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Hommages / 26.09.2022

Ils nous quittent : Inez Foxx, Pharoah Sanders, Vernon Burch, Henry “Pucho” Brown, Jesse Powell…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment.

Inez Foxx (1942-2022)

Originaire de Greenboro, en Caroline du Nord, Inez Foxx commence à chanter avec son frère aîné Charles dans les chorales gospel locales, mais c’est seule qu’elle tente de se lancer dans une carrière séculière, sous le pseudonyme d’Inez Johnston, avec deux singles qui paraissent en 1960 sur Brunswick mais passent inaperçus.

Avec Charles, elle élabore un arrangement original à deux voix de la comptine Hush, little baby. Rebaptisée Mockingbird, la chanson séduit Juggy Muray, le patron des disques Sue, qui la publie en single, créditée à Inez « avec un accompagnement vocal » de son frère. Le succès est immense, tant côté R&B (2e place) que dans le Hot 100 (7e place), et la chanson devient un classique, repris (souvent dans un arrangement inspiré de celui du duo) par Dusty Springfield – qui l’interprète même en duo avec Jimi Hendrix à la télévision – et Aretha Franklin puis plus tard par Carly Simon et James Taylor, Taj Mahal et Etta James et même Marge et Homer Simpson.

Si Inez et Charles Foxx peinent à donner une suite à ce succès initial, le duo s’impose sur scène, tournant notamment avec James Brown et Marvin Gaye ainsi que, en Angleterre, à la même affiche que les Rolling Stones. Après quelques singles au succès mitigé comme Ask me et Hurt by love, ils signent avec Musicor Records, où ils publient notamment (1-2-3-4-5-6-7) Count the days, sans grand résultat commercial, avant de se séparer formellement à la fin des années 1960. Mariée au producteur Luther Dixon, Inez cosigne avec lui I love you 1000 times, qui relance en 1966 la carrière des Platters, mais le couple divorce ensuite.

Après quelques singles sous son nom pour Musicor jusqu’au début des années 1970 et une réédition à succès de Mockingbird en Angleterre, c’est sur Volt, une filiale de Stax, qu’Inez fait son retour avec une série de 45-tours qui lui permettent de retrouver le bas du classement R&B ainsi qu’un excellent album, “Inez Foxx At Memphis”, qui passe hélas inaperçu. La chanteuse se retire alors de l’industrie musicale, ne cédant pas aux sirènes du circuit oldies, malgré la popularité persistante de Mockingbird qui apparaît régulièrement dans des musiques de film.

Photo © X/DR / Collection Gilles Pétard

Pharoah Sanders (1940-2022)

Figure légendaire du jazz spirituel et du free, le saxophoniste Pharoah Sanders avait fait ses débuts sur la scène R&B de Little Rock, dans l’Arkansas, accompagnant notamment Bobby Bland et Junior Parker à l’occasion de passage en ville. Installé à New York au début des années 1960, il croise la route de Sun Ra et de John Coltrane, avant de lancer une carrière personnelle qui passe en particulier par une série d’albums très influents chez Impulse jusqu’au milieu des années 1970.

Si sa musique passe de mode par la suite, il continue à enregistrer régulièrement pour de petits labels, croisant notamment la route d’une Phyllis Hyman débutante. À peu près ignorée du monde du jazz tout au long des années 1980 et 1990, sa musique connaît un retour d’intérêt dans le courant des années 2010, ce qui lui permet de publier en 2021 l’album “Promises” avec  Floating Points et le London Symphony Orchestra qui fait l’objet d’un accueil public et critique enthousiaste. Certaines de ses compositions, comme Thembi et The creator has a master plan, sont devenues des classiques, repris hors jazz par des artistes aussi divers que Ronnie Earl, Galliano ou Brooklyn Funk Essentials…

Vernon Burch (1955 ou 1957-2022)

Originaire de Washington, Vernon Burch se fait tôt remarquer pour ses prodiges de guitariste. Il est à peine adolescent quand il intègre l’orchestre des Delfonics, puis les Bar-Kays avec lesquels il enregistre dès le début des années 1970 (Son of Shaft) et participe au festival de Wattstax. Il contribue également à quelques séances aux studios Stax, en particulier aux côtés d’Albert King. Remarqué par le producteur Tony Wilson, il lance sa carrière solo en 1975 avec l’album “I’ll Be Your Sunshine” sur United Artists et décroche quelques succès R&B avec And you call that love et Changes (Messin’ with my mind). Passé chez Columbia puis Chocolate City, il continue à enregistrer régulièrement jusqu’à la fin des années 1970, fréquentant à plusieurs reprises le classement R&B (Love Is, brighter days, Never can find a way (Hot love), Get Up…).

Le début des années 1980 lui offre un dernier album, “Playing Hard To Get”, et deux derniers succès R&B, la chanson titre et Do it to me. Il s’éloigne ensuite de l’industrie musicale – même si le succès du Groove is in the heart de Dee-Lite, qui sample son Get up, ramène sa musique à la lumière au début des années 1990 – et devient pasteur, publiant même un album, “The Inside Out Project” sous le nom de  Reverend Vernon Burch.

Henry « Pucho » Brown (1938-2022)

Originaire de Harlem, Henry Brown découvre le jazz – Ellington, Basie… – sur la scène de l’Apollo, mais a un coup de cœur à l’adolescence pour le mambo que lui font découvrir des camarades de classe originaire d’Amérique du Sud. Devenu percussionniste, il monte son propre groupe puis rejoint les ensembles de Joe Panama et de Joe Cuba avant de fonder son propre orchestre, Pucho & the Cha-Cha Boys, dans les rangs desquels passent de nombreux musiciens, parmi lesquels Chick Corea et Hubert Laws, à la fin des années 1950.

