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Chroniques / 13.10.2023

Jamila Woods, Water Made Us

L’eau se souvient du moindre espace qu’elle a déjà irrigué. Plus de quatre ans après l’excellent “Legacy! Legacy!” inspiré par de grandes femmes afro-américaines (cf. SB 235), Jamila Woods fait de ce thème aquatique issu d’une citation de Toni Morrison un guide pour explorer ces endroits qui comptent. Se recentrer sur elle, sur ce qui la/nous lie aux autres.

Tenté de dire qu’il est moins marquant de prime abord, on réalise que “Water Made Us”, comme ses deux prédécesseurs, s’apprivoise au fil des écoutes. Surtout, il témoigne à nouveau de l’identité forte de son autrice, non seulement dotée d’un timbre acidulé franchement personnel, mais aussi d’une large palette pour faire danser ses mots. Un phrasé fluide, serein, passé au filtre de la poésie et du spoken word qui nourrit des productions d’une belle richesse, réalisées avec le talentueux McClenney.

Des sonorités issues des ‘80s sont judicieusement mises à contribution en début de programme, dans le fleuri Tiny garden dont l’élan féérique évoque Emily King, dans le grisant Practice qui appuie sur le funk en compagnie de Saba, complice chicagoan sur la même longueur d’onde. Avec sa prod bosselée, son chant traficoté et son boost fourni par un chœur ample, Send a dove rappelle un autre talent de la Windy City, Peter CottonTale, présent deux morceaux plus loin, le temps de colorer une ballade suspendue de très belle facture (Thermostat).

Encadré par deux interludes, l’enchaînement de Boomerang et de Still, titres à propulsion disco punk rock, offre une parenthèse dont l’énergie brute contraste avec la floraison paisible et luxuriante de Bugs qui, en ouverture, plantait le décor d’un album très à l’aise pour laisser infuser son groove et bâtir dessus des édifices finement structurés qui appellent à de nouvelles visites. Comme cette eau qui n’oublie pas.

Nicolas Teurnier

Note : ★★★★
Label : Jagjaguwar
Sortie : 13 octobre 2023

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