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Hommages / 25.04.2021

Ils nous quittent : Morris “B.B.” Dickerson, Willie Schofield, Shock G, Lou Wilson…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment. 

Morris “B.B.” Dickerson (1949-2021)
Originaire de Torrance en Californie, Morris Dickerson découvre la basse à partir de douze ans. Il est encore adolescent quand son oncle (qui n’a que trois ans de plus que lui), le guitariste Howard E. Scott, l’embauche dans les Creators, le groupe qu’il a créé avec le batteur Harold Brown, et au sein duquel il croise, entre autres, le saxophoniste et flûtiste Charles Miller et le chanteur Lonnie Jordan. 

Avec quelques pauses, il est à nouveau de la partie quand les Creators deviennent Nighshift et commencent à accompagner l’ancien footballeur devenu acteur Deacon Jones – rien à voir avec le musicien de La Nouvelle-Orléans ni avec l’organiste du même nom – dans les clubs de Los Angeles. C’est dans l’un de ceux-ci que le producteur Jerry Goldstein les entend et décide de les associer avec l’ancien chanteur des Animals Eric Burdon. La collaboration se passe bien et donne lieu à l’album “Eric Burdon Declares War”, dont le premier extrait, Spill the wine, est un tube immédiat. Le titre de l’album donne son nom au groupe, qui devient alors War. Burdon et War tournent largement, aux États-Unis et en Europe – c’est à l’occasion d’un de leurs concerts londoniens que Jimi Hendrix fait sa dernière apparition scénique –, et publient un second album, “The Black-Man’s Burdon”, avant que le chanteur ne décide de les quitter, laissant le groupe développer sa propre musique.

Un premier album éponyme paru début 1971 passe à peu près inaperçu, mais “All Day Music”, quelques mois plus tard, apporte le succès au groupe, grâce notamment au tube Slippin’ into darkness. Dickerson contribue largement au son du groupe, qui écrit collectivement, jusqu’à la musique du film Youngblood, parue en 1978. Outre son rôle de bassiste, il chante occasionnellement, et c’est lui la voix principale du tube The world is a ghetto. Il quitte War en 1979, alors que le succès commercial du groupe est sur le déclin, mais retrouve ses camarades lorsque ceux-ci, désireux de s’émanciper du contrôle de Jerry Goldstein, montent au milieu des années 1990 leur propre ensemble, le Lowrider Band, tandis que War continue de se survivre avec le seul Lonnie Jordan à la barre. 

Bien que le nouveau groupe n’enregistre quasiment pas, il reste une attraction très populaire sur le circuit de la nostalgie, reprenant les titres qui ont valu sa gloire à leur ancien ensemble, et Dickerson se produit avec eux jusqu’à ce que sa santé l’en empêche. 
Photo © DR

Willie Schofield (1939-2021)
Si sa carrière musicale principale a été relativement brève, Willie Schofield a fait partie, de façon discrète mais effective, des architectes de la naissance de la soul au début des années 1960. Basé à Détroit, Schofield est encore adolescent quand il commence à se produire, avec un groupe vocal a cappella, dans des concours de talents. Quand il croise la route au milieu des années 1950 des Falcons, le groupe monté par Eddie Floyd et Bob Manardo, il est séduit et rejoint vite le groupe, qui se produit dans les clubs huppés de Détroit et tourne dans les États des environs, dans un registre plutôt sophistiqué.

Le groupe fait ses débuts discographiques sous la houlette de Willie Dixon en 1956 sur Mercury, mais connaît des changements de personnel réguliers, avant de se stabiliser autour de Floyd et Schofield, avec Joe Stubbs, Mack Rice et le guitariste Lance Finnie. Plusieurs singles sont publiés sur des labels appartenant à leur manager Robert West – qui lancera plus tard la carrière des Temptations et des Supremes – sans grand succès, jusqu’à la sortie début 1959 de You’re so fine, co-écrit par Scholfield et Lance Finnie. Repris par un plus grand label, le titre se hisse à la deuxième place du classement R&B et est suivi par d’autres succès, plus modestes, notamment pour Chess.

