino Cinelu, ont joué avec une énergie puisant aux sources les plus authentiques du jazz. L’ensemble est bien rodé et les membres du groupe communiquent avec une fraternelle complicité pour la plus grande joie du public (St. Thomas).

 


Kenny Garrett

 

Vint ensuite Marcus Miller, un autre familier de la scène de la Pinède Gould. Entouré de son groupe (Adam Agati (g), Alex Han (as, ss), Brett Williams (p, kbd), Louis Cato (dm), Mano Cinelu (perc), Lee Hogans (tp)) et de musiciens africains invités pour l’occasion (Julia Sarr (vo), Alune Wade (b, vo), Cherif Soumano (kora), Adama Bembele (perc), Guimba Kouyate (g), Aziz Sahmaoui (vo, perc), Adhil  Mirghani (voc, perc, calebasse), Youssef Jandouk (vo, crotal), Abdelghani Manjal (vo, crotal), il a mêlé, sur fonds de rythmes africains, les recettes du funk et du jazz qu’il connaît sur le bout des doigts. Son répertoire provenait principalement de son nouveau disque “Afrodeezia” réalisé en partie avec le concours de musiciens maliens et sénégalais. Cette alliance nous a aussi valu un moment d’émotion avec l’interprétation d'un titre de son album précédent, Gorée, une compositions évoquant l’île du même nom, point de départ des esclaves noirs pour les États-Unis. Dans un registre plus gai, Miller a ravi le public en jouant, en guise de clin d’œil à Motown, la ligne de basse de Papa was a rolling stone. La facilité avec laquelle il passe de la guitare basse au ghembri, une sorte de luth africain, ou à la clarinette basse, montre un sens de la scène particulièrement développé. L’arrivée d’Ibrahim Maalouf venu, avec Robinson Khoury (tb), Franck Woeste (p), rejoindre les musiciens déjà présents perpétua cet état de grâce. Pour l’occasion, le trompettiste avait composé un morceau qui débuta comme une incantation pour “finir dans la transe”. La soirée se termina par une version inspirée de Beirut.

 


Marcus Miller

 


Ibrahim Maalouf et Marcus Miller

 

Le dimanche, comme de coutume, le festival a ouvert gratuitement ses portes au public pour une soirée mémorable assurée par l’American Gospel Jr. Visitant, sans aucun esprit passéiste, les standards du genre (Bless my Lord, Jericho, Down by the riverside), cette formation rassemble quinze chanteurs, catholiques ou protestants, originaires des États-Unis, de la Martinique ou d’Afrique, tous animés par la joie de chanter et le plaisir d’être tout simplement là. Soutenus par une section rythmique vigoureuse, différents solistes sont intervenus. Parmi eux, le chef de chœur Malik Young et la remarquable Jean Carpenter dont le chant enflammé dégage une forte émotion, ont brillé par leur talent. Le spectacle a tourné au show avec la prestation débridée d’un chanteur d’Abidjan – dont je n’ai pas retenu le nom – visiblement inspiré par le Saint-Esprit et de deux danseuses fort gracieuses. La note finale fut apportée par une version de Oh happy days, une immanquable recette pour ravir le public. Une cuvée mémorable.

Alain Tomas
Photos © Gilles Lefrancq / OTC Antibes Juan-les-Pins

 


American Gospel Jr.

 


American Gospel Jr.