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Hommages / 19.12.2021

Ils nous quittent : Wanda Young, Ralph Tavares, David Lasley, Gil Bridges, Robbie Shakespeare…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment.

Wanda Young (1943-2021)

Originaire d’Inkster, dans le Michigan, Wanda Young commence sa carrière de chanteuse professionnelle quand sa camarade de lycée Gladys Horton lui propose de rejoindre son groupe, les Marvels, suite au départ d’une des chanteuses, Georgia Dobbins. Déjà repéré par Berry Gordy quelques mois plus tôt, le groupe, devenu les Marvelettes, entre en studio en avril 1961 avec une composition de Dobbins, Please Mr. Postman. Le succès est immédiat et la chanson, sur laquelle Horton est la voix principale, devient le premier numéro un pop de Motown, avec en face B So long, baby, chanté par Young. Horton est également la voix lead des tubes suivants, mais Young interprète plusieurs titres sur les albums et partage occasionnellement l’avant-plan avec elle, par exemple sur Locking up my heart

Quand le succès des Marvelettes commence à décliner, à partir de 1964, Motown décide de faire évoluer leur son, confiant de plus en plus souvent le chant principal à Young. L’arrivée de Smokey Robinson au pilotage des enregistrements du groupe vient confirmer cette tendance, et c’est la voix de Wanda Young – qui a épousé quelques mois plus tôt Bobby Rogers, le complice de Robinson dans les Miracles et se fait désormais appeler Wanda Rogers – qui porte les tubes Don’t mess with Bill, The hunter gets captured by the game (peut-être une des plus belles chansons jamais publiée par Motown) et My baby must be a magician, ainsi que When you’re young and in love, composé par Van McCoy et emprunté à Ruby & the Romantics.

La popularité du groupe décline progressivement à partir de 1967 et du départ de Gladys Horton, d’autant que Wanda Rogers connaît des problèmes personnels qui viennent perturber la vie de l’ensemble, qui connaît différents changements de personnel. En 1970, elle enregistre sous la houlette de Smokey Robinson un album solo, mais Motown décide de le commercialiser sous le nom du groupe et le titre “The Return Of The Marvelettes”. Le disque connaît un succès relatif, mais marque la fin définitive des Marvelettes chez Motown. Lorsque le label quitte Détroit en 1972, Wanda Rogers quitte le monde de la musique. 

Comme nombre de vétérans Motown, c’est le producteur Ian Levine qui la sort de sa retraite à la fin des années 1980. Avec Gladys Horton et deux autres chanteuses sans lien avec le groupe original, elle reforme une version des Marvelettes, qui réenregistre une bonne partie de leurs classiques pour l’album “Now!”, publié sur Motorcity. Si elle grave quelques faces sous son nom au début des années 1990, sa santé ne lui permet cependant pas de relancer réellement sa carrière, même si elle participe à quelques documentaires sur la carrière du groupe. 

Photo : The Marvelettes (Katherine Anderson, Wanda Young et Gladys Horton) © DR

Ralph Tavares (1941-2021)

Cinquième des dix enfants de Feliciano “Flash” Tavares et Albina Gomes, Ralph commence à se produire autour de Providence, dans l’Etat de Rhode Island, dès la fin des années 1950 avec ses plusieurs de ses frères, d’abord au sein des Del Rios qui accompagnent la chanteuse Linda Steele (un single sur Crackerjack en 1962), puis après le départ de celle-ci sous le nom de Chubby And The Realities. L’ensemble, formé par quatre des frères Tavares, signe avec Capitol qui les rebaptise Chubby And The Turnpikes, puis simplement The Turnpikes, le temps de trois singles dont le retentissement reste local. Lâchés par Capitol, les frangins, qui bénéficient d’une excellente réputation live, se produisent, aux États-Unis et en Europe, sur le circuit des casinos et des croisières dans un répertoire “cabaret”. 

Ironiquement, c’est à nouveau chez Capitol que les frangins – qui se sont désormais rebaptisés tout simplement Tavares – font leur retour discographique, avec un premier tube R&B, Check it out. Ce premier succès ouvre une période faste pour le groupe, qui enchaîne pendant une décennie les réussites, tant en single qu’en albums, avec des classiques comme She’s gone, It only takes a minute, Heaven must be missing an angel ou Whodunit. Malgré leur présence sur la bande originale du film Saturday Night Fever, avec More than a woman composé pour eux par les frères Gibb, leur popularité sur le circuit R&B peine à se traduire côté pop, et seul un de leurs titres, It only takes a minute, atteint le Top 10 pop.