Courant 1960, Joe Stubbs quitte le groupe, et c’est Willie Schofield qui dégotte son remplaçant, un chanteur issu du gospel qui s’appelle Wilson Pickett. C’est avec lui au chant principal et une nouvelle co-composition de Schofield, I found a love, que le groupe décroche son second tube au début de 1962, marquant – avec quelques autres disques, comme ceux des Impressions – le début de l’ère soul. Après quelques autres singles et différents changements de personnel (et notamment le départ définitif de Pickett), le groupe se sépare définitivement en 1963, quand Schofield est appelé pour son service militaire. Tandis que You’re so fine et I found a love deviennent des classiques, repris entre autres par Johnny Burnett, Ike & Tina Turner, Martha & the Vandellas, Lonnie Mack, les Chambers Brothers et Etta James, Schofield poursuit sa carrière d’auteur-compositeur, écrivant notamment pour ses anciens collègues Wilson Pickett, Eddie Floyd et Joe Stubbs, mais aussi pour Bettye LaVette, les Miracles, les Dramatics, les Dells, Albert King ou Bobby Womack.

Bien qu’il participe ponctuellement à des réunions discographiques ou scéniques des Falcons, Will Schofield se consacre essentiellement jusqu’au milieu des années 1990 à son travail pour le constructeur automobile Ford, puis à une retraite bien méritée.

Shock G (1963-2021)
Né Gregory Jacobs mais connu – entre autres surnoms – en tant que Shock G, le rappeur et producteur, membre fondateur du groupe Digital Underground et collaborateur régulier de Tupac Shakur (dont il produit notamment le premier album, “2Pacalypse Now”), fait partie des principaux passeurs du p-Funk dans le monde du hip-hop. Seul ou avec son groupe, il croise la route de George Clinton lui-même sur plusieurs titres des albums “Hey Man… Smell My Finger” et “Greatest Funkin’ Hits”, et celle de Bernie Worrell sur l’unique album du projet Baby Elephant.

Lou Wilson (199?-2021)
Né à Senatobia, dans le Mississippi, puis basé à Memphis, Wilson fait ses débuts discographiques à la fin des années 1950 quand il rejoint les Newcomers, le groupe vocal qui accompagne le chanteur Wade Flemons, avec lesquels il décroche un tube en 1958 pour Vee Jay, avec Here I stand. L’aventure est de courte durée, et Wilson doit attendre les années 1970 pour réapparaître sur disque avec deux singles, This love is getting deeper et Talkin’ ’bout poor folks thinkin’ ’bout my folks. Crédité à Lou Edwards And Today’s People, ce dernier titre devient un classique sur la scène northern. Installé à Kalamazoo, dans le Michigan, il se réinvente dans les années 1990 en bluesman et publie plusieurs albums crédités à Lou Wilson and Today’s People sur des labels locaux. Un disque était paru l’an passé, “The Legendary Blues Man Lou Wilson and Today People Blues Experience”, produit par le vétéran Marlin McNichols.

Ralph Schuckett (1948-2021)
Collaborateur régulier du rocker Todd Rundgren, le clavier Ralph Schuckett mène également une carrière d’accompagnateur de studio et d’auteur-compositeur. À partir de la fin des années 1960, il collabore sur disque avec James Cotton, Ruth Copeland, Nona Hendryx, General Johnson, les Four Tops, les Manhattans, Howard Johnson, Kashif, Glenn Jones, Whitney Houston, Evelyn King, George Benson… 

