;
Hommages / 07.02.2021

Ils nous quittent : Irving Banister, Keith “Wolf” Anderson, Cicely Tyson, Doug Moffet, Duranice Pace…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment. 

Irving Banister (1933-2020)

Si sa notoriété n’a que peu dépassé les frontières de sa Nouvelle-Orléans natale (bien que Jeff Hannush lui consacre un chapitre dans son The Soul of New Morning), le guitariste Irving Banister en a longuement fréquenté les clubs – du Drew Drop Inn au Margaritaville –, et nombre de musiciens majeurs de la ville, comme le futur Meters George Porter, sont passés dans les rangs de ses All Stars jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en 2012. Seules les suites de l’ouragan Katrina l’ont conduit à quitter brièvement la ville pour s’installer quelques années à Washington. 

Après avoir fait ses débuts à la trompette, Banister se met à la guitare à l’adolescence et monte un groupe, les Sha-Wees, avec quelques amis dont Warren “Big Boy” Myles et James “Sugar Boy” Crawford. Le groupe publie un single pour Aladdin, mais Banister doit partir faire son service militaire – c’est Snooks Eaglin qui le remplace, notamment pour le classique Jock-a-mo. À son retour, Banister reprend sa place, mais, frustré par la façon dont sont traités les musiciens dans les clubs essentiellement blancs où se produit l’orchestre, décide de le quitter pour rejoindre l’ensemble d’Eddie Bo, avec qui il tourne dans tout le pays, accompagnant à l’occasion des vedettes comme Amos Milburn et Charles Brown, et enregistre quelques faces dont I’m wise.

À la fin des années 1950, il rejoint les Cavaliers du chanteur Danny White, avec qui il grave le tube Kiss tomorrow goodbye, puis retrouve le groupe de Sugar Boy Crawford. Il est d’ailleurs présent le jour de 1963 où Crawford est gravement blessé par un agent de police après une altercation, mettant à peu de chose près un terme à sa carrière. Banister monte ensuite une première version de ses All Stars, avec qui il se produit dans les clubs de La Nouvelle-Orléans (ainsi qu’au Ponderosa Stomp) et accompagne ponctuellement les vedettes locales (Johnny Adams, Irma Thomas, Ernie K-Doe…) et de passage (Solomon Burke). Il décline notamment la possibilité de rejoindre le groupe de Fats Domino à la fin des années 1970. Nombre de musiciens locaux, comme Walter Wolfman Washington, revendiquent son influence. Au fil des années, ses apparitions discographiques sont restées très ponctuelles, aux côtés d’Eddie Bo et de Chuck Perkins en particulier, ainsi qu’avec le groupe “indien” emmené par son fils, Cha Wa
Photo © Bret Littlehales

Keith “Wolf” Anderson (1964-2021)
Né à Chicago, c’est à La Nouvelle-Orléans et sur la scène des brass bands que se fait remarquer le tromboniste Keith “Wolf”Anderson, qui participe en 1984 au premier album du Rebirth Brass Band (alors appelé Rebirth Jazz Band). Au début des années 1990, il rejoint le Dirty Dozen Brass Band, avant d’intégrer dans la décennie suivante le Hot 8 – il apparaît notamment sur l’album “Rock With The Hot 8”. Il joue également, avec et sans ces différents ensembles, sur des disques de Robbie Robertson, Zachary Richard, Bo Dollis, Les McCann, Corey Harris, les Blind Boys of Alabama… L’acteur Wendell Pierce s’est largement inspiré de lui pour le personnage d’Antoine Batiste dans la série Treme

Cicely Tyson (1924-2021)
Figure iconique de la communauté afro-américaine depuis un demi-sècle, trop souvent résumée à sa relation tumultueuse avec Miles Davis, Cicely Tyson était une actrice reconnue, aussi bien à l’écran (télévision et cinéma) qu’à la scène, largement récompensée pour son travail (un Oscar d’honneur pour toute sa carrière, un Tony, trois Emmys…). Si elle fait ses débuts au cinéma dès le milieu des années 1950, c’est son rôle dans Sounder en 1972, un film de Martin Ritt dont la musique est signée Taj Mahal, qui la révèle au grand public. Réticente à la mode “blaxploitation”, elle se concentre largement sur la télévision, apparaissant notamment dans le téléfilm The Autobiography of Miss Jane Pittman et dans la série Roots. Restée active malgré l’âge, elle était au générique ces dernières années de la série How to Get Away with Murder ainsi que de plusieurs films dont The Help