Au sein d’un groupe riche en chanteurs extraordinaires, Ralph n’est que rarement la voix principale sur les disques (Mama’s litle girl, sur le premier album, par exemple), se contentant bien souvent d’accompagner ses frères. Il quitte l’ensemble en 1983, alors que les années de grands succès sont derrière lui, pour se consacrer à une carrière juridique, mais le retrouve trente ans plus tard, sur le circuit de la nostalgie, quand son frère Pooch est obligé de se retirer pour raison de santé. 

David Lasley (1947-2021)

S’il a mené une carrière personnelle, avec une poignée d’albums dans les années 1980 puis dans les années 2000, c’est surtout dans les coulisses que le chanteur et auteur-compositeur David Lasley a ses habitudes. Originaire du Michigan, il se fait remarquer sur la scène de Détroit avec les Utopias, le groupe qu’il a fondé avec ses sœurs, qui publie à la fin des années 1960 une poignée de singles pour des labels locaux comme Fortune et La Salle. En 1970, il se produit à Broadway et en tournée avec une production de Hair, ce qui le conduit à s’installer à New York. Il s’y lance dans une carrière de choriste de studio, bien souvent en partenariat avec Luther Vandross, apparaissant dans de nombreuses séances, notamment pour la Chic Organisation (Chic, mais aussi Sister Sledge ou l’album solo de Norma Jean Wright) mais aussi, dans tous les registres, aussi bien pour Bonnie Raitt, General Johnson, Jimmy McGriff, Cissy Houston, Major Harris ou Chaka Khan que pour Ringo Starr, Todd Rundgren ou Bette Midler, ainsi que pour de nombreux jingles publicitaires.

Au milieu des années 1970, il tente à nouveau une carrière personnelle dans le cadre du groupe Rosie, qui publie deux albums sur RCA sans grand succès, avant de rejoindre le groupe du chanteur James Taylor, avec qui il tourne et enregistre régulièrement jusqu’à ces dernières années. Il poursuit en parallèle son travail de choriste de studio jusqu’à la fin des années 2000, apparaissant sur des disques de Boz Scaggs, Aretha Franklin, Randy Crawford, Thelma Houston, Brenda Russell, Stanley Clarke, Teddy Pendregrass, Dionne Warwick, Elton John, Michael McDonald, Neil Young…

Partenaire de micro régulier de Luther Vandross au cours des années choristes de celui-ci, il chante régulièrement sur les albums de celui-ci. Il développe en parallèle une carrière d’auteur-compositeur à succès, dont les morceaux sont enregistrés, entre autres, par Patti LaBelle, Dionne Warwick, Patti Austin, Rita Coolidge, Whitney Houston, Jennifer Holliday, Bonnie Raitt, Chaka Khan Randy Crawford, Aretha Franklin et l’ami Luther Vandross. Deux de ses albums sont d’ailleurs consacrés à ses versions de ses chansons popularisées par d’autres.

Gil Bridges (1941-2021)

Membre fondateur de Rare Earth, le saxophoniste et chanteur Gil Bridges est le seul à avoir traversé toute l’histoire du groupe : présent sur tous les albums de l’ensemble, il se produisait encore sur le circuit de la nostalgie il y a quelques mois. Né à Détroit, il rejoint au début des années 1960 un groupe monté par quelques camarades, les Sunliners. L’ensemble se fait vite remarquer sur la scène locale, au point de faire la première partie d’un concert des Beatles en 1966, mais doit attendre 1968 pour faire ses débuts discographiques, après avoir adopté le nom de Rare Earth. Publié sur Verve,

“Dreams/Answers” passe à peu près inaperçu, mais attire l’attention de Motown, qui souhaite lancer un sous-label rock. Celui-ci n’ayant pas encore de nom, les membres du groupe proposent de l’appeler également Rare Earth, mais sont bien surpris quand leur suggestion est adoptée ! Sorti en 1969, “Get Ready” est un succès immédiat, et la chanson-titre, empruntée aux Temptations, devient un tube aussi bien dans le classement pop que côté R&B. Une autre reprise des Tempts, (I know) I’m losing you, parue l’année suivante, fait presque aussi bien, mais le succès commercial est de courte durée. Après un dernier tube majeur, I just want to celebrate – une composition originale, pour une fois, co-signée par Dino Fekaris, le futur co-auteur de I will survive –, le groupe, qui continue à enregistrer très régulièrement jusqu’au début des années 1980, pour Rare Earth puis Prodigal, se concentre la scène.

