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Live reports / 14.08.2024

Jazz à Juan 2024

Cette 63e édition de Jazz à Juan (8-18 juillet) a tenu largement ses promesses avec une programmation éclectique et de qualité proposant des têtes d’affiche, des valeurs sûres et des artistes à découvrir. Le tout mêlant tradition et modernité en un tout cohérent que l’on retrouve dans les trois soirées auxquelles j’ai assisté.

Celle du 14 juillet, ouverte gratuitement au public, a débuté par la prestation du trio de la pianiste Saki Ozawa. Formée au jazz par Yuki Arimasa, cette habituée des clubs japonais est à coup sûr à l’orée d’une carrière internationale : elle connaît la tradition du piano jazz sur le bout des doigts, swingue avec une ardeur, interprète la ballade avec feeling et joue le blues d’une manière authentique. Le contrebassiste Thomas Bramerie et le batteur Franck Agulhon, qui l’accompagnait pour l’occasion après seulement quelques heures de répétition, lui ont apporté un soutien complice d’une grande richesse musicale. 

La prestation suivante tourna autour des exploits de Li Xiaochuan, sorti major en trompette classique du Conservatoire de musique de Shanghai et récipiendaire de la bourse “Richard Dalrymple Memorial jazz trumpet”. Possédant une sonorité immaculée et une technique époustouflante, ce surdoué de la trompette sait ciseler de belles mélodies sur fond d’alliages sonores générés par une formation présentant la combinaison orchestrale originale de trois trompettes et d’un saxophone soprano courbé. 

Puis entra en scène le quintette Poetic Ways, constitué de la batteuse Anne Paceo, du contrebassiste Pierre Fénichel, du pianiste Pierre-François Blanchard, de la chanteuse Celia Kameni et de son leader Raphaël Imbert qui détient l’art de faire coexister des univers musicaux variés portés par le jazz et la poésie. Une démarche qui ne va pas sans surprises comme cette reprise en mode free jazz du medley iconoclaste La Marseillaise et Mon beau sapin, figurant dans l’album “Spirit Rejoice” d’Albert Ayler (1965). Ceci nous a valu d’entendre la divine Celia Kameni qui a enchanté le public en interprétant He’s got the whole world in his hands, un vieux spiritual, et Les marquises de Jacques Brel. 

Après le feu d’artifice municipal de circonstance, cette soirée éclectique se termina en beauté avec les Original Pinettes Brass Band, une fanfare féminine de La Nouvelle-Orléans distillant un rythme chaloupé ouvert au hip-hop et incitant à la danse.

Li Xiaochuan

Original Pinettes Brass Band

Le jazz et le cinéma partagent de longue date une longue histoire évoquée par Éric Truffaz dans ses albums “Rollin” et “Clap” parus à quelques mois d’intervalle en 2023. Le lendemain 15 juillet, le trompettiste reprenait ce répertoire sur la scène de La Pinède Gould en proposant une lecture personnelle de morceaux illustrant des films français et italiens qui l’ont marqué. En découla un hommage inspiré au 7e art dont la réussite doit beaucoup à ses complices Alexis Anérilles (claviers), Matthis Pascaud (guitare), Raphaël Chassin (batterie), et Marcello Giuliani (basse).

Il fut suivi de Sofiane Pamart, un pianiste de formation classique, interprète talentueux de Chopin, Ravel et Debussy particulièrement apprécié des rappeurs. Refusant d’enfermer sa musique dans des cases hermétiques, Sofiane Pamart sait mettre en valeur une mélodie en la rendant accessible au plus grand nombre. Le public qui apprécia sa prestation, ne s’y est pas trompé.

Le 16 juillet, les sympathiques Scary Pockets ouvraient une soirée dédiée à la soul et au funk en proposant des reprises des Bee Gees (Staying alive), Britney Spears (Toxic), Beyoncé (Single ladies), The Weeknd et Daft Punk (I feel it coming)… Leur prestation est dynamique, leur métier éprouvé et leur engagement total si l’on en juge par la forme olympique du bondissant Kenton Chen qui accumule allègrement sur scène les kilomètres et les figures de gymnastique. Ce qui ne l’empêche pas de chanter de manière fort convenable à l’instar de sa collègue Brooke Simpson, en bénéficiant du soutien efficace de musiciens expérimentés.

D’un tout autre calibre est la formation Kool & The Gang, impatiemment attendue par les spectateurs dont certains dansaient sur des titres du groupe aux sons des images projetées sur les écrans géants. Ils ne furent pas déçus, car les neuf musiciens de l’équipe ont interprété quelques-uns des hits du répertoire des années 1980 du groupe : Ladies night, Fresh, Cherish, Celebration… en dégageant ce groove musclé qui conserve encore toute sa force. 

Ce fut le show impeccable d’une institution légendaire qui a porté, au cours d’un demi-siècle de carrière et avec un succès constant, le message de la soul, du funk et du disco. Un public ravi. Une belle cuvée.

Texte : Alain Tomas
Photos © Kevin Lhermitte Jazz à Juan

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