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Hommages / 31.10.2021

Ils nous quittent : Rudy Love, Deon Estus, Bob Fisher, Tommy DeBarge, William Shelby…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment.

Rudy Love (1948-2021)

Figure majeure de la fort discrète scène soul de Wichita, dans le Kansas, Rudy Love n’a jamais vraiment été remarqué par le grand public, malgré la sortie début 2020 d’un documentaire qui lui est consacré, This is Love, auquel participent entre autres George Clinton et Mick Fleetwood. Né dans l’Oklahoma, Love – c’est son vrai nom – s’installe pendant son enfance avec sa famille à Wichita. Inspiré par son père, qui est musicien professionnel, il ne tarde pas à monter différents groupes musicaux, puisant bien souvent leurs membres parmi ses nombreux – pas moins de quatorze ! – frères et sœurs. C’est sous le nom de Rudy Love & The Company Soul qu’il fait ses débuts discographiques avec deux singles pour Canyon, puis, rebaptisé Rudy Love And The Love Family, un autre sur Earthquake.

En parallèle, Love développe sa carrière d’auteur-compositeur. Ray Charles enregistre en 1970 le Your love is so doggone good qu’il a écrit avec Dee Ervin, et les Whispers en font un tube dès l’année suivante – elle est ensuite enregistrée par Isaac Hayes, Esther Phillips, Johnny Adams et quelques autres. Love écrit aussi pour les Persuaders et croise la route de Sly Stone (il chante sur l’album “High On You”), dont il deviendra plus tard le manager et le directeur musical. À la fin des années 1970, il relance Rudy Love And The Love Family, qui signe avec Calla et publie deux albums ainsi qu’une poignée de singles, dont deux se classent dans le hit-parade R&B de Billboard. L’un d’entre eux, Does your mama know, sera plus tard samplé par Jay-Z, Mobb Deep et Rick Ross.

Plus discret par la suite – même s’il travaille comme chanteur de démos pour Clayton Ivey et Terry Woodford –, il se réinstalle à Wichita, où il continue à se produire régulièrement et collabore à plusieurs comédies musicales. Il publie un disque personnel, “The Right Feeling”, en 1985, et un nouvel album crédité à Rudy Love And The Love Family, “Infinite Love”, en 2003.

Photo : Rudy Love et Bob Love © Ascha Lee/KMUW

Deon Estus (1956-2021)

Originaire de Détroit, Deon Estus prend des cours de basse dans sa jeunesse avec James Jamerson avant de rejoindre à la fin des années 1970 le groupe Brainstrom (dont fait partie la chanteuse est Belita Woods, future voix majeure du p-funk) et de participer à deux de leurs albums parus sur Tabu. À la séparation du groupe, il rejoint, comme bassiste et chanteur, l’ensemble du batteur Harvey Mason et travaille comme musicien de studio (pour Johnny Guitar Watson notamment). Au début des années 1980, il s’installe en Europe où il croise notamment la route de Marvin Gaye, dont il décline la proposition de participer aux séances de ce qui deviendra “Midnight Love”. Il intègre rapidement l’orchestre de scène et de studio du groupe Wham!, qu’il accompagne notamment en tournée en Chine, puis celui de George Michael (il est notamment à la basse sur le classique Careless whisper), dont il restera membre jusqu’au décès du chanteur.

Deon Estus s’impose en parallèle comme musicien de studio – pour Elton John, Kim Wilde, Sandie Shaw, Mica Paris… – tout en profitant de sa visibilité aux côtés de George Michael pour lancer sa carrière solo à partir du milieu des années 1980, qui passe notamment par un duo avec Amii Stewart. Michael produit plusieurs titres de l’album “Spell” et prête sa voix à un titre, Heaven help me, qui décroche un beau succès commercial. L’aventure solo s’arrête cependant là, et Estus se concentre ensuite sur son rôle d’accompagnateur, souvent aux côtés de George Michael, mais aussi pour des artistes aussi divers qu’Aaron Neville ou Edgar Winter.