Au fil des années, l’effectif de Rare Earth change régulièrement, mais Bridges en reste la constante. Moins actif discographiquement à partir des années 1980, le groupe trouve sa place sur le circuit oldies à partir de la fin de la décennie, tout en publiant ponctuellement des albums comme “A Brand New World”, sorti en 2008 et qui était leur dernier disque studio, avec Bridges comme seul lien avec le line-up d’origine. 

Greg Tate (1957-2021)

Journaliste réputé, notamment pour le Village Voice, Greg Tate était considéré comme “le parrain du journalisme hip-hop”, à l’origine notamment de la réflexion sur la continuité entre jazz et hip-hop. Cofondateur (avec entre autres le guitariste Vernon Reid) au milieu des années 1980 de la  Black Rock Coalition, il dirigeait depuis la fin des années 1990 le groupe à dimension variable (entre l’orchestre de Sun Ra et Funkadelic) Burnt Sugar, auquel participent entre autres Vernon Reid, Pete Cosey, le guitariste (et futur membre des Roots) Kirk Douglass, Napoleon Maddox, Matana Roberts… 

Robbie Shakespeare (1953-2021)

Figure majeure des musiques jamaïcaines à partir des années 1970, le bassiste Robbie Shakespeare a participé à d’innombrables séances au service des vedettes locales et, occasionnellement, pour des stars pop de passage, bien souvent en binôme symbiotique avec le batteur Sly Dunbar, et son style de jeu a influencé des musiciens bien au-delà du reggae et de ses dérivés. “Sly & Robbie Present Taxi Gang In Discomix Style 1978-1987”, publiée en 2017, présente une sélection de reprises de classiques soul produites par Sly & Robbie avec différents chanteurs jamaïcains.

Alonzo Johnson Jr. (1951-2021)

Figure discrète de la scène zydeco, le bassiste Alonzo Johnson Jr a accompagné les principales vedettes du genre, de Clifton Chenier à Rockin’ Dopsie Jr., dont il a été le directeur musical, en passant par Rockin’ Dopsie Sr., Jude Taylor, Fernest Arceneaux, les Zydeco Hurricanes… Hors zydeco, il a également enregistré avec Lil’ Buck Sinegal, Wallace Johnson, Roscoe Chenier, Benny Turner et, avec les Twisters de Rockin’ Dopsie Sr., sur l’album “Graceland” de Paul Simon

Daniel Farhi (19??-2021)

Cofondateur au milieu des années 1970 du New Morning, d’abord à Genève puis à Paris, il assure ensuite la direction des productions du New Morning. Il produit le documentaire consacré aux 25 ans du club, ainsi que de nombreuses captations (en disque ou en DVD) de concerts donnés sur place (Robben Ford, Gil Scott Heron,  Buddy Miles…). 

Phil Chen (1940-2021)

Originaire de Jamaïque, Phil Chen s’impose au début des années 1970 comme un des bassistes de référence des studios britanniques, enregistrant notamment avec Jeff Beck et Rod Stewart. Il apparaît sur des albums de Linda Lewis, Doris Troy, Jimmy Witherspoon et Bo Diddley et accompagne John Lee Hooker sur sa reprise du Red House de Jimi Hendrix.

Frank Little Jr (1943-19??)

Originaire de Cleveland, Franck Little Jr est le guitariste de l’orchestre des O’Jays au milieu des années 1960 et cosigne quelques titres, dont Oh, how you hurt me, avec Eddie Levert avant de disparaître du monde de la musique. De façon macabre, des restes humains découverts en 1982 viennent d’être identifiés comme les siens…

Floyd Wilson (19??-2021)

Originaire de Chicago, le chanteur et guitariste s’est régulièrement illustré sur les scènes de la ville, notamment avec son Electrophonic Blues Band. Disciple de Lefty Dizz, il avait notamment joué au Chicago Blues Festival en invité de Maurice John Vaughan.

Leonard Hubbard (1959-2021)

Bassiste historique des Roots, Leonard “Hub” Hubbard apparaît sur tous les albums du groupe, de leurs débuts en 1993 jusqu’à “Game Theory” de 2006 et son départ l’année suivante. Pendant cette période, il accompagne aussi Jaguar Wright, Musiq Soulchild, Bobby Womack, Roy Ayers…

Textes : Frédéric Adrian

David LasleyFrédéric AdrianGil BridgesRalph TavaresWanda Young