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Chroniques / 10.03.2023

James Booker, Behind The Iron Curtain Plus…

Jelly Roll Morton, Fats Domino, Dr. John, Professor Longhair ou Jon Batiste : est-il encore utile de rappeler à quel point La Nouvelle-Orléans a toujours été et reste une authentique et formidable terre de pianistes ? 

Doté d’une technique prodigieuse, combinant des influences aussi diverses que Ray Charles, Erroll Garner, Beethoven et Chopin, James Booker en était sans conteste l’un des meilleurs. Ces cinq disques issus de trois concerts donnés en Suisse (Lausanne, janvier 1976) et, surtout, en Allemagne de l’Est (Berlin-Est, décembre 1976 et Leipzig, octobre 1977) en sont une preuve éclatante. Ce sont aussi de formidables et précieux témoignages du contexte de la Guerre froide qui voit ici un artiste afro-américain progressivement dérider, par ses talents exceptionnels de musicien et d’entertainer, un public visiblement plus habitué aux meetings politiques à rallonge qu’aux performances musicales.

Le pianiste, conscient des enjeux, mais refusant les pesanteurs de la situation internationale de l’époque, glisse d’ailleurs, à l’occasion d’intermèdes, deux malicieux « I’m gonna light up the curtain » et « Let’s rock this curtain tonight! », lors du concert donné à la Haus der Jungen Talente de Berlin en 1976. Évidemment, le répertoire est à la hauteur de l’interprétation qui en est donnée : haut de gamme ! Aux côtés d’originaux signés Booker (comment résister au poignant Slowly but surely ?), on retrouve un certain nombre d’emprunts piochés chez de grands noms néo-orléanais (Earl King, Allen Toussaint…), mais aussi chez T-Bone Walker, Ray Charles, Joe Tex ou les Beatles. Seul derrière son piano, Booker apporte une touche incomparable à chacun d’entre eux.

Si l’on ajoute à cela un livret de 60 pages parfaitement documenté et agrémenté des mots touchants de Cyril Neville, on tient là un objet totalement recommandable ! 

Nicolas Deshayes

Note : ★★★★★ (Le Pied)
Label : RWA
Sortie : 10 mars 2023

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