Bob Porter (1940-2021)
Originaire du Massachusetts, Bob Porter travaille comme journaliste musicale pour Cash Box et Down Beat et écrit de nombreuses notes de pochettes à partir du début des années 1960. À la fin de la décennie, il commence à se faire remarquer comme producteur pour le label Prestige, pilotant de nombreuses séances, bien souvent dans un registre soul jazz, pour des artistes comme Boogaloo Joe Jones, Billy Butler, Houston Person, Melvin Sparks, Pucho & The Latin Soul Brothers, Idris Muhammad, Bernard Purdie, Funk Inc… Tout en continuant à superviser des séances contemporaines (Charles Wright, Caesar Frazier, Pee Wee Ellis, Helen Hume, Eddie Vinson, Big Joe Turner, Hank Crawford…) pour différents labels, il se spécialise à partir du milieu des années 1970 dans la production de réédition, d’abord pour Savoy puis pour Atlantic. Il est notamment à la manœuvre pour la série “Atlantic Rhythm And Blues 1947-1974”, qui lui vaut un Grammy, et pour différentes anthologies de référence, comme les “Atco Sessions” de Guitar Slim ou “The Otis Redding Story”, ainsi que, dans les années 2000, pour la réédition du catalogue Prestige. Il anime à partir du début des années 1980 une émission de radio très écoutée, Portraits In Blue, et assure régulièrement le rôle de MC pour le Chicago Blues Festival à partir des années 1990. 

Charles Dennis (199?-2021)
Longtemps habitué des scènes de Las Vegas avec son Charlie Tuna Band, le guitariste Charles Dennis est découvert par le grand public blues quand il rejoint, au début des années 2000, le groupe de B.B. King, après avoir accompagné Bobby Bland. Il reste au sein de l’orchestre jusqu’au décès de King, participant aux nombreuses tournées internationales de celui-ci – il est par exemple à Paris au grand Rex en 2012 – et apparaissant sur les albums et DVD en public de cette époque (le “Live” de 2008, “Live At The Royal Albert Hall 2011”, “Live By Request”…). Il avait joué un rôle de mentor dans les années 1980 pour Keb’Mo, qui l’avait invité sur son album “Big Wide Grin”. 

Robert “Bip” Neal Jr (199?-2021)
Membre actif de la très dynamique scène funk de Dayton, dans l’Ohio, le chanteur et percussionniste Robert Neal Jr était le leader du groupe Faze-O, composant et assurant la voix principale sur la plus grande partie du répertoire des trois albums du groupe parus entre 1977 et 1979, et notamment sur leur tube Ridin’ high. Sa musique a notamment été samplée par Snoop Dogg, Kris Kross et Ice Cube. 

Yaphet Kotto (1939-2021)
Surtout connu pour ses rôles dans le James Bond Live and Let Die et dans Alien, Yaphet Kotto était également, au cours d’une carrière engagée au début des années 1960, apparu dans quelques films dans le registre blaxploitation comme Across 110th Street – bien connu pour sa musique à laquelle participe Bobby Womack – et Truck Turner, où il partage l’affiche avec Isaac Hayes. Il a publié un single à la fin des années 1960, Have you ever seen the blues, produit par Hugh Masakela et paru sur Chisa. 

Randy Myers (1947-2021)
Frère de la chanteuse et autrice Jackie DeShannon, Randy Myers co-écrit plusieurs titres en sa compagnie, parfois avec Jimmy Holiday, parmi lesquels le classique Put a little love in your heart, chanté par DeShannon, Dorothy Morrison, David Ruffin, Carolyn Franklin, Martha & the Vandellas, les Isley Brothers, Mahalia Jackson, Ella Fitzgerald, les Campbell Brothers, Kiki Dee, Gladys Knight & the Pips, Dionne Warwick et bien d’autres, y compris dans un registre pop. Ses autres chansons ont été interprétées, en particulier, par Jimmy Holiday, les Jackson 5, Doris Duke, les Raeletts, ainsi que par sa sœur. 

Ronald Moten (199?-2021)
Originaire de Chicago où il fait ses débuts sur la scène gospel, le clavier Ronald Moten a fait partie du groupe de Carl Weathersby, participant notamment au festival de Lucerne en 2016 et à la tournée du Chicago Blues Festival en 2017. 

