Nick Gravenites (1938-2024)
03.10.2024
;
Originaire de Berkeley, en Californie, c’est à l’église – où il croise notamment la route d’Edwin Hawkins – que Fred Willie Hughes Jr découvre le pouvoir de de sa voix, mais la tentation séculière est trop forte. À peine adolescent, il fait ses débuts sur la scène des clubs d’Oakland au sein de différents groupes. C’est avec l’un d’entre eux, les Markeets, qu’il fait ses débuts discographiques dès la fin des années 1950, dans un registre doo-wop. Il intègre ensuite différents ensembles, parmi lesquels les Casanova Two, les Four Rivers et les Music City Soul Brothers, avec lesquels il publie quelques singles sur des labels locaux.
Il se lance dans une carrière personnelle à la fin des années 1960 et décroche un petit tube avec Send my baby back, qui atteint le 20e rang du classement R&B de Billboard et lui permet de publier un album du même nom sur Wand. Malgré la qualité de ses enregistrements pour Wand puis Janus, le succès est éphémère, et Hugues est de retour sur la scène locale dès les années 1970, où il se produit notamment avec le guitariste Bobby Murray avec lequel il tourne en Europe dans le courant des années 1990.
Il réapparaît à la fin de la décennie 1990 avec l’album “The Soul of Freddie Hughes” puis publie dans les années 2000 “I Know It’s Hard But It’s Fair”. Il se produisait encore régulièrement à San Francisco (en particulier au Royal Cuckoo) et a Oakland ces derniers mois. Il ne doit pas être confondu – malgré ce que racontent Wikipédia et AllMusic – avec son homonyme Fred Hugues qui a enregistré pour Brunswick et Vee-Jay.
Photo © DR
Son look unique – et pourtant maintes fois imité, au premier chef par Amy Winehouse – et sa voix immédiatement reconnaissable en ont fait une figure iconique, incarnation du son girl group du début des années 1960, bien que sa carrière réellement commerciale se soit limitée à quelques années. Née à Manhattan, Veronica Bennett commence à chanter dès le lycée avec sa sœur Estelle et sa cousine Nedra. Sous le nom des Darling Sisters puis de Ronnie and the Relatives, le trio se produit localement et ne tarde pas à se faire remarquer, en particulier grâce à ses apparitions au très populaire Peppermint Lounge. Quelques singles paraissent sur Colpix à partir de 1961, crédités à partir de 1962 aux Ronettes, sans grand succès.
Les choses changent quand Phil Spector, déjà bien établi grâce en particulier au succès des Crystals, les découvre. Tombé sous le charme de Ronnie, il produit plusieurs faces pour le groupe. Paru à l’été 1963 sur Philles Records, le label de Spector, Be my baby (qu’il a écrit avec Jeff Barry et Ellie Greenwich) est un immense succès, qui s’arrête à la deuxième place du Hot 100 et que certains, comme le leader des Beach Boys Brian Wilson, considèrent comme le plus grand disque pop de tous les temps. Sans retrouver ce niveau de popularité, les disques suivants connaissent également une belle réussite, avec des chansons comme Baby, I love you ou Walking in the rain, alors que Ronnie entame une relation avec Phil Spector, qui aboutit à leur mariage en 1968. Les Ronettes, dont le succès était déclinant, se sont séparées l’année précédente, mais Ronnie, victime de la jalousie pathologique de son mari qui la séquestre et la maltraite, ne peut lancer sa carrière solo, un single isolé faisant son apparition en 1971.
Après avoir fui Spector en 1972 (elle divorcera deux ans plus tard, dans des conditions très défavorables), elle tente de relancer sa carrière, seule ou avec de nouvelles Ronettes, sans grande réussite, malgré le soutien d’admirateurs de prestige, de Joey Ramone à Bruce Sprinsgsteen (qui lui prête même son E-Street Band le temps d’un single) en passant par Keith Richards ou Patti Smith qui apparaissent sur ses différents enregistrements solo, jusqu’à l’album “English Heart” de 2016. Si elle apparaît ponctuellement sur les disques des autres (Alice Cooper, Southside Johnny, Eddie Money…), c’est sur le circuit de la nostalgie qu’elle se produit le plus régulièrement, sa Christmas Party annuelle au B.B. King Blues Club & Grill étant considéré comme un classique new-yorkais.
Elle était en particulier apparue au New Morning à l’été 2016, pour son seul concert français, bouleversant toute la salle de versions sublimes du Can’t put your arms around a memory de Johnny Thunders et du Back to black de Amy Winehouse avant de clôturer avec l’éternel Be my baby (Soul Bag y était : soulbag.fr/ronnie-spector/). Un film consacré à son parcours est en préparation, avec Zendaya dans son rôle.
