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Live reports / 04.08.2019

Jazz à Juan 2019 (Part. 2/2)

17 juillet 2019.

L’affiche du festival Jazz à Juan, comme celle d’autres manifestations similaires en France, témoigne d’une ouverture de plus en plus prononcée vers les musiques actuelles ; cette démarche étant considérée par le trompettiste Theo Crocker, qui connaît bien les racines de la musique afro-américaine, comme une manière de vivifier le jazz. Témoin de cette tendance, Louis Cole, sorte d’ovni musical, qui ne revendique du jazz qu’un certain esprit de liberté. Son orchestre, en tenue de squelette vivant, s’ingénie à brouiller les étiquettes pour produire rien d’autre qu’une musique de danse au tempo martelé.

Plus près des sources du jazz et à un niveau supérieur, Snarky Puppy, le collectif du bassiste Michel League, propose un savant mélange des mêmes ingrédients mais cette fois pour délivrer un groove énergique alimenté aux meilleures sources du funk, animé par des solos inspirés et nourri à la sève de compositions élaborées.

Line-up :
Louis Cole : personnel non communiqué.
Snarky Puppy : Michel League (b), Larnell Lewis (dm), Marcelo Woloski (g), Bob Lanzetti (g), Bill Laurence Martin (claviers), Justin Stanton (claviers, tp), Bobby Sparks (claviers), Chris Bullock (sax, fl), Mike “Maz” Maher (tp, fl).

Louis Cole
Snarky Puppy

19 juillet

Si le lendemain, nous étions bien loin du jazz, même pris dans son sens le plus large, avec les prestations de Kittin, la DJ grenobloise, et du groupe Jamiroquaï, nous y sommes revenus lors de la soirée du vendredi 19 juillet avec le trio d’Eli Degibri qui pratique un jazz aux limites bien balisées comme le montre son récent album dédié à Hank Mobley (“Soul Station – A Tribute to Hank Mobley”). Une sonorité ample, un phrasé naturel et un vrai talent d’improvisateur le classent parmi les meilleurs saxophonistes du moment. Son répertoire, riche de compositions personnelles, présente aussi des morceaux inspirés par Bach qui ouvrent de belles perspectives musicales. Un trio de grande classe l’accompagne d’une manière exemplaire en rehaussant son jeu à un niveau supérieur.

Lui succédait la saxophoniste alto Candy Dulfer qui déclare puiser son inspiration chez Sonny Rollins, Chet Baker, James Brown, Jimi Hendrix, Dave Stewart (Eurythmics) et le reggae. Soit un vaste et ambitieux programme qui n’aboutit à rien de vraiment cohérent car porté par le désir de satisfaire le plus grand nombre en cédant parfois à la facilité. Pourtant, Candy Dulfer est une bonne saxophoniste au jeu énergique qui n’est sans rappeler Earl Bostic dans sa période commerciale. Dommage !

D’une toute autre trempe et d’une toute autre ambition musicale est Diana Krall dont les grandes qualités de pianiste et de chanteuse ne sont plus à démontrer. Parvenue au sommet d’un art dont elle maîtrise tous les aspects, et accompagnée par une section rythmique remarquable, elle renouvelle un répertoire de standards en y apportant une touche personnelle magnifiée par l’accompagnement de Joe Lovano. Ses interprétations sont pensées et élaborées avec le plus grand soin et livrent l’essentiel sans y adjoindre le moindre effet superflu. Sa manière de chanter East of the sun (And West of the moon) que l’on croyait marqué à jamais par Sarah Vaughan, la situe dans le monde peu peuplé des grandes chanteuses. Et que dire de sa version de Cry me a river distillée en rappel. Nous lui devons un grand moment.

Line-up :
Eli Degibri (ts, ss), Tom Oren (p), Tamir Shmerling (b), Eviatar Slivnik (dm).
Candy Dulfer (as, vo), Ulco Bed (g), Manuel Hugas (b), Nicky Loman (dm), Argen Mooijer (claviers), Ivan Peroti, Camilo Rodriguez (vo), Jordy Kalfsvel (clavier, vo).
Diana Krall (p, vo), Robert Hurst (b), Karriem Riggins (dm) and very special guest Joe Lovano (ts).

Eli Degibri (avec Tamir Shmerling) © Christian Rahal
Candy Dulfer (avec Manuel Hugas)
Diana Krall
Joe Lovano

Texte : Alain Tomas
Photos © Gilles Lefrancq

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