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Live reports / 20.10.2017

Jacob Banks

Attention, chant méchant. Les yeux clos, les lèvres rivées à la capsule du micro, Jacob Banks semble projeter tout son corps dans les sons qui jaillissent de sa bouche. Du chant tord-boyaux hautement inflammable qui renvoie aux secousses prodiguées un demi-siècle plus tôt par les Wilson Pickett, O.V. Wright et autres Otis Redding. À 26 ans, le grand gaillard de Birmingham (UK) a signé au printemps dernier l'une des plus belles sorties soul de l'année, “The Boy Who Cried Freedom” (4 étoiles dans SB 227). Logique, donc, que l'étroit Pop-Up du Label affiche complet bien avant le jour J.

 


Joy Crookes

 

S'il n'est pas vraiment nécessaire de chauffer la salle en ce soir d'été indien, la mini scène en sous-sol réserve d'abord une chouette surprise en la présence de Joy Crookes. Épaulée par la guitare toute en finesse d'un jeune Français, Charles Monneraud, la chanteuse londonienne fait preuve d'une belle maturité à tout juste 18 ans. Les quelques boucles envoyées du Macbook manquent un peu de corps mais l'essentiel est ailleurs : des chansons originales bien troussées et surtout un timbre qui en impose, via une sensibilité feutrée neo soul et un brin de piment R&B bien d'aujourd'hui façon Jessie Reyez. On retient son Bad feeling et son Power, tous deux inclus dans le EP “Influence” publié en mai dernier. À suivre.

 

 

 

Petit changement de petit plateau, un trio s'installe : batterie, guitare-claviers, basse-laptop. Reste à mettre la main sur l'interrupteur qui permet d’imprimer la pénombre en lettres de feu. Ça y est, le panneau “Jacob Banks” s'allume. Calotte de marin vissée sur le crâne, le chanteur débarque et commence par le début, c’est-à-dire Worthy, le titre qui ouvrait son premier EP de 2013, en version “tous muscles dehors” : de la disto et des toms en cascade. L’entame étouffante trouve vite une respiration salutaire : Banks entonne un thème d’un autre âge (Wade in the water) et bascule dans Mercy, une des pièces du récent collier de perles cité plus haut. Son chant viscéral brûle une pulsation étirée, hachée, comme suspendue au-dessus du vide.

 

 

 

 

Si elle transparaît en filigrane via l’ordinateur, la touche electro de sa production enregistrée laisse manifestement place sur scène à une approche plus rock, via l’énergie bondissante de son trio. Ce qui n’altère nullement le cœur du sujet : une voix qui emporte tout, souvent sur tempo lent. Comme attendu, Banks fait des ravages sur le terrain de la ballade soul dépouillée. Et l’exquise Part time love de trouver un prolongement naturel dans la nouvelle chanson qui lui emboîte le pas, Pilot, interprétée en solo par un Banks muni d’une guitare et d’un capodastre.

 

 

 

Il lève ensuite le voile sur d’autres nouveautés prometteuses (dont un Diddy bop au groove hip-hop conquérant) et replonge dans ces deux premiers EP, n’oubliant pas l’entêtant Sink or swim ni le percutant Monster. Passons sur un léger manque de rodage (un contact encore timide avec le public, une tentative maladroite de le faire chanter alors que des chœurs enregistrés occupent tout l’espace, ), et savourons le reste de “The Boy Who Cried Freedom” : ce Unknown (To you) poignant et la conclusion en apothéose sur les retentissants Unholy war et Chain smoking.

 

 

 

Après une belle tournée en Europe et aux États-Unis, Jacob Banks rejouera à Paris dès le 15 décembre, au Badaboum (11e). Quant à son EP “The Boy Who Cried Freedom” (Interscope), il ressort aujourd'hui avec deux titres en plus (Unknown (To you) décliné en deux versions). Un premier album, “The Village”, est attendu pour 2018.

Nicolas Teurnier
Photos © Fouadoulicious

jacobbanks.co.uk