Originaire de La Nouvelle-Orléans, Rosa Hawkins commence à chanter dès l’école primaire avec sa sœur Barbara Ann et sa cousine Joan Marie Johnson. Baptisé les Meltones puis Little Miss and the Muffets, le trio joue localement jusqu’à ce que le chanteur Joe Jones – celui de You talk too much – les découvre et les fasse signer avec Red Bird, le label de Jerry Leiber et Mike Stoller. Leur premier single sous leur nouveau nom des Dixie Cups s’appelle Chapel of love, une composition de Jeff Barry, Ellie Greenwich et Phil Spector, est un énorme tube qui atteint le sommet du classement de Billboard. Sans atteindre le même niveau de succès, les 45-tours suivants, comme People say, connaissent aussi une belle réussite.
Improvisée par le trio en studio, une version du Jock-a-mo de Sugarboy Crawford rebaptisée Iko iko, avec ses percussions jouées sur une chaise, un cendrier et une bouteille, se classe également très correctement dans les hit-parades et devient un des grands classiques du son de La Nouvelle-Orléans. Le succès est tel que le groupe publie son premier album en 1964, “Chapel of Love”, produit par Leiber & Stoller. L’aventure s’arrête cependant rapidement : transféré chez ABC-Paramount, le trio ne parvient pas à retrouver le succès, malgré plusieurs singles et un second album, “Riding High”.
Des embrouilles contractuelles avec Joe Jones conduisent le groupe à mettre un terme à leur carrière discographique. Rosa se lance alors dans une carrière de mannequin, tout en continuant avec sa sœur à faire vivre les Dixie Cups sur le circuit de la nostalgie. Si le groupe se contente d’un album autoproduit en 2011 (“Doing It Our Way”) et de quelques enregistrements en tant qu’invitées (pour Eddie Brickell, Freddie Fender et Aaron Neville, notamment), il est très actif en actif sur scène, attirant chaque année un public qui lui reste très attaché lors de sa prestation au Jazz Fest. Rosa avait publié en 2021 un livre, Chapel of Love: The Story of New Orleans Girl Group the Dixie Cups, qui retraçait la carrière du groupe.
Né à Fairmont, en Virginie Occidentale, c’est à Cleveland que Charles Turner se fait remarquer à l’adolescence aussi bien comme boxeur que comme chanteur avec les Skylarks, un groupe gospel local, puis avec les Metrotones, un ensemble R&B habitué aux concours de talents et qui se produit régulièrement dans les clubs de la ville et des environs. En 1957, il est la voix principale de Please come back, premier single du groupe, puis celle de la face B du second, publié par Duke Records sous le nom des 5 Jades.
Il quitte dans la foulée l’ensemble, peut-être las des changements constants de personnel, et commence à se produire sous le nom de Sonny Turner. C’est lors d’un concert dans un club qu’il est repéré par le DJ Bill Crane. Ce dernier lui fait enregistrer une bande démo qu’il adresse à Buck Ram, le manager des Platters, qui cherche alors un remplacement à Tony Williams, la voix principale du groupe, qui a porté les tubes Only you et The great pretender. Séduit par ce qu’il entend, Ram retient Turner, qui rejoint les Platters à partir de juin 1960. Les années de grand succès du groupe sont derrière lui, mais la voix de Turner porte quelques-uns de ses derniers tubes comme I love you 1000 times, With this ring (qui se classe à la 14e place du classement de Billboard en 1967) et Washed ashore, tout en se produisant sur les scènes du monde entier.
En 1970, il quitte les Platters et monte son propre ensemble, Sound, Ltd, qui tourne un peu partout et prends ses habitudes dans les casinos de Late Tahoe et Las Vegas, avec un répertoire mêlant classiques des Platters et tube du moment, que documentent quelques albums sortis dans les années 1970 et 1980. Il publie également quelques singles sous son nom, en particulier pour Musicor, l’ancien label des Platters, sans réussite particulière même si son Now that you’re gone de 1972 est considéré comme un petit classique de la modern soul. Il continuait jusqu’à l’été dernier à se produire régulièrement à Las Vegas.
S’il n’a jamais acquis la notoriété de certains de ses collègues, Calvin Simon a été un acteur majeur des deux premières décennies de la carrière de George Clinton et un des pionniers historiques du p-funk. Né à Beckley en Virginie Occidentale, Simon est encore adolescent quand il fait connaissance de Clinton et rejoint l’ensemble vocal plus ou moins informel, sous inspiration doo-wop, que celui-ci pilote depuis le salon de coiffure où il travaille. Avec Fuzzy Hawkins, Ray Davis et Grady Thomas en plus de Clinton et Simon, la composition de groupe se stabilise et il commence à enregistrer sous le nom des Parliaments à la fin des années 1950. Plusieurs singles paraissent sur différents labels – Simon co-signe avec Clinton un des titres de leur deuxième 45-tours –, avant que ne se noue une relation avec Revilot, un label de Détroit, sur lequel paraît en 1967, (I Wanna) Testify, sur lequel Clinton est le seul membre à apparaître effectivement.
