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Hommages / 06.02.2022

Ils nous quittent : Lew Kirton, Fred Parris, Greg Webster, Millage Gilbert, Jon Lind, Marilyn Bergman…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment.

Lew Kirton (1948-2022)

Originaire de la Barbade, Lew Kirton se fait remarquer localement avec plusieurs groupes vocaux sous le nom de Jiggs Kirton avant de s’installer au Canada puis aux États-Unis à la fin des années 1960. Après un passage en tant que batteur dans la revue de Sam & Dave, il rejoint au début des années 1970 les Invitations, un groupe qui enregistre depuis le milieu des années 1970 et dont il devient le chanteur principal pour une série de singles qui paraissent sur Silver Blue Records, décrochant quelques succès mineurs sous la houlette du producteur de Philadelphie Bobby Martin, parmi lesquels une version du For your precious love des Impressions, Living together is keeping us apart et Look on the good side.

Quand le groupe se sépare, Kirton, qui a déjà publié un single personnel sur un petit label, signe sous son nom avec T.K. Records, qui distribuait jusque là les disques du groupe. Entre 1977 et 1980, il publie une poignée de singles et un album, “Just Arrived” (réédité à la fin des années 1990 sous le titre “Heaven in the Afternoon”), produit par Clarence Reid. Il décroche un petit succès R&B avec Do what you want, be what you are, avant de passer sur le label Believe in a Dream du producteur Russell Timmons. Il y publie un deuxième album, “Talk To Me” et obtient deux autres petits succès, Talk to me (qui se fait également remarquer dans les classements britanniques) et Don’t give up your dream (Hang on in there).

Malgré ces résultats prometteurs, la carrière discographique de Kirton ne se développe pas plus avant, et il ne publie plus qu’une poignée de singles, parfois sous son nom, parfois en tant qu’invité, jusqu’au début des années 2000, se produisant régulièrement aux États-Unis sur la scène beach music et en Angleterre dans un registre modern soul. Il fait son retour discographique en 2005 avec l’album “Forever”, suivi cinq ans plus tard par “So Into You”. Habitué des évènements soul et funk européen, il apparaît occasionnellement sur les scènes françaises, en particulier en 2012 à Douai et en 2017 à Lyon. Il se produisait encore récemment à la Barbade où il était retourné vivre. 

Fred Parris (1939-2022)

Figure historique de la scène doo-wop, associé en particulier au classique In the still of the night qu’il a écrit et dont il est la voix principale, Fred Parris a été tout au long d’une carrière qui a largement dépassé les six décennies l’âme des Five Satins, le groupe qu’il avait cofondé avec quelques amis en 1954. Si In the still of the night est évidemment le plus grand tube du groupe, devenu un archétype du format doo-wop régulièrement utilisé au cinéma (dans American Graffiti, par exemple), ils décrochent d’autres succès tout au long des années doo-wop, notamment To the aisle et I’ll be seeing you, et continuent à enregistrer par intermittence dans les décennies suivantes tout en se produisant sur le circuit de la nostalgie, décrochant même un improbable succès au début des années 1980 avec le medley Memories of days gone by.

Le groupe s’offre même une tentative de virage soul, sur Buddha, sous le nom de Black Satin, dans les années 1970, sans grande réussite. Si Fred Parris publie un album personnel sous son nom à la fin des années 1960, “Lovin’ Mood”, dans un registre pop, c’est en tant que leader d’une version des Five Satins qu’il a passé la plus grande partie de sa carrière, toujours capable à plus de 80 ans de reprendre l’immortel In the still of the night… 

Marilyn Bergman (1928-2022)

Collaboratrice des plus grands compositeurs, de Quincy Jones à Michel Legrand, la parolière Marilyn Bergman a écrit, avec son mari Alan, quelques-uns des plus grands textes de la grande variété américaine, avec des chansons comme The way we were, The windmills of your mind, Nice ‘n’ easy, You don’t bring me flowers, In the heat of the night, How do you keep the music playing? ou What are you doing the rest of your life? ou le thème de la série Good Times.

