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Hommages / 08.12.2021

Ils nous quittent : Melvin Parker, Burgess Gardner, Marylin McLeod, Renald Richard, Slide Hampton…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment.

Melvin Parker (1944-2021)

« Le plus grand batteur que j’ai eu de toute ma vie était Melvin Parker », déclarait en 2004 James Brown, qui a priori savait de quoi il parlait. S’il a moins marqué l’esprit du public que son frère Maceo, sans doute en partie parce qu’il s’est quasiment retiré du milieu de la musique à la fin des années 1970, Melvin Parker a été un ingrédient fondamental du son brownien du milieu des années 1960, et son jeu est un élément majeur de classiques innovants : le fondateur Papa’s got a brand new bag, mais aussi les tubes Out of sight et I got you (I feel good)

Parker, qui est originaire de Caroline du Nord, joue dans son adolescence au sein d’un groupe local baptisé les Blue Notes avec son frère. Il accompagne Rufus Thomas quand il est repéré par Brown, qui l’intègre vite, avec Maceo, au sein de son ensemble. En quelques mois, à partir de mai 1964, le batteur participe à plusieurs classiques dont, outre les titres mentionnés plus haut, Maybe the last time et la première version de It’s a man’s world. Appelé par l’armée, il est contraint de quitter le groupe, où il est remplacé par Jabo Starks et Clyde Stubblefield, fin 1965. Il retrouve son poste en 1969 et apparaît sur It’s a new day et Let a man come in and do the popcorn, ainsi que sur certains titres de l’album “Sex Machine”. Sur scène, il partage la batterie avec Starks et Stubblefield au gré de l’inspiration de son patron, comme l’illustre le live “Live At Home With His Bad Self” enregistré en octobre 1969 et paru il y a quelques mois.

Ce deuxième séjour au sein de l’orchestre brownien est de courte durée : il participe en effet à la tentative de rébellion menée l’année suivante par son frère qui aboutit au renvoi de l’ensemble des musiciens concernés. Il participe donc à l’aventure Maceo & All The King’s Men, montée par les bannis, et aux deux albums parus sous ce nom en 1970 et 1972. Contrairement à certains de ces collègues, il attend plusieurs années pour revenir, à partir de mars 1975, dans l’univers brownien, jouant en particulier sur Get up offa that thing et sur Bodyheat. Il quitte une dernière fois l’orchestre en janvier 1977 afin de réorienter sa carrière vers l’enseignement. Au fil de ses différents séjours chez Brown, il a participé à différents disques des JB’s ((It’s not the express) It’s the JBs monaurail) et accompagné nombre des membres de l’univers : Hank Ballard, Bobby Byrd, les Jewels, Vicki Anderson (Answer To Mother Popcorn), Sweet Charles… 

S’il continue à jouer localement dans le Maryland où il s’est installé, en particulier avec l’ensemble de son ex-collègue, le trompettiste Lewis Hamlin, il garde un profil discret, se contentant de reprendre la route ponctuellement derrière son frère, en particulier dans les années 1990 (il est sur le “Live In Funky Good Time”), et de quelques apparitions en invité, par exemple chez De La Soul (Patti Dooke sur l’album “Buhloone Mind State”), sur le disque de Noël de Bootsy Collins en 2006 ou sur un titre, toujours avec Bootsy, de l’anthologie “Power Of Soul – A Tribute To Jimi Hendrix”. Bien qu’il n’ait pas cherché à capitaliser comme certains de ses collègues sur le retour en grâce du son brownien à partir des années 1990, sa présence sur quelques titres fondamentaux multisamplés garantit l’immortalité de ses contributions.
Photo © DR

Burgess Gardner (1936-2021)

Originaire de Greenville, dans le Mississippi, le trompettiste Burgess Gardner fait ses débuts dans les juke joints locaux, croisant notamment la route de B.B. King, tout en obtenant un diplôme universitaire de musique. Installé à Chicago, il poursuit ses études tout en se produisant avec différents grands orchestres, en particulier sous la direction de King Kolax et de Count Basie. Il monte également son propre ensemble, les Soul Crusaders, qui fait régulièrement fonction de house band au Regal Theatre pour accompagner les vedettes de passage.