Mêlant mambo, R&B et jazz, le groupe se taille un beau succès dans les clubs locaux et publie même un single au début des années 1960. Il faut cependant attendre le milieu de la décennie et la signature avec Prestige pour que l’ensemble, rebaptisé Pucho & His Latin Soul Brothers, commence à enregistrer régulièrement. La composition, autour de Brown, est fluide, et des musiciens comme Bill Curtis (futur fondateur du Fatback Band), Cornell Dupree ou Bernard Purdie passent en son sein ou participent à ses disques, qui font une place croissante dans leur répertoire aux emprunts soul et jazz, du Walk on by de Dionne Warwick au Cloud nine des Temptations, en passant par le spectaculaire medley Curtis Mayfield qui ouvre l’album “Super Freak” de 1972.

En parallèle, Brown apparaît sur quelques disques du Dr. Lonnie Smith ainsi que de Gene Ammons. En 1973, cependant, Brown dissout son orchestre et choisit de mener une carrière plus discrète au sein d’un groupe de latin jazz qui se produit dans des hôtels. Quand sa musique est redécouverte au début des années 1990 par la scène acid jazz, cependant, il remonte une nouvelle version de ses Latin Soul Brothers, qui se produit un peu partout dans le monde et publie même une série de nouveaux disques jusqu’au milieu des années 2000. Il est le second musicien afro-américain, après Dizzy Gillespie, à être intronisé à l’International Latin Music Hall of Fame.

Jesse Powell (1971-2022)

Originaire de Gary, dans l’Indiana, Jesse Powell se produit localement avec un groupe familial – ses deux sœurs Trina & Tamara feront d’ailleurs une petite carrière R&B à la fin des années 1990 – quand il est repéré par le producteur Carl Roland. Signé sur le label Silas, il publie courant 1996 un premier single, All I need, dont il est le coauteur et qui apparaît dans le classement R&B. Sorti en 1998, I wasn’t with it lui permet de faire sa première entrée dans le Hot 100 mais c’est You, l’année suivante, qui lui donne son principal tube, montant jusqu’à la dixième place du Hot 100 et à la deuxième côté R&B, la chanson ayant la particularité d’apparaître sur ses deux premiers albums avant de connaître le succès. Même s’il classe ensuite quelques titres dans le hit-parade R&B jusqu’au début des années 2000, il ne retrouve plus la même réussite et se retire de l’industrie musicale après un dernier album, “Jesse”, sorti fin 2003.  

Art Rosenbaum (1938-2022)

Peintre, enseignant, musicien et folkloriste, Art Rosenbaum a produit et réalisé de nombreux enregistrements de terrain d’artistes blues, gospel et des différentes musiques traditionnelles, notamment en Géorgie. Publié en deux coffrets en 2007 et 2008 sous le titre “Art Of Field Recording”, son travail lui vaut un Grammy Award, et une synthèse en deux CD est publiée en 2010 par Dixiefrog (“Black & White – Recorded In The Field By Art Rosenbaum”). Il produit également quelques albums en studio pour Prestige Bluesville au début des années 1960, en particulier avec Pete Franklin, Shirley Griffith et Scrapper Blackwell. Il a publié plusieurs albums personnels ainsi que des méthodes de banjo. 

Chainsaw DuPont (1956-2022)

Né à McComb dans le Mississippi, David “Chainsaw” Dupont s’installe à Chicago au début des années 1970 et se mets à la guitare à l’adolescence. Après avoir tourné dans tout le pays avec différents groupes, il se réinstalle à Chicago où il se produit régulièrement en club et intègre dans les années 1990 l’orchestre de Junior Wells. Il publie une série d’albums dans les années 2000. 

Giuseppe Pino (1940-2022)

Le photographe italien Giuseppe Pino s’est particulièrement spécialisé dans les images de concerts jazz, notamment prises au festival de Montreux. Ses œuvres ont illustré de nombreuses pochettes d’albums comme le “Swiss Movement” de Les McCann & Eddie Harris, ainsi que des disques d’Ornette Coleman, Leon Thomas, Less McCann, Rahsaan Roland Kirk, Miles Davis, Duke Ellington, Archie Shepp…

Marva Hicks (19??-2022)

Originaire de Petersburg, en Virginie, Marva Hicks fait ses débuts alors qu’elle est encore adolescente avec le single Looking over my shoulder, qui sort en 1978 sur Infinity (et permet de douter de sa date de naissance officielle de 1975…). Elle se lance dans la foulée dans une carrière de choriste, qui lui permet d’enregistrer dès le début des années 1980 et jusqu’aux années 2000 sur différents projets liés à Roy Ayers (notamment les Eighties Ladies) ainsi qu’avec Glenn Jones, Stevie Wonder, les Commodores, Marlena Shaw ou Keb’ Mo et de tourner avec Wonder, Michael Jackson et Whitney Houston. Elle publie en 1991 un album personnel qui porte son nom – avec la participation de Stevie Wonder sur un titre –, qui lui permet de décrocher un tube R&B avec Never been in love before. Elle se lance en parallèle dans une carrière d’actrice, aussi bien sur scène, à Broadway et en dehors, qu’au cinéma et à la télévision, apparaissant notamment dans plusieurs épisodes des séries Star Trek: Voyager, Mad About You et One Life to Live

Textes : Frédéric Adrian

Frédéric AdrianHenry “Pucho” BrownInez FoxxJesse PowellPharoah SandersVernon Burch