Jack Bradley (1934-2021)
Grand admirateur de Louis Armstrong, Bradley devient le photographe attitré du musicien à la fin des années 1950 et en profite pour immortaliser les plus grands musiciens de jazz. Ses images apparaissent sur les pochettes et dans les livrets de nombreux albums, parmi lesquels des disques de Quincy Jones, Magic Sam, Victoria Spivey… 

Bashkar Menon (1934-2021)
Né en Inde, Bashkar Menon a fait la totalité de sa carrière au sein du groupe EMI, assurant notamment la direction du label Capitol à partir du début des années 1970. Parmi les artistes auxquels il a été associé figurent notamment – aux côtés de légendes rock comme les Beatles et Pink Floyd – Diana Ross, Tina Turner ou Nancy Wilson.

Roland Grünberg (1933-2021)
Dessinateur et graveur reconnu, Roland Grünberg a longtemps été un activiste de la scène culturelle nancéienne, contribuant notamment en 1973 à la naissance du Nancy Jazz Pulsation – qui accueille dès sa première édition Mickey Baker, Memphis Slim ou John Jackson, aux côtés de musiciens de jazz aussi divers que Earl Hines et Sun Ra – et à son identité graphique.

Denny Christianson (1942-2021)
Originaire de Rockford dans l’Illinois, le trompettiste Denny Christianson commence sa carrière au sein du U.S. Naval Academy Band avant de rejoindre le house band d’un casino de Lake Tahoe. Repéré par le directeur musical de Sammy Davis Jr, il rejoint l’orchestre de celui-ci et devient un habitué des studios de Los Angeles, enregistrant notamment avec Side Effect, Arthur Adams, Pleasure, Esther Phillips, Donna Summer… Installé au Canada au début des années 1980, il y accompagne les vedettes locales et monte son propre big band, avec lequel il enregistre et tourne, y compris en Europe. 

Pat Rizzo (1941-2021)
Fondateur à la fin des années 1960 des Cuff-Links, un groupe de studio dans un registre bubble gum qui connaît un tube en 1969 avec Tracy, chanté par Ron Dante (la voix de Archies), le saxophoniste Pat Rizzo rejoint au début des années 1970 la Family Stone. Censé remplacer le membre fondateur Jerry Martini, les deux musiciens finissent par cohabiter et Rizzo apparaît sur plusieurs albums de l’ensemble dirigé par Sly Stone parmi lesquels “Fresh” et “Small Talk”, ainsi que les plus tardifs “Back On The Right Track” et “Ain’t But The One Way”. Entre-temps, il rejoint le groupe de Ry Cooder en studio (“Chicken Skin Music” et “Jazz”) et sur la route (le live “Show Time”). À la fin des années 1970, il remplace Charles Miller au sein de War et participe à plusieurs albums (“The Music Band 2”, “The Music Band Live”) et aux tournées du groupe, qu’il retrouve lors de sa reformation des années 1990. Il apparaît également sur des disques des Temptations, de Greg Allman, des Allman Brothers et de Funkadelic, ainsi que de ses collègues de groupes Larry Graham et Lee Oskar, et tourne même avec Frank Sinatra… Plus discret à partir des années 1990, il publie en 1998 un album solo, “Riz”, et se produit jusqu’en 2018 dans des clubs californiens. 

Kern Pratt (1965-2020)
Né à Greenville, dans le Mississippi, le chanteur et guitariste Kern Pratt était resté fidèle à sa ville natale et en animait la scène blues, soutenant la carrière des jeunes musiciens comme Steve Azar ou la pianiste Eden Brent. Habitué des scènes locales, il a publié plusieurs albums, dont le dernier, “Greenville, MS… What About You?”, est sorti en 2019. 

Textes : Frédéric Adrian

Frédéric AdrianLou WilsonMorris “B.B.” DickersonShock GWarWillie Schofield