Blues Roots Festival Meyreuil 2024
02.10.2024
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23 au 26 octobre 2019.
Parvenue à sa troisième édition, Jammin’ Juan est devenue un rendez-vous incontournable des professionnels français du jazz. Assistaient cette année à l’ événement, des directeurs-trices de festivals, des tourneurs, des agents artistiques, des attachées de presse et des journalistes, dont certains venaient de Belgique, du Canada, d’Allemagne et de Roumanie. Ce qui démontre l’ampleur prise par cette manifestation. Comme l’ont souligné Philippe Baute, directeur de l’Office du tourisme d’Antibes-Juan-les-Pins et de Jammin’ Juan et Lilian Goldstein, directeur du Service musique et spectacle vivant de la SACEM, Jammin’ Juan n’est pas un festival mais plutôt un marché du jazz destiné à mettre en relation programmateurs et artistes. Et l’idée fonctionne puisque trente contrats ont ainsi été signés l’année passée.
Côté musique, la mouture 2019 de Jammin’ Juan proposait quatre jours de concerts non stop dans le cadre de show cases, l’après-midi, et sur la scène de l’amphithéâtre du Palais des Congrès de Juan, en soirée. Soit plus de vingt-deux heures de musique. D’une manière générale, ces prestations ont montré les spécificités de la production jazzistique hexagonale actuelle largement ouverte aux musiques cousines. Dit rapidement, ces tentatives de synthèse peuvent aboutir, soit à une dilution de la composante jazz, soit à son renforcement. Dans le premier cas, l’expérience débouche sur une musique orientée, parfois brillamment, dans une autre direction ; dans le deuxième, le projet y gagne, selon les critères jazzistiques, une force créatrice bienvenue.
C’est la voie originale adoptée par le trio du pianiste Alex Montfort qui se détache de la production habituelle du genre en revendiquant l’influence d’Herbie Hancock, McCoy Tyner et Mulgrew Miller ; le Shauli Einav Quintet qui met en valeur l’alliage sonore inusité saxo ténor, trombone, vibraphone ; le Théo Girard Quartet dont la musique est centrée sur la contrebasse et le Josiah Woodson & Quintessentiel qui perpétue la façon des Jazz Messengers d’Art Blakey en la renouvelant.
Intéressante aussi est la démarche de Laurent Maur, un harmoniciste de talent ayant croisé sur son chemin, le rock, le blues et le jazz. Laurent a su surprendre son auditoire en interprétant avec la flûtiste Émilie Calmé, Indifférence, la belle valse de Tony Murena. Avec des artistes de cette trempe, les étiquettes perdent de leur importance comme l’ont montré le grand ensemble Danzas du pianiste-arrangeur Jean-Marie Machado qui accompagnait le chanteur béarnais André Minvielle, interprète sensible de Bobby Lapointe et la chanteuse Cécile Andrée, très attachée à la qualité poétique des textes.
Il revenait au tentet Les Rugissants, constitué de musiciens du CRR de Paris, d’ouvrir la soirée de samedi consacrée aux “grands formats” avec une évocation de Charles Mingus. La terminait Bigre! qui a proposé, à la manière d’une joyeuse fanfare, une musique ludique mélangeant les genres en une synthèse détonante. Ce joyeux désordre organisé n’a gêné en rien Célia Kameni, une vocaliste de grande classe très concentrée sur son chant. Le point d’orgue de la soirée revînt au Morand Orchestra et au Line Kruse Orchestra, deux grandes formations bénéficiant d’une véritable direction artistique.
Saxophoniste baryton et arrangeuse de talent, Tullia Morand prolonge la tradition des big bands associée à la danse comme l’a montré la brillante démonstration de claquettes de Fabien Ruiz sur Heart of my heart qui sera francisé par Blossom Dearie sous le titre Plus je t’embrasse. Sa consœur, la violoniste Line Kruse a proposé une musique fortement trempée dans le jazz tout en restant ouvert aux influences de la musique latine. Sa reprise de Fascinating rhythm restera un grand moment de la soirée.
Complétant cette édition de Jammin’ Juan était organisée une table ronde s’appuyant sur une enquête, limitée à la France et n’incluant pas les professions d’attachées de presse qui pourtant participent grandement au sujet traité. Intitulée “La représentation femmes-hommes dans le jazz et les musiques improvisées” et réalisée par la FNEIJIMA (Fédération nationale des écoles d’influence jazz et musiques actuelles) en coopération avec l’ADEJ (Association des enseignants jazz), cette étude aboutit à l’évidence « d’une division sexuelle du travail, horizontale mais aussi verticale. » Une conclusion prévisible.
Texte : Alain Tomas
Photos © Jeff van Straelen