Quincy Jones (1933-2024)
04.11.2024
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Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment.
Si la musique qui a fait de David Sanborn une star dans les années 1970 et 1980 est éloignée des centres d’intérêt de Soul Bag, la carrière du saxophoniste est loin de s’y résumer. Originaire de Floride, Sanborn grandit dans le Missouri, à Kirkwood, une banlieue de Saint Louis. Musicien précoce, il ne tarde pas à se faire remarquer sur la scène locale, et accompagne sur scène des musiciens comme Albert King ou Little Milton dès son adolescence. En 1967, il rejoint l’orchestre de Paul Butterfield, qui comprend alors une section de cuivre. Jusqu’au début des années 1970, il enregistre régulièrement avec celui-ci, notamment sur les albums “The Resurrection Of Pigboy Crabshaw” et “Better Days” et l’accompagne sur scène, notamment lors de sa prestation au festival de Woodstock.
Au début des années 1970, il se lance dans une carrière prolifique de musicien de studio et de scène, apparaissant aussi bien sur les disques des stars de la pop du moment – Elton John, David Bowie, Bruce Springsteen notamment – que sur des albums de James Cotton, Stevie Wonder, B.B. King, George Benson, James Brown, Chaka Khan, Dr John… Il lance sa carrière solo au milieu de la décennie avec “Taking Off”, mais se fait remarquer par le grand public à partir de 1980 et de “Hideaway”, devenant une des plus grandes vedettes de la scène jazz, dans un registre vite baptisé « smooth jazz », qui emprunte largement au R&B du moment. Habitué des plateaux de télévision depuis le début des années 1980, il met sa notoriété et son incontestable charisme au service de la musique à la fin de la décennie en co-animant avec Jools Holland pendant deux saisons l’émission Night Music au cours de laquelle, avec un orchestre de luxe dirigé au début par Marcus Miller, il accueille des artistes venant de tous les horizons musicaux de Ruth Brown à Anson Funderburgh, en passant par Aaron Neville, Dr John, Mavis Staple, Al Green, Sam Moore, Shirley Caesar, Little Milton, Stevie Ray Vaughan, Hank Ballard, Carla et Rufus Thomas ou Robert Cray, la programmation prenant un malin plaisir à susciter les pas de côté, associant dans la même émission Katie Webster et le duo Lou Reed / John Cale ou Mark Knopfler et Slim Gaillard.
Le début des années 1990 le voit s’éloigner du smooth jazz, avec des disques plus ambitieux comme “Another Hand”, gravé avec notamment Charlie Haden, Jack DeJohnette, Bill Frisell et Marc Ribot. Si le succès commercial est moindre, il reste une attraction recherchée, se produisant régulièrement dans les festivals. Son dernier concert parisien remonte à 2022, à la Seine Musicale, et son dernier album personnel, “Time and the River”, était paru en 2015. Bien que malade depuis plusieurs années, il avait continué à travailler régulièrement.
Né à Kingston en Jamaïque, le chanteur Michael « Jimmy » James y fait ses débuts sur des productions signées par Coxsone Dodd, Clancy Eccles et Lyndon Pottinge et y connais un premier succès dès 1962 avec Come to me softly. En 1964, avec son groupe régulier The Vagabonds, il part s’installer en Angleterre pour y continuer sa carrière. Si les premiers enregistrements britanniques du groupe restent fidèles à l’esthétique ska, l’ensemble se tourne vite vers un registre R&B et soul, qui commence à être très populaire sur la scène britannique, avec une série de singles qui débute en 1965 sur Columbia et se poursuit ensuite sur Pye et Picadilly et un premier album, “The New Religion”.
Mais plus que le disque, c’est la scène qui fait la popularité du groupe, réputé pour ses shows incendiaires. Habitué des clubs londoniens comme l’Upper Cut, le Bag O’Nails, le Whiskey A Go Go ou le Marquee comme son principal rival, Geno Washington & the Ram Jam Band, il tourne dans toute l’Angleterre, apparaît lors des éditions 1965 et 1966 du National Jazz and Blue Festival, croisant la route des futures stars du rock local comme Rod Stewart et les Who et assure les premières parties des vedettes du moment, des Rolling Stones à Sonny & Cher. La mode R&B étant passée en Angleterre, les Vagabonds originaux se séparent à la fin de la décennie, mais James, propriétaire du nom, monte un nouvel orchestre sous le même nom et continue à se produire régulièrement, seul, avec le groupe ou au sein de tournées nostalgiques, jusqu’en 2022.