Du milieu des années 1960 à celui de la décennie suivante, il est un habitué des studios de Chicago, travaillant aussi bien comme accompagnateur que comme arrangeur ou producteur, pour les grandes maisons de disques comme Chess (avec Etta James, Billy Stewart ou Fontella Bass), ABC (avec Ray Charles), Mercury (avec Jerry Butler, Margie Hendrix et Sir Mack Rice), OKeh (avec Walter Jackson) et Atlantic (avec Eddie Harris) que pour les petits labels locaux comme St. Lawrence ou USA, avec des artistes comme Joyce Kennedy, Jimmy Burns, Detroit Jr, Syl Johnson, Cash McCall, Mamie Galore, Ruby Andrews, Jamo Thomas (le classique I spy (For the FBI)), Chuck Bernard, Monk Higgins (avec qui il collabore régulièrement)…

Il monte également différents labels comme Down To Earth, Lamarr et More Soul Records, pour lesquels enregistrent entre autres General Crook, les Esquires et son propre groupe, le Soul Crusaders Orchestra. À partir du milieu des années 1970, il prend un peu de distance avec le monde de la musique, se consacrant essentiellement à l’enseignement, même s’il publie un album personnel, le seul de sa carrière, dans un registre jazz, en 1983, “Music – Year 2000”, pour MCA. Il participe occasionnellement à des séances – par exemple pour Katie Webster et Koko Taylor sur Alligator – et à des événements : il est ainsi dans l’orchestre du concert Motown 25 ou dans celui d’Otis Rush lors de son concert du Chicago Blues Festival de 2001…

Burgess Gardner se produit également avec son propre ensemble, le Well-Oiled Jazz Machine, avec lequel il apparaît au Chicago Jazz Festival. Deux de ses enfants sont devenus musiciens professionnels : le tromboniste Vincent Gardner, membre du Lincoln Center Jazz Orchestra, et le trompettiste Derrick Gardner, collaborateur régulier d’Harry Connick Jr.

Marylin McLeod (1939-2021)

Originaire de Détroit et née dans une famille musicale – sa sœur Alice fera une remarquable carrière sous le nom de son époux, John Coltrane, et son demi-frère Ernie Farrow accompagne Yusef Lateef de la fin des années 1950 à son décès accidentel en 1969 -, Marilyn McLeod rejoint Jobete, la branche éditoriale de Motown à la fin des années , et commence à écrire des chansons, souvent avec Johnny Bristol, puis en duo avec Pam Sawyer. Ses compositions sont enregistrées par Chuck Jackson, Junior Walker, le duo Marvin Gaye / Diana Ross (deux titres de leur album en commun), les Dynamic Superiors, G.C. Cameron, High Energy, Jermaine Jackson, les Four Tops et Jean Carne, mais aussi, en dehors du label, par Millie Jackson, 5th Dimension, Freda Payne, Martha Reeves, Maxine Nightingale, Enchantments, Johnny Mathis, L.T.D., David Ruffin… Ses deux principaux succès sont  Love hangover de Diana Ross et You can’t turn me off (in the middle of turning me on) de High Energy. Elle co-écrit et co-produit avec Pam Sawyer la chanson hommage Pops, we love you, interprétée par Diana Ross, Marvin Gaye, Smokey Robinson et Stevie Wonder. Elle tente parallèlement une carrière d’interprète, sous son nom et sous celui du groupe Pure Magic, mais ses quelques singles restent sans suite. Son départ de Motown au milieu des années 1980 ne l’empêche pas de continuer à écrire, pour Anita Baker, Billy Cobham, George Duke… Elle est de l’aventure Motorcity, à la fois comme autrice (pour les Contours, Billy Preston…) et comme interprète. Si elle est plus discrète depuis le milieu des années 1990, ses chansons sont régulièrement samplées et reprises, par Mariah Carey, Janet Jackson, Will Smith, Madlib… Elle publie en 2010 son unique album personnel, « I Believe In Me ». Son petit fils est le rappeur, DJ et producteur Flying Lotus. 

