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Hommages / 19.09.2021

Ils nous quittent : Bennie Pete, Warren Storm, Mike Finnigan, Sam Salter, Carl Bean, Lee Williams…

Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment. 

Bennie Pete (1976-2021)
Né à La-Nouvelle Orléans, le sousaphoniste Bennie Pete fait comme nombre de ses condisciples ses débuts au sein du marching band de son école. Une fois diplômé, il plonge dans la scène brass band en fondant avec quelques camarades (dont le tromboniste Jerome Jones) le Looney Tunes Brass Bands qui fusionne quelques années plus tard avec un autre ensemble, les High Steppers, pour former le Hot 8 Brass Band. Dès les années 2000, le groupe dont il est le leader et le porte parole habituel s’impose comme un des groupes phares de la nouvelle génération des brass bands, publiant plusieurs albums pour Tru Thoughts et exportant dans le monde entier le son de sa ville natale, mais des problèmes de santé lui imposent de prendre un peu de distance. Présent sur les derniers enregistrements du Hot 8 – l’album “On The Spot” de 2017, le titre Adulthood sur le dernier disque de Jon Batiste –, il n’avait pas participé aux tournées européennes les plus récentes. Avec son collègue Tyrus Chapman, il avait répondu aux questions de Soul Bag pour une interview parue dans notre numéro 226.
Photo © DR

Warren Storm (1937-2021)
Le Roi des Dance Halls : pendant plus de soixante ans d’une carrière à la croisée des chemins du R&B, de la country et de la musique cajun, Warren Storm a incarné une certaine idée de la musique de Louisiane, celle qui va au-delà des questions d’étiquette musicale et de couleur de peau. Né à Abbeville, en Louisiane, dans une famille cajun dont la langue principale est le français, le jeune Warren Schexnider est vite immergé dans la musique par le biais de son père, le musicien Simon Schexnyder (qui a enregistré avec Nathan Abshire) qui l’embauche dans son groupe les Rayne-Bo Ramblers dès ses 12 ans. À l’adolescence, il commence à se produire régulièrement avec un groupe country local, les Rhythm-aires du chanteur et guitariste Larry Brasso, tout en découvrant le R&B venu de La Nouvelle-Orléans avec son ami Robert Charles Guidry, futur Bobby Charles. Tombé en admiration devant le style du batteur Charlie “Hungry” Williams, il rejoint, à la batterie et au chant, les Serenaders du saxophoniste Herb Landry, un groupe blanc qui se produit dans un registre R&B dans les clubs de la région, reprenant aussi bien Elvis que Lloyd Price ou Chuck Willis. Un enregistrement live de 1957 sorti l’an passé (“Live 1957” sur Swamp Pop Records) documente le son du groupe. Il monte en parallèle ses propres groupes, les We-Wows, puis les Jive Masters.

Découvert par  J.D. Miller, il est rebaptisé Warren Storm pour son premier single, Prisoner’s song, qui paraît sur Nasco, une sous-marque de Nashboro, et qui connaît un beau succès, entrant même dans le Hot 100 de Billboard. S’il ne retrouve plus par la suite le même niveau de réussite, il enchaîne tout au long des années 1960 pour différents labels locaux comme Dot, Sincere et Zynn, tout en s’imposant comme batteur de studio sur différentes productions de J.D. Miller, en particulier pour Excello, accompagnant entre autres Lonesome Sundown, Lightnin’ Slim ou Lazy Lester (c’est lui sur Sugar coated love, par exemple). Tout en continuant à se produire avec ses Wanderers et à enregistrer sous son nom, il rejoint les Shondells de Rod Bernard et Skip Stewart – à ne pas confondre avec le groupe pop emmené par Tommy James – avec lesquels il enregistre le classique swamp pop “Live At The Saturday Hop”. Il mène ensuite une carrière essentiellement locale dans les années 1970 et 1980, publiant quelques singles sous son nom pour Showtime, Crazy Cajun et Starflite ainsi qu’un premier album, “Heart N’ Soul”. Il se produit régulièrement sous son nom et en tant qu’accompagnateur dans les clubs de Louisiane, tout en assurant quelques séances en studio pour Rod Bernard, Clifton Chenier, Freddy Fender, Rockin’ Sidney et quelques autres.

Sa musique connaît un regain d’intérêt quand il rejoint au début des années 2000 le “supergroupe” swamp pop Lil’ Band O’ Gold avec, entre autres, CC Adcock, Steve Riley, David Egan, Tommy McLain et Lil’ Buck Senegal, et il publie plusieurs albums personnels à cette période, parmi lesquels “The Godfather Of Swamp Pop” et “Taking The World, By Storm”. Il est une présente constante sur la scène locale, participant régulièrement au Jazz Fest et au Ponderosa Stomp, où son influence de pionnier est reconnue et célébrée.