Au plan discographique, il n’enregistre que ponctuellement, mais connais un improbable revival dans les années 1970 grâce à deux titres disco écrits et produits par Biddu, I’ll go where your music takes me et Now is the time. Le dernier album du groupe, “I’ll Go Where Your Music Takes Me”, enregistré en public, est sorti en 2010 et James est apparu depuis sur plusieurs anthologies northern soul produites par Ian Levine.
Originaire de Cincinatti, ami d’enfance des frères Collins – Bootsy et Phelps -, le batteur Don Juan « Tiger » Martin fait ses débuts sur la scène locale, au sein notamment d’un groupe baptisé Maurice & the Mystics dont la chanteuse est Randy Crawford. Il monte ensuite un ensemble avec les frères Collins, qui joue dans les clubs comme le Sportsman Club de Gene Reed, où ils accompagnent des artistes de passage comme Marva Whitney, Rufus Thomas ou Inez & Charles Fixx, et fait office de groupe maison dans les studios du label King, enregistrant notamment avec Arthur Prysock et Bill Doggett.
Repérés par James Brown, ils travaillent en studio et sur la route derrière des artistes de son entourage comme Hank Ballard, Leon Austin ou, à nouveau, Marva Whitney. Quand Frank Waddy – un autre ami d’enfance – quitte l’orchestre de Brown, Martin prend sa place. S’il n’enregistre que rarement avec Brown – il apparaît sur quelques de Bobby Byrd et de Lyn Collins, il l’accompagne pendant plusieurs mois sur scène, apparaissant notamment lors du légendaire concert de l’Olympia en 1971 publié ultérieurement sous le titre “Love Power Peace”. Il quitte l’ensemble en même temps que les frères Collins et rejoint leur nouveau groupe, les éphémères Houseguests, mais les quitte avant qu’ils ne deviennent le Rubber Band. Il joue quelque temps dans le groupe de scène des Spinners, assurant notamment les premières parties d’Aretha Franklin. Il retrouve ponctuellement Bootsy Collins par la suite, intégrant notamment son Sweat Band (même s’il n’apparaît pas sur l’album) et jouant sur son album de 1993 “Blasters Of The Universe”. Revenu à Cincinnati, il se produit essentiellement localement, accompagnant notamment le vétéran H-Bomb Ferguson.
Figure de l’industrie musiciale, Jean-Philippe Allard dirige notamment à partir de 1987 le pôle jazz de Polygram, puis prend ensuite la direction de Polydor et la présidence d’Universal Music Publishing France avant de diriger à partir de 2014 le label Impulse ! ressuscité. Associé de près à la carrière de nombreux artistes de jazz comme Abbey Lincoln ou Randy Weston, il avait notamment produit Lucky Peterson et piloté la série « Gitanes Blues Productions », avec des disques de Peterson, Joe Louis Walker, James Cotton, Charles Brown, Clarence Getemouth Brown, Larry Garner, Billy Branch, Big Daddy Kinsey, Robert Lockwood Jr., Johnny Copeland et Mavis Staples.
Si sa notoriété n’a pas atteint celle de certains de ses contemporains – Bob Dylan en particulier a revendiqué son influence –, le chanteur et guitariste John Koerner, seul ou avec ses partenaires Dave Ray et Tony Glover a joué un rôle important sur la scène folk blues dès le début des années 1960, au point qu’Elijah Wald écrive qu’il était « à certains égards l’artiste le plus passionnant du renouveau du folk-blues. Il était le seul jeune artiste blanc à avoir façonné un style unique et personnel plutôt que d’essayer de ressembler à des artistes noirs plus âgés. ».