Renald Richard (1925-2021)

Né à Thibodaux en Louisiane, c’est sur la scène de La Nouvelle-Orléans que Renald Richard débute sa carrière de trompettiste professionnel, aussi bien sur la route (avec les groupes de Guitar Slim et Ivory Joe Hunter ou son propre ensemble) qu’en studio, où il accompagne notamment Little Richard. Devenu un représentant d’Atlantic pour le secteur, il rejoint le groupe de Ray Charles, avec qui il tourne dans tout le pays. C’est à l’occasion d’un trajet avec son patron qu’il invente avec lui I got a woman, qui devient un immense succès et un classique immédiat multirepris, des Beatles à Elvis Presley, en passant par Kanye West qui l’intègre dans son Gold digger.

Jusqu’au début des années 1960, sa signature apparaît sur de nombreux disques R&B, pour Ray Charles à nouveau (Greenbacks), mais aussi Guitar Slim, Leonard Carbo, Joe Turner (Teen age letter, repris notamment par Jerry Lee Lewis, Billy Riley, Roy Head…), Ernie K-Doe, Lee Dorsey… S’il quitte ensuite le monde de la musique professionnelle pour se consacrer à l’enseignement, il recommence à se produire sur scène, notamment au Jazz Fest de La Nouvelle-Orléans, à partir des années 1990 et jouait encore régulièrement il y a quelque temps dans les clubs de Floride, où il s’était installé dans les années 2000. 

Slide Hampton (1932-2021)

Figure de la scène jazz, sous son nom comme en tant qu’accompagnateur ou arrangeur – chez Melba Liston, Art Blakey, Tadd Dameron, Barry Harris, Thad Jones, Mel Lewis, Max Roach, Woody Herman, mais aussi, à l’occasion d’un séjour français, Claude Nougaro… –, le tromboniste Locksley Wellington “Slide” Hampton a également pratiqué le R&B. Membre au milieu des années 1950 du big band de Buddy Johnson, avec qui il grave quelques faces (notamment en accompagnement d’Ella Johnson), il enregistre avec Eddie “Cleanhead” Vinson et Bill Doggett, mais aussi, plus récemment, avec Dee Dee Bridgewater et Diana Ross, et travaille comme arrangeur avec Lloyd Price, Ruth Brown, Kim Weston… Il travaille également avec plusieurs artistes Motown comme directeur musical au milieu des années 1960.

Gerald McCauley (19??-2021)

Clavier, producteur, compositeur, ingénieur du son, Gerald McCauley a mené à partir des années 1990 une carrière à mi-chemin entre soul et smooth jazz, collaborant notamment avec Ann Nesby, George Benson, Boney James… Il publie deux albums personnels en mode all-stars, “The McCauley Sessions” en 1999 (avec Brenda Russell, Chanté Moore, George Benson, Carl Anderson…) et des “Live Sessions” en 2015 (avec Frank McComb et En Vogue).

Herbie Herbert (1946-2021)

Surtout connu en tant que manager pour différents groupes rock dont Journey et Mr. Big, Herbert avait publié plusieurs disques dans un registre blues sous le pseudonyme Sy Klopss (dont le dernier était paru sur Bullseye Blues & Jazz en 2000 et avait été évoqué dans Soul Bag), sur lesquels il bénéficiait de l’accompagnement de collègues prestigieux comme l’harmoniciste Norton Buffalo, le guitariste  Neal Schon ou le batteur Greg Errico.

Stephen Sondheim (1930-2021)

Figure légendaire de Broadway, Stephen Sondheim a écrit, seul ou en collaboration, quelques-unes des pages majeures de l’histoire de la comédie musicale et de la musique au cinéma, au premier rang desquelles West Side Story. Certaines de ses chansons – Somewhere, Send in the clowns, Maria… – sont devenues des standards multirepris, et des artistes comme Aretha Franklin, les Four Tops, les Temptations, Diana Ross, Marvin Gaye ou Etta James ont interprété ses compositions. 

Textes : Frédéric Adrian

Burgess GardnerFrédéric AdrianMarylin McLeodMelvin ParkerRenald RichardSlide Hampton