Quand des embrouilles contractuelles font perdre à Clinton ses droits sur le nom des Parliaments, Clinton lance Funkadelic – théoriquement, le nom des musiciens qui accompagnent le groupe vocal d’origine – puis Parliament. Simon est de la partie dans les deux cas : il apparaît aussi bien sur le premier album éponyme de Funkadelic (il est le chanteur principal sur Qualify and satisfy) que sur celui de Parliament, “Osmium” (il est la voix lead sur Oh Lord why Lord et Livin’ the life. Il participe ensuite à l’ensemble des disques des deux groupes jusqu’en 1977, même s’il est rarement la voix principale (Biological speculation, partagé avec Clinton, sur “America Eats Its Young”). Mécontent de la façon dont Clinton gère les affaires des deux groupes, il quitte ensuite l’aventure avec deux de ses collègues historiques (Fuzzy Haskins et Grady Thomas). Ensembles, ils créent leur propre version de Funkadelic, qui publie un album en 1980 un album, “42,9 %” (représentant leur part dans les membres fondateurs du groupe, soit 3 sur 7 !), sur le label LAX du controversé Jerry Goldstein. L’épisode est évidemment éphémère, mais laisse place un peu plus tard à Original P, qui comprend aussi Hawkins, Thomas et Davis, et publie plusieurs albums.
Au fil des années, il retrouve ponctuellement la galaxie Clinton, à l’occasion de l’entrée de Parliament et Funkadelic au Rock and Roll Hall of Fame et sur disque (Goodnight sweetheart, goodnight sur “How Late Do U Have 2BB4UR Absent?”). Des problèmes de santé l’amènent cependant à réduire son activité au début des années 2000 et à se tourner vers la religion. C’est dans un registre gospel qu’il publie en 2004 un disque personnel autoproduit, “Share The News”, suivi d’autres albums, dont le dernier, “I Believe” était sorti en 2018. Il avait pris sa retraite en 2019.
Originaire de Toronto, Richard Dean Taylor se fait remarquer comme chanteur et pianiste sur la scène locale au début des années 1960 et publie une série de singles pour différents petits labels avant de décider de s’installer à Détroit en 1964. Il y réussit à se faire embaucher, à la fois comme auteur-compositeur, producteur et interprète. Devenu un protégé du trio Holland–Dozier–Holland, il publie quelques singles pour la sous-marque V.I.P. sans grand succès – mais deux des titres de cette période, There’s a ghost in my house et Gotta see Jane deviendront des tubes en Angleterre quand ils y seront réédités dans les années 1970 – puis sur Rare Earth, où il décroche son seul grand succès avec Indiana wants me, qui atteint la cinquième place du hit-parade de Billboard.
C’est comme auteur-compositeur qu’il connaît alors la plus grande réussite, avec des titres pour les Four Tops, les Temptations, les Marvelettes, les Supremes, Gladys Knight & the Pips, Brenda Holloway, Marvin Gaye… Au sein du collectif The Clan (avec Pam Sawyer, Frank Wilson et Deke Richards), il travaille sur le répertoire de Diana Ross & the Supremes dans les dernières années de l’ensemble, co-écrivant et co-produisant le classique Love child et son successeur, I’m livin’ in shame. Plus discret par la suite, il se consacre à son propre label, Jane, sur lequel il sort plusieurs singles, et publie ponctuellement quelques 45-tours pour différentes maisons de disques jusqu’au début des années 1980, sans grands résultats. Adopté par le public northern soul, il devient un habitué des scènes britanniques, sans pour autant relancer sa carrière discographique.
Né à Jackson, dans le Mississippi, Tim Whitsett ne tarde pas à se faire remarquer avec son groupe, l’Imperial Show Band, dont il est le trompettiste et le leader, et dont son frère Carson Whitsett. Paru en 1961, le premier single du groupe, l’instrumental Jive talk, sort sur un label local, Trebco, avant d’être repris en licence par Imperial. Attaché à son indépendance, Whitsett décline des offres de Stax puis de Chips Moman et l’Imperial Show Band se produit dans tout le pays – jusqu’à New York et Los Angeles – tout en publiant des 45-tours sur différents labels comme Ace, Epic, Verve et Musicor mais aussi Rim, le label de Whitsett.