Doug Moffet (1960-2021)
Originaire du Wisconsin mais basé de longue date à Nashville, le saxophoniste Doug Moffet s’était imposé sur la scène musicale locale, devenant un musicien de studio réputé, également sollicité à Memphis et à Muscle Shoals à partir des années 1980. Membre occasionnel des Memphis Horns et des Muscle Shoals Horns (il fait partie du Muscle Shoals All Star Band qui se produit à Porretta en 2014), aussi à l’aise dans le gospel que dans la soul, il accompagne sur disque Shirley Brown, Dan Penn, Shirley Caesar, Ernie Johnson,  Robert Cray, Johnnie Taylor, CeCe Winans, Kirk Franklin, Little Milton,Bobby Bland, Ledisi, Johnny Mathis, Buddy Guy, ainsi que différents artistes pop et country, dont Paul McCartney. 

Doug Moffet, Porretta. © Brigitte Charvolin

Duranice Pace (1958-2021)
Originaire d’Atlanta, Duranice Pace chante dans l’église paternelle avec ses huit sœurs et son frère dès son enfance. Le groupe qu’elle monte avec ses sœurs, les Anointed Pace Sisters, se fait remarquer dès les années 1970, en remportant le prix du meilleur groupe à la Annual Church of God in Christ Music Convention, tandis que Duranice apparaît en soliste sur un album de Mattie Moss Clark en 1976. C’est à la fin des années 1980 que le groupe proprement dit fait ses débuts discographiques, d’abord pour Faith Records puis sur Savoy, l’album “U-Know” atteignant la deuxième place du classement gospel de Billboard. Après un disque autoproduit, le groupe retrouve les charts spécialisés au milieu des années 2000, avec deux albums pour Tyscot. Il apparaît également au cinéma dans The Fighting Temptations et Madea’s Family Reunion de Tyler Perry. Parallèlement à son activité musicale, Duranice Pace a mené une carrière de prêcheuse très active, portant son message dans le monde entier. 

Jeremy Lubbock (19??-2021)
Après avoir fait ses débuts au service de la télévision britannique, l’auteur-compositeur et arrangeur Jeremy Lubbock, également pianiste, se fait remarquer par l’industrie musicale à la fin des années 1970. Régulièrement sollicité par le cinéma (par exemple pour les bandes originales des films La Couleur Pourpre et Bodyguard), il contribue à des disques de Teena Marie, Minnie Ripperton, Dionne Warwick, Michael Jackson, Lionel Richie, James Ingram, Al Jarreau, Stevie Wonder, Teddy Pendergrass, Nina Simone, BeBe & CeCe Winans, Luther Vandross, Ray Charles, Diana Ross, Kirk Franklin, Quincy Jones, les Four Tops… ainsi qu’à de nombreux projets pop, de Madonna à Rod Stewart en passant par Frank Sinatra et Céline Dion. 

Perry Botkin Jr. (1933-2021)
Compositeur et arrangeur, Perry Botkin Jr avait essentiellement travaillé pour le cinéma et dans le registre de la grande variété. Collaborateur ponctuel de Phil Spector, il avait notamment contribué aux arrangements de Ebb tide pour les Righteous Brothers et River deep – mountain high, sans être toujours explicitement crédité, ainsi que de faces des Ronettes et de Sonny Charles and Checkmates Ltd. En dehors des productions de Spector, il a également travaillé comme arrangeur et chef d’orchestre sur des disques de Willie Hutch, The Friends Of Distinction, Johnny Mathis, Thelma Houston… 

Michael Fonfara (1946-2020)
Figure majeure et multi-récompensée de la scène blues canadienne, le clavier Michael Fonfara fait ses débuts au sein de différents groupes locaux avant de se faire remarquer le temps d’un bref séjour au sein d’Electric Flag, où il remplace Barry Goldberg aux côtés notamment de Michael Bloomfield et Buddy Miles. Après avoir participé à l’aventure du groupe Rhinoceros, il se lance dans une carrière d’accompagnateur, collaborant en particulier tout au long des années 1970, sur disque et sur scène, avec Lou Reed. De retour au Canada à la fin des années 1980, il rejoint à cette époque le Downchild Blues Band, groupe majeur de la scène blues locale, avec qui il se produisait encore récemment. Dans les années 2000, il apparaît sur plusieurs albums publiés par Electro-Fi, aux côtés notamment de Mel Brown, Snooky Pryor, Sam Myers et Willie “Big Eyes” Smith. 