Mike Finnigan (1945-2021)
Originaire de l’Ohio, le clavier et chanteur Mike Finnigan commence à se produire professionnellement pendant ses années d’étudiants avec le groupe The Serfs, qui enregistrent quelques singles et un album. Avec deux membres du groupe, il contribue à plusieurs titres de l’album “Electric Ladyland” de Jimi Hendrix. Basé en Californie à partie des années 1970, il devient rapidement un musicien de studio très demandé, participant à des enregistrements de Big Brother And The Holding Company, Maria Muldaur, Dave Mason, Rod Stewart, Crosby, Stills & Nash, Etta James, Buddy Guy, Coco Montoya, Keb Mo, Bonnie Raitt et bien d’autres. Il enregistre plusieurs albums personnels et rejoint différents groupes dont le Phantom Blues Band (associé en particulier à Taj Mahal). Il était le père de Kelly Finnigan, le leader des Monophonics, et était apparu sur son album solo “The Tales People Tell”.

Sam Salter (1975-2021)
Originaire de Los Angeles, Sam Salter se fait vite remarquer sur la scène musicale de sa ville, et signe rapidement avec LaFace Records pour un premier album, “It’s On Tonight”, qui sort en 1997, produit par Tricky Stewart. Si son After 12, before 6 connaît un réel succès dans les charts, il marque paradoxalement quasiment la fin de sa carrière d’interprète : malgré la sortie d’un single bien accueilli, Once my sh…, l’album suivant, “Little Black Book”, voit sa sortie annulée, et certaines de ses chansons sont enregistrées par d’autres artistes, comme les Boyz II Men qui récupèrent le Color of love composé par Babyface. S’il continue ensuite à enregistrer ponctuellement sous son nom – un autre album, “Strictly 4 The Bedroom”, voit aussi sa sortie annulée en 2008… –, c’est surtout en coulisses qu’il s’affaire ensuite, après avoir quitté LaFace : comme auteur et/ou producteur, il collabore entre autres avec les Isley Brothers, Deborah Cox, El Debarge, Charlie Wilson et Booker T. 

Lee “Scratch” Perry (1936-2021)
Figure majeure de l’histoire des musiques jamaïcaines, Lee “Scratch” Perry a vu ses innovations en matière de production dépasser très largement le cadre du reggae et influencer largement les musiques afro-américaines. 

Lee Williams (1946-2021)
Élevé à Tupelo, dans le Mississippi, Lee Williams chante le gospel depuis son enfance, sous les encouragements de son oncle, Mitchell Thornton, qui fait partie d’un groupe baptisé les Gospel Stars. Rapidement, Williams et ses frères montent leur propre ensemble, qui deviennent les Gospel Stars Jr. À la fin des années 1950, Thornton fonde un nouveau groupe, les Spiritual QCs (le QCs signifie “Qualified Christian singers”), dont le guitariste est le frère de Williams, Willie, qui enregistrent un single en 1958 pour un label local. Quand le groupe se sépare en 1964, Lee et Willie Williams en remontent une nouvelle version, qui fait ses débuts discographiques au début des années 1970 avec une poignée de singles pour Designer et publie un premier album en 1980, “Let’s Go Down”, sur Slaughterhouse Records. La popularité du groupe reste cependant essentiellement locale à l’époque, et Lee Williams travaille en parallèle en temps que chauffeur de poids lourds.

La situation du groupe change avec la sortie, en 1996, de l’album “Jesus Is Alive And Well” sur le label de Memphis E & J Records, qui bénéficie d’une importante diffusion en radio. Deux ans plus tard, c’est sur le label plus important MCG Records que paraît “Love Will Go All the Way”, crédité à Lee Williams & the Spiritual QC’s, et dont un extrait, I’ve learned to learn, connaît un grand succès. Dans les années 2000, pourtant marquées par la grande popularité des chorales et des solistes, le quartet s’impose comme une des figures majeures de la scène gospel et enchaîne les albums et les récompenses, parvenant même à se glisser dans le classement généraliste des albums en 2009 avec “Fall On Me”. Il tourne également de façon intensive, assurant jusqu’à deux cents concerts par an. Williams prête ponctuellement sa voix à d’autres, apparaissant en particulier sur des disques des Canton Spirituals et Melvin Williams. Le groupe avait publié son dernier album, “Memphis Gospel Live”, en 2015, et Williams avait pris sa retraite en 2018. 

Carl Bean (1944-2021)
Chanteur gospel, star disco, pionnier de l’affirmation LGBTQ, activiste des droits civiques, combattant des premières heures contre le sida, archevêque de sa propre église : Carl Bean n’a sans doute pas eu le temps de s’ennuyer au cours de sa vie ! Né à Baltimore, il chante dès l’enfance à l’église. Son homosexualité, affirmée dès son adolescence, est mal acceptée par sa famille, et il part dès ses 16 ans pour New York pour se lancer dans une carrière de chanteur qui le voit se produire dans différents spectacles musicaux. Installé à Los Angeles au début des années 1970, il y monte son propre groupe gospel, Carl Bean And Universal Love, qui publie en 1974 un album sur Peacock, “All We Need Is Love”. Mais c’est en solo qu’il décroche un tube en 1977 avec sa reprise de l’hymne I was born this way créé deux ans plus tôt par Valentino. Produite par les piliers du Philly Sound Norman Harris et T.G. Conway, enregistrée par Tom Moulton, sa version est publiée par Motown et devient un classique immédiat dans les clubs disco, qui atteint même la 15e place des National Disco Charts de Billboard.

