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Hommages / 09.12.2020

Ils nous quittent : Gary Wiggins, Gordon Keith, Kenneth Jeremiah

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment. 

Gary Wiggins (1952-2020)
Originaire de Détroit (il utilisera bien souvent le nom de Detroit Gary Wiggins), le saxophoniste fait ses débuts à peine adolescent au sein de l’orchestre du bluesman Bobo Jenkins avant de rejoindre les Impacs, avec qui il accompagne les vedettes locales et fait ses débuts discographiques (un single, Good old funky feelin’). Avec le groupe, il accompagne en tournée les Dramatics, se produisant notamment à l’Apollo, avant de s’installer en Californie. Pendant cinq ans, il se produit sur les scènes locales, aux côtés en particulier de Eddie “Cleanhead” Vinson, Johnny Heartsman, Roy Brown et Big Mama Thorton, avant d’aller passer quelques mois à Chicago, où il joue notamment dans les groupes de Lefty Dizz, Sunnyland Slim et Johnny Littlejohn et monte avec le pianiste allemand Christian Rannenberg l’International Blues Duo.

Après une tournée scandinave avec Lefty Dizz, le duo décide de rester en Europe au début des années 1980, et c’est depuis Berlin que les deux hommes enregistrent trois albums. Wiggins ne tarde pas à s’imposer sur la scène locale : il se produit régulièrement avec son groupe dans les clubs berlinois (A-Trane, Yorkschloesschen, Badenscher Hof Jazz Club…) et accompagne sur disque et sur scène aussi bien les musiciens locaux que les vedettes américaines, qu’elles soient basées en Europe ou de passage, tournant en particulier avec Arnett Cobb, Screaming Jay Hawkins, Johnny Copeland, Big Jay McNeely, Angela Brown, Johnny Heartsman, Ingrid Arthur ou Katie Webster.

Il ne délaisse cependant pas son pays d’origine, et participe dans les années 1980 à des séances d’enregistrements à Chicago et en Californie pour Robert Covington et Roy Gaines. Tout en continuant à accompagner les autres, il publie quelques albums sous son nom, parfois en collaboration (avec le pianiste Fabrice Eulry, par exemple, pour “Paris Jook”), à partir des années 1990. Mais c’est sur scène qu’il est le plus actif, se produisant aussi bien dans un registre blues que côté jazz, dans les clubs et festivals de toute l’Europe. À Paris, le Quai du Blues et le Caveau de la Huchette l’accueillent régulièrement. Son dernier disque personnel, “Saxin’ The Blues”, était paru en 2011, mais il se produisait encore récemment dans les clubs berlinois. 
Photo © Anja Gsottschneider

Gordon Keith (1939-2020)
Basé à Gary, dans l’Indiana, c’est d’abord comme chanteur que Gordon Keith se fait remarquer, avec des singles sur Calumet (Look ahead, qui obtient une certaine popularité sur la scène northern) et One-Derful, puis comme producteur pour quelques petites maisons de disques de la région de Chicago. En 1966, il fonde son propre label, Steeltown, avec Ben Brown, Lou D. Washington, Willie Spencer et Maurice Rodgers (le futur Mighty Mo Rodgers). Avec une douzaine de singles à son actif en 1967 et 1969 par des artistes comme les Mello-Tones ou Robert Lee And The Exquisites, le label n’aurait pas marqué l’histoire si Keith n’avait pas signé en 1967 un contrat avec le patriarche d’une famille de Gary pour enregistrer le groupe monté par ses soins avec ses enfants : les Jackson Five.

Si les détails précis des débuts du groupe et de son arrivée chez Motown se perdent entre faits et fiction, il est certain que les frangins font leurs débuts discographiques avec deux singles produits par Gordon Keith et parus sur Steeltown en 1968 : We don’t have to be over 21 (To fall in love) et, surtout, Big boy, qui devient un petit succès local, en particulier quand la distribution en est reprise par Atlantic. Keith assure également le management du groupe pendant quelques mois – il est loin d’être le seul dans ce rôle –, mais la signature avec Motown met un terme définitif à l’aventure. L’aventure Steeltown se poursuit jusqu’à la fin des années 1960, avec quelques parutions sporadiques par la suite (dont un single de Gordon Keith en 1981), tandis que les enregistrements des Jackson 5 pour le label, complétés par quelques démos d’une qualité disputables, sont régulièrement réédités pour capitaliser sur le succès remporté par le groupe. 

Kenneth Jeremiah (1943-2020)
Issu de la communauté italo-américaine, Kenny Jeremiah fait ses débuts sur la scène musicale new-yorkaise lorsqu’il fonde les Dedications avec les frères Charlie et Richie Ingui. L’ensemble enreguistre une poignée de 45-tours pour des labels locaux avant de se rebaptiser, au milieu des années 1960, les Soul Survivors. Signé sur le label de Philadelphie Crimson (qui appartient en partie à l’influent DJ Jerry Blavat), le groupe bénéficie pour son premier single de l’aide du duo en pleine ascension Gamble & Huff, qui écrit et produit pour eux Expressway to your heart, qui devient un tube majeur en 1967 et annonce le Philly Sound à venir.

Toujours avec l’aide de Gamble & Huff, les disques suivants connaissent un certain succès, qui aboutit à la sortie de l’album “When The Whistle Blows Anything Goes With The Soul Survivors” avant qu’ils ne signent avec Atco. L’album “Take Another Look”, paru en 1969 et produit par Rick Hall, marque cependant la fin de la première période de l’histoire des Soul Survivors, et Kenny Jeremiah ne participera pas aux différentes reformations qui ont suivi dès les années 1970. Il rejoint alors le groupe Scorpion, qui publie un single au début de la décennie, puis Shirley & Company, le groupe emmené par Shirley Goodman, avec lequel il décroche le tube international Shame, shame, shame. Devenu une figure familière sur la scène de Philadelphie – il anime en particulier une émission de radio –, Jeremiah se produit régulièrement à partir des années 1980 et jusqu’à ces derniers mois dans les clubs et casino du secteur, en particulier à Atlantic City, et grave occasionnellement quelques faces sous son nom.

Textes : Frédéric Adrian

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