En pleine période de lutte pour les droits civiques, Whitsett fait figure de pionnier quand il intègre à son groupe des musiciens afro-américains comme Tommy Tate ou Dorothy Moore. Le groupe se sépare à la fin des années 1960 et Whitsett intègre alors Stax, comme auteur-compositeur, puis comme responsable de la branche éditoriale du label, East/Memphis Music Corp. Sa réussite dans la fonction – il est associé au succès de tubes comme Mr. Big Stuff ou I’ll play the blues for you – le conduit à accepter des postes similaires chez Chrysalis puis Warner, avant de travailler comme consultant pour différents labels.
À la fin des années 1980, il lance, en lien avec Ichiban, le label Urgent! qui publie quelques disques de Bobby Rush, Tommy Tate, Luther Ingram et des Dells, avec d’être intégré dans Malaco. Désormais en charge des questions d’édition chez Malaco, il travaille comme consultant pour différents labels et publie plusieurs ouvrages sur l’industrie musicale. Il lance à la fin des années 2000 le label Locobop, qui publie, essentiellement en numérique puis ponctuellement sous forme de CD, différents enregistrements, souvent rares ou inédits, d’artistes “historiques” comme Ivory Joe Hunter, The Bar-Kays, Rufus Thomas, Eddie Floyd, Jerry Butler, The Masqueraders, Carla Thomas ou Luther Ingram et d’habitués des scènes de Memphis.
Né à Chicago, installé avec sa famille à Los Angeles à la fin des années 1950, Bruce Bromberg commence dès le milieu des années 1960 à travailler en tant que producteur pour différents labels locaux et, en particulier, des albums de Lightnin’ Hopkins (“California Mudslide (And Earthquake)”) et Bee Houston. Il monte à la fin des années 1960 sa propre maison de disque, Joliet, qui publie quelques singles et une poignée d’albums pour Ted Hawkins, Johnny Littlejohn, Lightnin’ Hopkins, Johnny Shines et Philip Walker, avec qui il noue un riche partenariat artistique, Walker apparaissant sur nombre de ses productions jusqu’à la fin des années 1980.
En 1983, il fonde avec Larry Sloven un nouveau label, Hightone, qui connaît un succès immédiat grâce à au Robert Cray Band et à l’album “Bad Influence”, coproduit avec Dennis Walker. Walker et lui avaient déjà produit quelques années plus tôt le premier album de Cray, “Who’s Been Talkin’”, passé inaperçu partout sauf dans Soul Bag. Il coproduit avec Walker les disques suivants de Cray jusqu’à la fin des années 1980, ainsi que ceux de Joe Louis Walker, qui publie ses premiers albums sur Hightone entre le milieu des années 1980 et le début des années 1990, contribuant largement, grâce à ces deux artistes, à définir le son du blues de la fin des années 1980.
Bruce Bromberg est également aux manettes pour une bonne partie des disques publiés par le label jusqu’au début des années 2000, aussi à l’aise aux côtés de vétérans comme Ted Hawkins, Frankie Lee ou Philip Walker qu’avec des découvertes comme Chris Thomas-King ou James Armstrong. Outre son rôle de producteur et de patron de label, il lui arrive de signer quelques chansons sous le pseudonyme de David Amy, dont le tube Smoking gun pour Cray. Il s’éloigne aussi parfois du blues pour travailler avec d’autres artistes raciniens comme Dave Alvin, Big Sandy ou Dale Watson. Quand Hightone rachète les droits de Testament, le label de Pete Welding, il pilote un très ambitieux programme de réédition du catalogue. Il était discret depuis la vente de Hightone en 2008.
Figure de la scène blues canadienne, le chanteur et harmoniciste Harpdog Brown avait publié une série d’albums à partir du début des années 1990 et tournait régulièrement dans tout le pays depuis les années 1980.
Producteur de concerts depuis les années 1970, d’abord pour Harry Lapp Organisation puis à partir de 1986 pour sa propre entreprise, Gérard Drouot Productions, Gérard Drouot avait travaillé avec de nombreux artistes, notamment internationaux, parmi lesquels Ray Charles, Nina Simone, Tina Turner, James Brown… Il avait également assuré la programmation du festival de jazz de Nice à la fin des années 2000.
Batteur du trio familial Trampled Under Foot, Kris Schnebelen participe à l’ensemble des albums du groupe, qui remporte l’International Blues Challenge en 2008 ainsi que le Blues Music Award du meilleur album blues contemporain en 2014. Après la séparation du groupe, il joue avec Sean Chambers et le groupe de son frère Nick Schnebelen.
Membre dans les années 1960 des Four Pros, un groupe de Détroit dont les enregistrements ont acquis une certaine popularité sur la scène northern, Laurence Inkatha a ensuite poursuivi sa carrière sur les scènes de Las Vegas.
Textes : Frédéric Adrian