Si Bean poursuit ensuite sa carrière musicale, avec notamment quelques singles au début des années 1980 pour Airwave, il se consacre principalement à sa carrière de pasteur, fondant sa propre église à Los Angeles, la Unity Fellowship of Christ Church, accueillant en particulier la communauté gay et lesbienne de la ville. Dans les années 1980, il est l’un des premiers à prendre conscience de l’impact du sida au sein de la communauté afro-américaine et monte une organisation dédiée pionnière, le Minority AIDS Project, qui joue un rôle important dans la lutte contre l’épidémie. Devenu archevêque de sa propre église, il publie en 2010 un livre de mémoire, I Was Born This Way: A Gay Preacher’s Journey Through Gospel Music, Disco Stardom and a Ministry in Christ, tandis que la chanson qui l’a rendu célèbre continue son parcours à coup de remixes et de reprises, influençant jusqu’à Lady Gaga qui en reprend le titre pour un de ses tubes.

Erma Clanton (1923-2021)
Figure historique du système éducatif de Memphis, amie proche d’Isaac Hayes, Erma Clanton était également l’autrice d’un certain nombre de spectacles musicaux particulièrement populaires dans la ville, parmi lesquels An Evening of Soul. Syl Johnson (Diamond in the rough), Albert King et Otis Clay, entre autres, ont chanté ses textes.

Kenny Malone (1938-2021)
Originaire de Denver, Kenny Malone se passionne pour la batterie dès l’enfance. Après un long séjour dans la Navy, où il se produit avec différents orchestres militaires, il s’installe en 1970 à Nashville avec l’ambition de devenir musicien de studio. Il s’impose vite dans le milieu des pointures locales, assurant des dizaines de séances pour l’aristocratie des artistes country jusqu’aux années 2000 et jouant sur de nombreux classiques dont Jolene de Donny Parton et Don’t it make my brown eyes blue de Crystal Gayle. Il accompagne également sur disque  Screamin’ Jay Hawkins, Tony Joe White (l’album “Home Made Ice Cream”), Dobie Gray (le tube Drift away), J.J. Cale, Ray Charles, Arthur Alexander, Townes van Zandt, Bobby Charles…

Fred Beckmeier (19??-2021)
Membre du Blues Band de Paul Butterfield à la fin des années 1960, le bassiste Fred Beckmeier accompagne ensuite les Soul Survivors, Etta James (par exemple à Montreux en 1978, où il joue également avec James Booker), Greg Allman, Bonnie Bramlett… Il participe à l’aventure du groupe jazz funk Full Moon du guitariste Buzzy Feiten (y compris lorsque celui-ci se reforme dans les années 2000) et forme avec son frère les Beckmeier Brothers, qui publient un album dans un registre rock sudiste à la fin des années 1970.

Dennis “D.T.” Thomas (1951-2021)
Originaire de Jersey City, dans le New Jersey, Dennis Thomas n’a que 13 ans quand il forme en 1964 avec quelques camarades (dont les frères Ronald et Robert Bell) un groupe baptisé les Jazziacs. Au fil des années, le groupe, qui change régulièrement de nom – The Soul Town Band, The New Dimensions… – se fait une certaine réputation locale. En 1969, l’ensemble décroche un contrat discographique et se choisit un nouveau nom, qui est aussi le titre de leur album : Kool & the Gang. Au fil des années et des évolutions musicales, Thomas reste fidèle au groupe : il apparaît, au saxophone, à la flûte et occasionnellement aux chœurs, sur l’ensemble des albums, y compris le nouveau, “Perfect Union”, et se produisait encore avec la version actuelle du groupe – dont il était l’un des trois membres fondateurs encore actif avec Robert “Kool” Bell et le batteur George Brown depuis le décès en septembre dernier de Ronald Bell – le 4 juillet dernier au Hollywood Bowl. Outre son rôle de musicien, il avait co-signé quelques titres du répertoire du groupe, dont Rhyme tyme people

Chucky Thompson (1968-2021)
Aussi à l’aise dans le hip-hop que dans le R&B, le producteur Carl E. “Chucky” Thompson, collaborateur régulier de Puff Daddy, a notamment contribué, à partir du milieu des années 1990, à des disques de Usher, Mary J. Blige, Faith Evans, Brian McKnight, Ledisi, Chuck Brown, New Edition et Leela James.

Textes : Frédéric Adrian

Bennie PeteCarl BeanFrédéric AdrianLee WilliamsMike FinniganSam SalterWarren Storm