Bob Fisher (19??-2021)

Originaire de Leicester en Angleterre, Bob Fisher commence à écrire sur la soul et le blues à la fin des années 1960, d’abord pour des revues spécialisées comme Shout, SMG et Hot Buttered Soul, puis pour des journaux plus grand public comme Cream, Let It Rock et le NME. Au milieu des années 1970, il rejoint les bureaux londoniens d’EMI, où il prend en charge la presse de Motown avant de devenir responsable de différents labels dont Fantasy, Stax ou Salsoul. Dans ce cadre, il assure la production de plusieurs compilations extraites de ces catalogues, dont plusieurs volumes consacrés “Stax Blues Masters”. À la fin des années 1980, il rejoint l’équipe de Charly Records et y produit de nombreuses anthologies, bien souvent parues sous l’étiquette Charly R&B, puis fonde Sequel Records, où il est à nouveau responsable de nombreuses rééditions.

La fin des années 1990 le voit fonder le label de réédition Westside (et son éphémère filiale Blueside, qui publie de nouveaux enregistrements de Big Lucky Carter, Eugene “Hideaway” Bridges et du trio Otis Grand / Anson Funderburgh / Debbie Davies) avant de travailler pour Connoisseur Collection et Stateside dans les années 2000. Depuis la fin des années 2000, il produisait essentiellement des compilations pour Jasmine : c’est lui qui est responsable par exemple des récentes anthologies consacrées à Otis Rush et à Robert Nighthawk publiées par le label. Il a bien souvent assuré le travail de rédaction des notes des différents disques qu’il a produits.

Roger St. Pierre (1941-2021)

Figure de l’industrie musicale britannique à partir des années 1960 – il assure notamment la promotion de la première tournée anglaise des Jackson 5 et travaille aussi pour James Brown, B.B. King, Marvin Gaye, Gladys Knight, Wilson Pickett, the Drifters, George et Gwen McCrae, KC & The Sunshine Band, Junior Walker… –, Roger St. Pierre est également un auteur prolifique, pour Blues & Soul, le NME, Record Mirror, Sounds et Disco Mirror mais aussi pour de nombreuses notes de pochettes, en particulier pour Music For Pleasure, DJM, Stateside, Charly, Instant… Il a également piloté ses propres labels, Now! et Energy, et contribué à différentes séries documentaires de BBC Radio Two (sur Atlantic Records, Count Basie, Chuck Berry, Robert Johnson…). 

Robin Russell (1952-2021)

Originaire de Los Angeles, Robin Russell fait ses débuts de batteur professionnel au sein de l’orchestre de Johnny Guitar Watson avant de rejoindre le groupe de Little Richard, qu’il accompagne notamment au légendaire London Rock and Roll Show qui se tient à Wembley en 1972. Au milieu des années 1970, il rejoint New Birth, qu’il accompagne sur plusieurs de leurs albums pour RCA, Warner et Buddah jusqu’à la fin de la décennie. Il joue également avec Sylvester. Le reste de sa carrière se déroule essentiellement localement : il se produit pendant deux décennies au Griffith Park et publie en 2004 un album personnel, “Drum Beats:  Griffith Park Drum Sessions, Vol. 1”. Un documentaire, Griffith Park Drumming Experience, lui a été consacré.

Regi Hargis (19??-2021)

Cofondateur au milieu des années 1970 de Brick, le guitariste Regi Hargis a participé à l’ensemble des enregistrements du groupe funk d’Atlanta jusqu’à la fin des années 1980 et contribué à l’écriture de ses principaux tubes, parmi lesquels le classique Dazz. Il continuait à diriger la version actuelle du groupe sur la scène de la nostalgie funk. 

Alan Hawkshaw (1937-2021)

Figure légendaire des studios britanniques dès le début des années 1960, Alan Hawkshaw a contribué, en tant qu’accompagnateur, producteur, auteur ou arrangeur, à d’innombrables enregistrements, aussi bien dans un registre pop et rock (les Hollies, Donovan, Olivia Newton-John, les Shadows, Serge Gainsbourg, Jane Birkin…) que dans un registre soul, funk ou disco (Donna Summer, Miquel Brown, Tyrone Ashley, Tina Charles Dorothy Morrison, Madeline Bell…). Prolifique compositeur de library music, ses thèmes ont été largement utilisés par la télévision britannique et il pilote nombre de groupes de studios, parmi lesquels les Mohawks dont l’instrumental dansant The Champ, emmené par son orgue, est devenu un classique samplé plusieurs centaines de fois depuis les années 1980. 

