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Live reports / 10.04.2015

Jarrod Lawson

Son premier concert en France, Jarrod Lawson l'entame comme son premier album (sorti il y a à peine un an), en enchaînant Music and its magical way et Sleepwalkers. Et c'est la rythmique du disque (Christopher Friesen à la basse, Joshua Corry à la batterie) qui entoure son piano à queue sur la scène du New Morning. Ainsi le surdoué de Portland déploie d'emblée sa soul ciselée, taillée pour plaire aux amateurs de Donny Hathaway et de D'Angelo. L'ancrage jazz se fait sentir au fil des déliés délicats que dispensent ses fines phalanges, tandis que le groove s'appuie sur un bagage neo soul bien digéré pour régner tout en souplesse, lorgnant çà et là les Caraïbes. Surtout, il y a ce chant d'une évidente maturité : timbre chaud et sensibilité à fleur de peau. Si de courts instants la bascule en falsetto semble un brin forcée, très souvent la finesse vocale de Lawson fait mouche. Comme le long de Soul symphony, une ballade intense présente sur son tout récent EP enregistré à la BBC et qui devrait figurer sur son prochain album. L'autre nouvelle composition, Connected, rappelle quant à elle les motivations altruistes qui irriguent ses textes. C'est aussi par le soin qu'il porte à l'harmonie que Lawson se distingue, en cela bien servi par les six cordes agiles de Chance Hayden et les voix de Molly Foote et Tahira Memory. Cette dernière laissera entrevoir l'ampleur de sa personnalité lors d'un duo prenant, All the time, à retrouver sur le LP qu'elle s'apprête à publier, “Pride”, entièrement coécrit et coproduit avec Lawson. 

 


Chance Hayden, Tahira Memory, Molly Foote

 


Jarrod Lawson, Christopher Friesen

 

À entendre la complicité des tous les instants dicter la remarquable conduite de ces Good People qui naviguent au sein de compositions luxuriantes (quasiment tout l'album a le droit de cité au cours de deux sets assez copieux), on aimerait par moments qu'ils se lâchent davantage, quitte à délaisser un souci du détail et de la mise en place léchée. Toujours est-il que lorsque le sextet s'attaque au One mo' gin de D'Angelo ou au Soul sista de Bilal, c'est pour des relectures de haut niveau.

 


Joshua Corry

 


Jarrod Lawson, Christopher Friesen

 

Conquis, le public (en nombre honorable pour un artiste encore si peu connu ici) aura du mal à les laisser partir, pas sans avoir demandé et obtenu une autre pièce de choix de l'album, Together we'll stand. Signe qu'avant de traverser la Manche pour deux soirs à guichets fermés au Jazz Café, Jarrod Lawson a fait le nécessaire. Son talent manifeste en impose aussi sur scène et on ne sera pas surpris si les années à venir voient son nom fleurir sur les programmes des salles et des festivals hexagonaux.

Nicolas Teurnier
Photos © Cutymike / Music4Live