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Live reports / 12.07.2009

JAZZ A JUAN (SOIREE DU 12 JUILLET)


Allen Toussaint © Alain Jacquet

La 49e édition de Jazz à Juan présentait deux soirées "New Orleans". La première, le 11 juillet, était dédiée à la commémoration du 50e anniversaire de la mort de Sidney Bechet. Le lendemain, c’était de la Naw’lins music plus contemporaine avec Charmaine Neville et Allen Toussaint.

Charmaine Neville remplaçait au pied levé l’infortunée Marva Wright victime au mois de mai d’un sérieux accident vasculaire cérébral. Généreuse comme elle sait l’être, Charmaine a tenu à jouer avec l’orchestre de Marva, les BMW's (pour Band of Marva Wright), afin que les musiciens ne perdent pas le bénéfice d’un cachet important pour eux. Après une introduction de trois morceaux de l’orchestre* emmené par Benny Turner à la basse, parfaitement secondé par le guitariste Yamaghishi Junshi, Charmaine Neville fait son entrée avec un tonitruant Let’s the good times roll, l’un des chevaux de bataille de Marva Wright.
A l’évidence, l’osmose est quasiment parfaite entre Charmaine et les BMW's, dans un répertoire composé uniquement de standards. Virevoltant aux quatre coins de la scène, invitant des volontaires à venir danser avec elle, appelant les spectateurs à agiter des mouchoirs comme il est de tradition à La Nouvelle-Orléans : Charmaine Neville sait faire vivre une scène. Le sommet du set ? C'est quand elle chante What a wonderful world avec la voix de Louis Armstrong. Beau succès.


Charmaine Neville & Benny Turner © Alain Jacquet


June Yamagishi © Alain Jacquet

Entracte, installation de l’orchestre d’Allen Toussaint (au festival de Montreux, il s’est produit en solo, avec son fils Clarence aux percussions sur quelques titres), que des figures connues : Brian "Breeze" Cayolle (ts, cl), Renard Poché (g), Roland Guerin (b), Herman Lebeaux (dm), Clarence R. Toussaint (perc).
Si depuis 2006 nous voyons un peu plus souvent en Europe le génial artisan de La Nouvelle-Orléans, il donne toujours l’impression de se faire violence pour monter sur scène. Et pourtant, nous avons affaire à un artiste qui, en dehors de ses talents d’auteur-compositeur, est un bon chanteur et un pianiste exceptionnel.
En deux heures, Allen Toussaint nous balade à travers toutes les musiques de Big Easy, et c’est toujours avec plaisir qu’on entend les chansons qui ont fait sa renommée : Working in the coal mine, Mother in law, Get out of my life, Shoorah shoorah. Il reprend aussi des titres anciens qui avaient retrouvé une seconde jeunesse sur le disque "The River In Reverse", enregistré fin 2005 avec Elvis Costello, tels On your way down, Tears tears and more tears. Et il n’oublie pas les grands pianistes de sa ville avec des hommages très réussis à James Booker et Professor Longhair.


Allen Toussaint © Alain Jacquet


Renard Poché © Alain Jacquet

Mais le meilleur reste à venir : une plongée de cinq titres dans son dernier recueil "The Bright Mississippi". Outre le morceau éponyme, il faut noter le beau blues Long, long journey admirablement chanté, la version renversante de Egyptian fantasy, formidable pièce écrite par Sidney Bechet, et un St. James Infirmary revisité. Frissons garantis tout du long. Avec le jeu de piano délicat et limpide de Toussaint et les interventions particulièrement inspirées à la clarinette ou au sax ténor de Brian Cayolle, c’est du pur bonheur. D’ailleurs le public très nombreux de la Pinède Gould ne s’y trompe pas en faisant un triomphe à ces grands musiciens, au sommet de leur art et au service d’une musique chaleureuse et bien vivante. La ballade s’achève par Southern nights, belle ode aux nuits et au ciel étoilé de Louisiane.
Un des plus beaux concerts d’Allen Toussaint qu’il m’a été donné d’entendre.
Alain Jacquet

* Charmaine Neville (vo), Jason Mingledorff (ts), Keiko Komaki (p), Yamagishi Junshi (g), Benny Turner (b), William Brennan (dm).


Brian Cayolle © Alain Jacquet


Herman Lebeaux © Alain Jacquet