Leslie Bricusse (1931-2021)

Auteur et compositeur britannique spécialisé dans les comédies musicales et les musiques de film, Leslie Bricusse a vu ses chansons enregistrées par une multitude d’artistes parmi lesquels James Brown, Dionne Warwick, Nat King Cole, Dinah Washington, Freda Payne, Dusty Springfield, Aretha Franklin, Barbara Lewis, Billy Stewart, les Temptations, Lloyd Price, les Impressions, Patti LaBelle & The Bluebelles, Marvin Gaye, Gladys Knight… C’est sans doute à Nina Simone qu’il doit sa chanson la plus connue, avec sa version souvent imitée de Feeling good

Tommy DeBarge (1957-2021)

Troisième des dix enfants de Robert et Etterlene DeBarge, Thomas DeBarge fait ses débuts discographiques à la fin des années 1970 en tant que bassiste aux côtés de son frère au sein du groupe Hot-Ice, qui, sous la houlette de Jermaine Jackson, se rebaptise Switch et signe avec Motown. L’ensemble se taille une belle réputation sur la scène R&B et enchaîne les albums, mais Thomas le quitte au début des années 1980, après la sortie de l’album “This Is My Dream” pour se consacrer à accompagner la carrière et le succès du groupe DeBarge, monté par sa sœur aînée Bunny et quatre de ses frères, se contentant dès lors d’un rôle dans les coulisses. 

Ralph Carmichael (1927-2021)

Compositeur et arrangeur Ralph Carmichael est considéré comme un des pionniers de la musique chrétienne contemporaine, mais a également œuvré dans le domaine séculier. Collaborateur régulier des dernières années de la carrière de Nat King Cole, il travaille également avec Nancy Wilson et Odetta. Fondateur au milieu des années 1960 du label Light Music, qui publie de nombreux albums gospel, il contribue au lancement de la carrière d’Andraé Crouch. 

William Shelby (19??-2021)

Clavier, chanteur, auteur-compositeur et producteur, c’est en lien avec le label Solar de Dick Griffey que William Shelby a conduit la plus grande part de sa carrière. Membre du groupe Dynasty, il participe, sous la houlette de Leon Sylvers, à ses cinq albums parus entre la fin des années 1970 et la fin des années 1980, tout en accompagnant en studio d’autres artistes du label comme les Whispers, Shalamar et Carrie Lucas ou d’autres produits par Leon Sylvers comme le S.O.S. Band ou Gladys Knight & the Pips.

Auteur et arrangeur prolifique, il contribue bien souvent à l’écriture des disques auquel il participe et est notamment le co-signataire de deux des principaux classiques du catalogue Solar, And the beat goes on, créé par les Whispers, et The second time around de Shalamar. Il est également ponctuellement crédité comme producteur sur les enregistrements de Dynasty, mais aussi pour Lenny Williams, Carrie Lucas, les Whispers et Klymaxx. À la fin des années 1980, quand l’aventure Solar touche à son terme, il rejoint son frère Thomas au sein de ses anciens collègues de label Lakeside, et c’est avec eux qu’il se produit sur le circuit de la nostalgie jusqu’à ces derniers temps.

Kent Washburn ( 19??-2021)

Basé à Los Angeles, Kent Washburn se fait remarquer dans les années 1970 en tant que producteur, travaillant en particulier pour les Hypnotics et pour différents artistes Motown dont Major Lance et High Energy (le tube You can’t turn me off (In the middle of turning me on)). Dans les années 1980, il se tourne vers la musique chrétienne, cofondant le label Command Records pour lequel il produit plusieurs albums. 

Bill Luckett (19??-2021)

Arrivé bébé à Clarksdale, Bill Luckett a mené une carrière professionnelle à succès en tant qu’avocat avant de se lancer dans une carrière politique qui l’a mené à devenir maire de la ville et candidat, pour le parti démocrate, au poste de gouverneur du Mississippi, mais c’est pour son rôle dans la naissance du Ground Zero, un des clubs majeurs de la réunion, dont il était le copropriétaire avec l’acteur Morgan Freeman, qu’il est le plus connu pour les amateurs de blues. Il apparaissait d’ailleurs dans le DVD live de Bobby Rush filmé sur place, rejoignant le bluesman sur scène avec Freeman pour quelques pas de danse…

Henry Baskin (1933-2021)

Figure importante du monde juridique de Détroit, l’avocat Henry Baskin a représenté de nombreux artistes Motown, au premier rang desquels Marvin Gaye dont il a été pendant vingt ans le conseil et l’ami.

Textes : Frédéric Adrian