Ed Fletcher (19??-2021)
Surtout connu, sous le pseudonyme de Duke Bootee, pour son rôle pionnier dans les débuts du hip-hop – il coécrit, coproduit et rappe sur The message, crédité à Grandmaster Flash and the Furious Five, et fait partie du house band de  Sugar Hill Records, en particulier –, il contribue également, comme percussionniste, à des disques d’Edwin Starr, Crown Heights Affair et Jack McDuff et produit un single obscur de Dr. John (Jet set, paru en 1984 sur Streetwise).

Harvey Thompson Jr (19??-2021)
Fils du saxophoniste de Muscle Shoals Harvey Thompson Sr, avec qui il se produisait régulièrement en trio, Harvey Thompson Jr a notamment accompagné aux claviers Percy Sledge et Denise LaSalle, pour laquelle il a cosigné le tube Drop that zero. Il s’était produit à Porretta au sein du Muscle Shoals All Star Band.

Rosetta Davis (1937-2020)
Remarquée pour sa puissance vocale dès son plus jeune âge, Rosetta Davis a été, tout au long de sa carrière, une des solistes principales des Charles Fold Singers, un ensemble basé à Cincinnati et monté par l’ancien pianiste des Meditation Singers. Dès les années 1960 et au moins jusqu’à la fin des années 1990, elle apparaît très régulièrement sur les albums du groupe, et notamment sur ceux gravés avec James Cleveland, comme  “Lord Let Me Be an Instrument”, publié sur Savoy en 1979.

Stevie Hawkins (1954-2020)
Neveu de Lawrence Abrams, un des membres fondateurs des Five Blind Boys Of Mississippi, Hawkins est encore enfant quand il se fait remarquer sur le circuit gospel, souvent en première partie du groupe de son oncle. Il publie en 1965 un premier album pour Checker, “The Spiritual Soul Of A Child”, auquel participent, entre autres, Maurice White, Leonard Caston et une très jeune Minnie Ripperton. Publié en single, Open our eyes connaît un certain succès, notamment à la radio, et Hawkins peut publier un second album, “Two Wings”, deux ans plus tard. Il privilégie ensuite ses études, devenant pasteur dans les années 1980, et se contentant de chanter ponctuellement. 

Ora Watkins (19??-2020)
Soliste majeure du Southwest Michigan State Choir of the Church of God in Christ dirigé par Mattie Moss Clark, Ora Watkins avait participé, tout au long des années 1960 et 1070, aux nombreux albums de l’ensemble publiés (parfois sous le seul nom de Mattie Moss Clark) par Savoy et Westbound. Elle est ainsi la voix principale de classiques tels que Save hallelujah et I thank you Lord

Val Alexander (19??-2020)
Originaire de Greensboro, en Caroline du Nord, Val Alexander a été longtemps le guitariste des Gospel Keynotes de Willie Neal Johnson, participant à partir des années 1970 à nombre des albums du groupe pour Nashboro, AVI puis Malaco et influençant de nombreux jeunes instrumentistes, parmi lesquels le guitariste Criss Johnson. 

Walter De Venne (19??-2021)
Disc-jockey de radio, Little Walter De Venne a animé à partir de la fin des années 1960 et jusqu’aux années 2000 sa Little Walter’s Time Machine, une émission très populaire consacrée aux classiques pop, soul, blues et R&B des années 1950 et 1960. Il a en parallèle produit différentes compilations pour des labels de rééditions comme Ace, Sequel, Rhino ou Bear Family, parmi lesquels une “Doo Wop Box” à grand succès pour Rhino et rien moins que quinze volumes de “Street Corner Symphonies – The Complete Story Of Doo Wop” pour Bear Family. Également ingénieur du son, il se spécialise dans la masterisation d’enregistrements historiques, notamment inédits, et son travail peut être entendu sur des dizaines de disques à partir des années 1980. 

Bernie Rollins (19??-2021)
Graphiste et auteur, Bernie Collins avait en particulier collaboré à la revue Soul Illustrated, dont il était le directeur artistique, et à l’émission télévisée Black Omnibus

Hilton Valentine (1943-2021)
Membre fondateur des Animals – c’est sa guitare qu’on entend en introduction de The house of the rising sun –, Hilton Valentine, avec le groupe, partage à plusieurs reprises la scène avec Sonny Boy Williamson. Il apparaît en particulier sur les faces live gravées fin 1963 au Club A-Go-Go de Newcastle. 

Textes : Frédéric Adrian

Cicely TysonDoug MoffetDuranice PaceFrédéric AdrianIrving BanisterKeith “Wolf” Anderson