Omniprésents au cinéma – en 1983, ils sont les auteurs de trois des cinq chansons nommées aux Oscars ! –, leurs textes sont souvent chantés par les grandes voix pop américaines, de Sinatra à Barbara Streisand en passant par Johnny Mathis et Tony Bennett, mais Ray Charles, Nancy Wilson, Lou Rawls, Jackie Wilson, Dusty Sprinfield, Stevie Wonder, Billy Paul, Gladys Knight, Kim Weston, Marlena Shaw, George Benson, Willie Hutch, Donna Summer, Martha Reeves, Nina Simone, Patti Austin, James Ingram, Michael Jackson, Aretha Franklin et Dionne Warwick, parmi des centaines d’autres, les ont également interprétés. 

Greg Webster (1938-2022)

Originaire de Hamilton dans l’Ohio, Greg Webster commence à se faire remarquer en tant que batteur quand il intègre le groupe de Lonnie Mack, avec lequel il se produit dans les clubs locaux et accompagne les vedettes de passage, y compris dans un registre country. Quand les Ohio Untouchables se détachent de leur leader Robert Ward et deviennent les Ohio Players, il les rejoint et devient le premier batteur du groupe. L’ensemble se produit un peu partout dans l’Ohio et accompagne quelque temps sur la route les O’Jays, avant de commencer à enregistrer sous son propre nom pour Tangerine, Compass puis Capitol, où sort leur premier album.

Le groupe signe ensuite avec Westbound et connaît enfin le succès avec les albums “Pain” et “Pleasure”, dans un registre funk musclé bien différent de leurs enregistrements précédents. Il décroche son premier tube en 1973 avec l’accrocheur Funky worm. Des problèmes de santé obligeant Webster à être hospitalisé, il est remplacé au sein du groupe pour la suite de l’aventure. Resté à Dayton, il se produit localement dans un registre jazz. Il était le dernier membre original des Ohio Players encore vivant. 

Millage Gilbert (1938-2022)

Né et élevé au cœur du Mississippi, c’est au sein de l’ensemble de son frère Marion qu’il fait ses débuts musicaux. Au début des années 1960, il rejoint les Royal Rockers du batteur King Mose, dont l’harmoniciste et chanteur est Sam Myers, avec qui il se produit dans les clubs de Jackson, avant de migrer vers Kansas City en octobre 1962. Tout en prenant un “day job” dans une société d’entretien d’immobilier qu’il conservera pendant 37 ans, il se fait remarquer dans les clubs locaux et devient une figure marquante de la scène blues de la ville, se produisant en particulier régulièrement au Last Roundup Nightclub dans les années 1960, puis au George’s Lounge et au Blues Alley dans les décennies suivantes, et enfin à partir de 1990 au Grand Emporium, où il enregistre une cassette autoproduite. Un premier CD personnel, “3 Faces of MG”, sort en 1997, mais les problèmes du label en limitent fortement la distribution.

La retraite de son boulot alimentaire lui permet de développer plus largement sa carrière musicale. Avec le soutien de la Kansas City Blues Society, il commence à se produire en dehors de ses bases habituelles, dans les clubs et les festivals, et jusqu’en Europe où il apparaît lors de l’édition 1999 du regretté Blues Estafette. Il est également fêté dans sa ville d’adoption, quand le Kansas City Street Festival le couronne King of The Festival… Un autre CD, “Live at the Grand Emporium”, sort en 2003, mais sa notoriété reste essentiellement confinée à la scène locale, malgré un portrait dans Living Blues en 2015 et des apparitions dans les grands festivals américains. Il se produisait encore ces derniers mois, en particulier au  B.B.’s Lawnside BarB-Q.

Jon Lind (1948-2022)

Originaire de New York, c’est en tant que guitariste au sein de différents groupes – The Fifth Avenue Band, Howdy Moon, White Horse – que Lind fait ses débuts dans l’industrie musicale à partir de la fin des années 1960. C’est cependant en tant qu’auteur-compositeur qu’il se fait particulièrement remarquer à partir du milieu des années 1970. En partenariat avec Maurice White, il collabore à l’écriture de différents disques pour Earth Wind & Fire (Boogie wonderland, co-signé avec Allee Willis), mais aussi pour les Emotions, Ramsey Lewis (Sun goddess), Ren Woods…

À partir des années 1980, ses chansons, souvent partagées avec des co-auteurs, sont enregistrées par Atlantic Starr, Betty Wright, les Manhattans, Jennifer Holliday, Johnny Gill, les Temptations, Vanessa Williams (le tube Save the best for last), Aaron Neville et Mica Paris mais aussi par des vedettes pop comme Madonna ou Cher. Il travaille également en tant que producteur pour des enregistrements de D.J. Rogers, Mica Paris, Vanessa Williams et Calvin Richardson mais aussi les Françaises de Native.