Né à Rochester, c’est dans le Minnesota, et particulièrement à Minneapolis, où il s’est installé pour ses études, qu’il commence sa carrière musicale, montant un trio avec le guitariste et chanteur Dave « Snaker » Ray et l’harmoniciste Tony « Little Sun » Glover. Leur premier album sous le nom de Koerner, Ray & Glover, “Blues, Rags and Hollers”, sort en 1963 et le trio devient un habitué de la scène folk-blues, apparaissant notamment en 1964 au Newport Folk Festival, et enregistrant deux autres albums en 1964 et 1965. En parallèle, Koerner publie son propre album, “Spider Blues” et commence à travailler avec le pianiste Willie Murphy, avec qui il enregistre deux albums. Il s’éloigne de la musique dans les années 1970, après un album orienté folk, “Some American Folk Songs Like They Used To”, et s’installe au Danemark où il s’intéresse notamment au cinéma. Revenu à Minneapolis dans les années 1980, il relance sa carrière musicale avec l’album “Nobody Knows the Trouble I’ve Been”. Dans les années qui suivent, il se produit régulièrement sous son nom et enregistre une série d’albums, et retrouve régulièrement ses anciens partenaires dans différentes configurations (l’album “One Foot in the Groove” en 1996). Resté un habitué des clubs de Minneapolis, il avait officiellement pris sa retraite en 2023.
Originaire de Caroline du Nord, Peggi Blu s’installe à New York à l’adolescence. Elle ne tarde pas à s’y faire remarquer sur la scène gospel au sein des Nat Lewis Singers, avec qui elle chante à Las Vegas et sur Broadway, puis avec les Humble Gospel Singers et les Robert Patterson Singers. C’est en tant que soliste de ce dernier ensemble qu’elle fait ses débuts discographiques sur un album d’Archie Shepp, “The Cry Of My People”. Elle développe alors une carrière de choriste de studio, enregistrant notamment sur des disques de Lou Courtney, Esther Phillips, Stephanie Mills et les Weather Girls, ainsi que sur la musique du film Fame. Tout en continuant à chanter pour d’autres, de Bob Dylan à Barbra Streisand en passant par Quincy Jones, elle lance au début des années 1980 sa carrière personnelle avec un premier album produit par Jerry Ragovoy, “I Got Love”. Son succès en 1986 dans l’émission Star Search lui permet de publier un deuxième album, “Blu Blowin’”, qui sort sur Capitol. Faute de succès commercial, elle poursuit sa carrière de choriste, publiant quelques singles ponctuels, et doit attendre 2002 pour publier sur Expansion un dernier disque, “Livin’ On Love”. Tout en se produisant dans ses propres one-woman shows, elle développe une carrière de coach vocale, travaillant notamment pour l’émission American Idol.
Basé en Californie, le clavier Malcolm Lukens fait ses débuts au début des années 1960, jouant notamment avec Danny Gatton, Albert Lee et Link Wray avant d’intégrer l’orchestre de Roy Buchanan, avec lequel il grave trois albums pour Atlantic et tourne régulièrement au milieu des années 1970. Même s’il enregistre rarement, il travaille ensuite avec différents artistes comme Canned Heat, Coco Montoya, Phil Upchurch, Wayne Baker Brooks, Kenny Neal, Junior Watson, Kirk Fletcher, Johnny Rivers, Kim Wilson et, plus récemment, Guitar Shorty et Christone « Kingfish » Ingram.
Originaire d’Alexandria en Louisiane, le bassiste Leon Medica se fait remarquer sur la scène locale dès la fin des années 1960 et se lance dans la foulée dans une carrière de musicien professionnel qui le voit jouer aussi bien avec Petula Clark qu’avec Chuck Berry. Revenu en Louisiane après des années de tournées, il s’installe à proximité de Baton Rouge, ouvre son propre studio et intègre l’orchestre de Clarence Gatemouth Brown, avec qui il enregistre deux albums au milieu des années 1970. Il participe également aux séances de l’album Excello “Swamp Blues” de 1970 ainsi qu’à celles de “Frenchin’ The Boogie” de Clifton Chenier. Avec le guitariste Jeff Pollard, autre accompagnateur de Brown, il fonde le groupe Le Roux, qui s’impose sur la scène rock de Louisiane et au-delà et dont il est membre actif jusqu’au milieu des années 2010. Il travaille en parallèle avec Zachary Richard, Anders Osborne et Tab Benoit.
