;
Live reports / 18.09.2013

Janelle Monáe

Vu son univers élaboré à grand renfort de science-fiction, on peut s'attendre à une mise en scène particulière lorsqu'on se rend à un concert de Janelle Monáe. Elle y a eu recours dans un passé proche, mais pas ce soir. Face à un Alhambra complet, la chanteuse en bottes et bretelles prend rapidement la tête de ses troupes pour entrer dans le vif du sujet. À l'image de son nouvel album qui vient de paraître chez Warner (“The Electric Lady”), Monáe allège le script de sa “cybersoul” pour un rendu plus efficace. L'ouverture symphonique de ses nouvelles aventures retentit, esquissant le décor, et on bascule de suite dans l'énergie rock de Givin em what they love (enregistré sur disque avec Prince). Ses sbires tout en blanc ont du répondant, trompette et trombone à l'appui, claviers bien incrustés, avec aussi et surtout l'omniprésent Kellindo Parker (le neveu de Maceo) qui, planqué derrière ses cheveux, cultive sur son manche riffs nerveux et solos incendiaires.

 

 


Kellindo Parker

 

Monáe allait-elle suivre le fil conducteur de ses suites IV et V ? Pas du tout. La dame électrique court-circuite les attentes en puisant allégrement dans son opus précédent : Cold war, Faster, Come alive (The war of roses), Dance or die auront droit de citer, et son fameux Tightrope pointera même son nez très tôt dans le programme. Autant dire que les tempos rentre-dedans chers à l'archandroïde d'Atlanta eurent les honneurs d'une prestation très rock'n'roll. Surtout qu'il faut désormais compter avec l'explicite Dance apocalyptic. De belles cartouches qui permettent à Monáe d'illustrer sa maîtrise de l'espace scénique, avec une gestuelle chiadée ultradynamique, et même au-delà puisqu'elle et son poids plume sont toujours adeptes du crowd surfing.

Côté funk, son excellent nouveau single Q.U.E.E.N. est, comme prévu, imparable, la patronne reprenant à son compte la partie d'Erykah Badu et donnant tout lors de l'apothéose rappée finale. Le frisson de la soirée. Prolongé par l'autre épaisse pièce de groove (sous influence go-go) qu'est Electric lady, introduite par une rythmique poisseuse à souhait et conquérante avec son refrain qui chante la force des femmes de toute la galaxie.

 

 

 

Dans cette débauche d'énergie, c'est finalement la voix de Monáe qui, par moments, peine à prendre le dessus d'un orchestre dynamite ; aussi ses deux choristes clones à rayures lui apportent-elle un soutien bienvenu. Et comme son chant aérien et théâtral donne toute sa mesure sur le calme et prenant What an experience, on regrette qu'il n'ait pas été davantage question de cette facette particulièrement présente dans la seconde partie de son nouvel album, peut-être pas encore suffisamment mûrie avec le groupe pour lui donner sa chance live.

 

 

Si certaines choses restent à parfaire, nul doute que la déclinaison scénique du monde de Monáe – un maelström qui célèbre le R&B dans toute sa diversité – a de beaux jours devant elle.

Nicolas Teurnier
Photos © Stella-K