Paul Mitchell (19??-2021)

Originaire de Détroit, Paul Mitchell rejoint son frère James, ancien des Detroit Emeralds, quand il fonde les Floaters au milieu des années 1970. Signé sur ABC, le groupe connaît un immense tube international en 1977 avec Float on, qui atteint la première place du classement R&B et la deuxième du Hot 100 et propulse également l’album dont il est extrait en tête des hit-parades. Le succès est cependant éphémère, et la carrière discographique du groupe s’arrête, après quelques changements de personnel, après son quatrième album, “Get Ready for the Floaters & Shu-Ga”, paru en 1981 et dont Paul Mitchell est un des principaux auteurs. Le groupe se reforme dans les années 1990 avec une partie des membres originaux (dont Paul Mitchell) mais celui-ci les quitte au bout de quelques années pour travailler comme producteur, toujours à Détroit.

Rosa Lee Brooks (19??-2021)

Originaire de Los Angeles, la chanteuse se fait remarquer sur la scène soul de Los Angeles au début des années 1960, attirant l’attention de Johnny Guitar Watson et chantant avec différents groupes vocaux. Elle fait ses débuts discographiques en 1965 sur le petit label local Revis avec un single couplant My diary et Utee, sur lequel un certain Jimi Hendrix tient la guitare principale, même si les circonstances précises de l’événement et ses relations avec celui-ci font l’objet de souvenirs divergents. Elle publie l’année suivante un second 45-tours produit par Willie Hutch sur Soul City, qui marque à peu de chose près la fin de sa carrière discographique, même si elle continue à se produire régulièrement localement. Les deux faces de son premier disque sont reprises sur l’anthologie officielle “West Coast Seattle Boy: The Jimi Hendrix Anthology”, ainsi que sur de nombreux pirates. 

Sandra Jaffe (1938-2021)

Élevée à Philadelphie dans une famille d’immigrés russes, Sandra Jaffe découvre la musique de La Nouvelle-Orléans à l’occasion d’un séjour de vacances avec son mari. Séduit par ce qu’il entend, le couple se retrouve, dans des circonstances rocambolesques à prendre la direction d’un lieu situé au 726 St. Peter Street, qui devient Preservation Hall. Encore actif de nos jours sous la direction du fils du couple, Ben Jaffe, le club est devenu en soixante ans une des références du jazz dit Nouvelle-Orléans, et son orchestre résident enregistre et tourne régulièrement. Sandra Jaffe est d’ailleurs créditée comme productrice exécutive sur plusieurs de leurs disques. 

Max Julien (1933-2022)

Principalement connu pour son rôle iconique de Goldie aux côtés de Richard Pryor dans The Mack en 1973, Max Julien est également apparu dans différents films entre la fin des années 1960 et le début des années 1970, dont Uptight de Jules Dassin, avant de se consacrer à d’autres activités, même s’il fera son retour à l’écran à la fin des années 1990. Il est également l’auteur du script de Cleopatra Jones

Rohn Lawrence (1960-2021)

Figure de la scène smooth jazz à partir de la fin des années 1980, entendu avec les stars du nom comme Najee ou Boney James, le guitariste Rohn Lawrence a également enregistré avec Norman Connors, Freddie Jackson, Lonnie Liston Smith, Will Downing, Phil Perry, Gerald Alston, Chanté Moore, Maysa… 

Jessie Lee Daniels (1963-2022)

Membre fondateur du groupe Force M.D.’s, il participe aux deux premiers albums de l’ensemble au milieu des années 1980 et publie aussi un album personnel sous le nom de Jessie D. à la fin de la décennie.

Sidney Poitier (1927-2022)

Figure légendaire de ce qu’il est convenu d’appeler l’âge d’or d’Hollywood, premier Noir à recevoir un Oscar en 1964, l’acteur et réalisateur Sidney Poitier avait notamment joué dans Paris Blues, In the Heat of the Night, Guess Who’s Coming to Dinner et They Call Me Mister Tibbs! , et réalisé Let’s Do It Again, dont la musique était signée par Curtis Mayfield et interprétée par les Staple Singers. Dans les années 1960, il s’implique dans la lutte pour les droits civiques aux côtés du Docteur King. 

Dallas Frazier (1939-2022)

Vedette précoce de la scène country – il enregistre pour Capitol dès l’âge de 14 ans –, c’est surtout en tant qu’auteur-compositeur que Dallas Frazier fait carrière. Outre les stars du genre, de George Jones à Charlie Rich, les Coasters, Quincy Jones, Slim Harpo, Fred Hugues, Percy Sledge, Clarence Frogman Henry, Brook Benton, Tina Turner, entre autres, ont enregistré ses chansons.

Andre Howard (19??-2022)

Originaire de Chicago, c’est sur la scène de Nashville qu’Andre Howard fait ses débuts de musicien professionnel. Revenu à Chicago au début des années 2000, le bassiste ne tarde pas à se faire un nom dans le monde du blues, accompagnant sur scène et sur disque Lonnie Brooks, Eddy Clearwater, Jimmy Johnson, Liz Mandeville, Sharon Lewis… Il rejoint la dernière version des Teardrops de Magic Slim, apparaissant sur les albums “Raising The Bar” et “Bad Boy”. Il a joué en France à plusieurs reprises, aux côtés de Slim en 2010 et en 2012 et de Brooks en 2005 en particulier, et se produisait régulièrement à Chicago avec son propre ensemble. 

Classie Balou Jr (19??-2022)

Fils du légendaire guitariste Classie Balou, le bassiste Classie Balou Jr se fait remarquer à partir de la fin des années 1980 sur la scène zydeco, où son jeu nourri de funk fait figure d’innovation. Membre de l’orchestre de Boozoo Chavis jusqu’au décès de celui-ci, il participe à plusieurs de ses albums, avant de rejoindre les Creole Cowboys de Jeffery Broussard, avec lesquels il participe notamment au festival de Saulieu en 2011. Il enregistre aussi avec C.C. Adcock et Lil Malcolm. 

Christophe Dutray (19??-2022)

Habitué des scènes et des studios français depuis la fin des années 1980, le trompettiste Christophe Dutray avait notamment fait partie des Dominos de Didier Marty. 

Woody Mann (1952-2022)

Originaire de New York, Woody Mann prend des cours de guitare avec le Révérend Gary Davis à la fin des années 1960 et croise la route de John Fahey, Jo Ann Kelly, Son House et Bukka White. S’il enregistre régulièrement des années 1970 aux années 2010 – avec Jo Ann Kelly, Son House, Bob Brozman et John Cephas, notamment –, c’est surtout dans l’enseignement qu’il se spécialise, par le biais de cours et de stages mais aussi de livres et de DVD consacrés à la guitare blues et jazz, collaborant régulièrement sur ces projets avec des musiciens comme Buddy Guy, Duke Robillard ou George Benson. Il avait contribué à différentes anthologies parues sur Yazoo ainsi qu’au documentaire Harlem Street Singer sur Gary Davis.

Meat Loaf (1947-2022)

Connu pour ses tubes pop et ses shows très théâtraux, c’est sur Rare Earth, label annexe de Motown, que Meat Loaf avait fait ses débuts discographiques en 1971, dans un registre soul psychédélique, avec la chanteuse Shaun Murphy, sous le nom de Stoney & Meatloaf. 

Hargus “Pig” Robbins (1928-2022)

Légende des studios de Nashville, entendu sur des dizaines de classiques country comme chez Dylan, le pianiste avait également accompagné des séances de Ray Charles, Doug Sahm, Aaron Neville… 

Textes : Frédéric Adrian

Fred ParrisFrédéric AdrianGreg WebsterJon LindLew KirtonMarilyn BergmanMillage Gilbert