Originaire de Memphis, le chanteur Bertram Brown fait partie à la fin des années 1960 des Newcomers, un groupe qui enregistre pour Stax et décroche un petit succès avec Pin the Tail On The Donkey, en plus d’assurer des chœurs pour d’autres artistes du label comme David Porter ou Shirley Brown. Après la faillite de Stax, le groupe se réinvente sous le nom de Kwick le temps de quelques disques pour EMI puis Capitol au début des années 1980, tandis que Brown se lance en parallèle dans une carrière de choriste qui le voit enregistrer notamment avec Denise LaSalle, Margie Joseph, Bobby Womack, Mavis et Pops Staple, Ann Peebles, Zucchero, Albert King, Marva Wright, Preston Shannon, Bernard Allison, Otis Rush, Screamin’ Jay Hawkins… Il participe en particulier régulièrement aux productions de Willie Mitchell.
Membre fondateur de la Sonny Boy Blues Society, Jerry Fellow a contribué à la naissance du King Biscuit Blues Festival d’Helena, dont il a longtemps assuré la direction artistique.
Habitué des studios de Los Angeles, accompagnateur notamment de Chico Hamilton, Peggy Lee et Herb Alpert, John Pisano avait également enregistré avec Sam Cooke et Natalie Cole.
Figure de la scène cajun de Lafayette, le chanteur et accordéoniste Chris Stafford avait co-fondé le groupe Feufollet dès 1999 alors qu’il était à peine adolescent, et continuait à se produire avec. Il intègre également le groupe Bijou Créole, dirigé par Cédric Watson, et enregistre avec différents artistes dont les Red Stick Ramblers, Steve Riley & The Mamou Playboys, Tommy McLain et Johnny Nicholas.
Figure de la scène blues française, le chanteur et guitariste Denis Cook avait fondé en 1980 Blues Power, avec lequel il a gravé au moins trois albums et tourné très largement en France et en Euope. Il se produisait encore très régulièrement, en particulier en Normandie.
Compositeur, arrangeur et chef d’orchestre, Bill Holman a essentiellement travaillé dans le monde du jazz, de Stan Kenton à Count Basie en passant par son propre ensemble. Côté soul et R&B, il a arrangé le medley Aquarius/Let the sunshine in du groupe 5th Dimension ainsi que plusieurs disques pour Natalie Cole, dont l’album multi-récompensé “Unforgettable… with Love”.
Originaire de Arnaudville en Louisiane, le guitariste Chester Chevalllier se passionne pour la musique dès son enfance, fabriquant lui-même ses premiers instruments. C’est avec l’autorisation de ses parents qu’il intègre le groupe de l’accordéoniste Fernest Arceneaux, Fernest and the Zydeco Thunders, dont le batteur est le vétéran des sessions Excello Clarence « Jockey » Etienne. Tout en travaillant en tant que chauffeur routier, il se produit un peu partout avec l’ensemble, qui fait ses débuts discographiques au milieu des années 1970 avec une poignée de singles pour le label Blues Unlimited de J.D. Miller, puis, à la fin de la décennie, un album enregistré à l’occasion d’une tournée européenne, “Live+Well”. Chevallier travaille avec Arnceneaux jusqu’au milieu des années 1980, apparaissant sur plusieurs disques, notamment pour JSP, avant de monter avec Jockey Etienne les Creole Zydeco Farmers, qui publient une série d’albums jusqu’au début des années 2000 et tournent largement, y compris en Europe. Il intègre ensuite Donna Angelle & the Zydeco Posse et fonde son Inner City Rhythm and Blues Band, qui se produit essentiellement localement.
Textes : Frédéric Adrian
Photo de couverture : © Gilles Lefrancq / OTC Antibes Juan-les-Pins