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Live reports / 11.06.2018

INDRA RIOS-MOORE

Remarquée pour son album “Heartland”, paru en 2015, la chanteuse Indra Rios-Moore fêtait, à l’occasion du Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés, la sortie du successeur de celui-ci, dans le cadre, élégant mais fort peu adapté – scène minuscule, acoustique peu compatible avec l’amplification – du Grand Amphithéâtre de la Maison des Océans. Sans surprise, c’est donc le répertoire de “Carry My Heart” qui occupe la plus grande partie de la soirée, ouverte par une reprise de Steely Dan, Any major dude. Si elle écrit un peu – le très joli Carrymyheart, inspiré par la situation des migrants en Europe –, Rios-Moore choisit bien ses reprises, empruntant à Curtis Mayfield (Keep on pushing et aussi People get ready, absent de l’album), aux Isley Brothers (Don’t say goodnight) ou à Johnny Nash (I can see clearly now). 

 

 

 

 

 

 

Même si l’accompagnement (emmené par son mari Benjamin Traerup au saxophone et à la clarinette, Søren Bigum à la guitare, Thomas Sejthen à la contrebasse et Knuth Finsrud à la batterie) et l’ambiance se veulent jazz, c’est à la soul que renvoie bien souvent l’interprétation de Rios-Moore, qui évoque vocalement rien moins qu’Aretha Franklin. Lorsque l’averse qui tambourine sur la verrière de l’amphithéâtre se fait trop forte, elle se fait prêtresse et fait appel à ses origines portoricaines pour un titre, issu de l’album précédent, dédié à Oshun, la déesse des eaux des rivières dans la santeria. Miracle inattendu : la pluie se fait plus discrète… 

 

 

 

 

 

 

 

Reste que, au fil du temps, et peut-être parce que l’étroitesse de la scène ne lui permet pas vraiment de se déplacer, l’intensité de la prestation s’effiloche quelque peu, au point de céder la place à un ennui poli – tout cela est bien joué et bien chanté, mais il manque quelque chose d’un peu excitant pour que ce soit réellement distinctif. Une belle version de Come sunday de Duke Ellington en final vient confirmer le potentiel vocal de Rios-Moore – tout le monde ne peut pas s’attaquer à un tel monument, dont la version de référence a été chantée par Mahalia Jackson – mais laisse interrogatif sur la direction musicale retenue. 

Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot