Brèves / 05.05.2016

Ils nous ont quittés en février

De nombreux artistes ont disparu ces dernières semaines, et du fait d’une actualité toujours plus conséquente, nous n’avons pas pu faire état ici de certaines de ces disparitions. Nous avons enfin pu compléter toutes les mises à jour dans ce secteur et nous sommes donc en mesure de relater ces événements ici. Compte tenu de leur grand nombre, nous allons les publier en trois volets. Voici donc pour commencer nos hommages portant sur le mois de février 2016. Pour les mois de mars et d’avril, la mise en ligne sera faite demain vendredi et lundi prochain.
– Bassiste et chanteur, pilier méconnu du Chicago Blues, Aron Burton (notre photo) est parti le 29 février à l’âge de soixante-dix-neuf ans des suites d’une crise cardiaque. Né le 15 juin 1938 à Senatobia au Mississippi, il débute au chant à l’église, apprend la basse puis arrive à Chicago en 1955. Dès l’année suivante, il est engagé par une jeune guitariste de vingt-deux ans, Freddie King. Après son service militaire, Burton devient un accompagnateur recherché comme en compte beaucoup la Windy City, et il travaille dans les années 1960 et 1970 avec Junior Wells, Fenton Robinson, Wild Child Butler, Carey Bell, Albert Collins, James Cotton, John Littlejohn, Valerie Wellington, une liste qui en dit long sur sa qualité d’instrumentiste… Il vit un temps en Europe où il enregistre un disque avec Champion Jack Dupree, puis revient à Chicago et signe quatre albums entre 1993 et 2001, dont deux pour Earwig et un pour Delmark. Mais cet éternel et exemplaire sideman va encore faire le bonheur d’autres artistes jusque dans les années 2000, dont Big Jack Johnson, Eddy Clearwater, Honeyboy Edwards, Willie Mabon et bien d’autres…

– On se souviendra de lui pour sa performance dans le film d’Alan Parker The Commitments (1991), dans lequel il endossait le rôle d’un trompettiste dans un groupe de soul, Joey « The Lips Fagan : Johnny Murphy est décédé le 23 février pour cause d’insuffisance respiratoire peu après avoir été hospitalisé (il avait souffert d’un cancer en 2011). L’acteur britannique avait soixante-douze ans.

– Le chanteur et guitariste du Mississippi Elmo Williams est mort le 16 février 2016 à quatre-vingt-trois ans. Né Elmore Williams Jr. le 6 février 1933 à Natchez, son père guitariste de blues décède en 1943 sans avoir le temps de lui apprendre à jouer. Encore très jeune, il se forme donc seul en se produisant dans les rues, en particulier sur St. Catherine Street, alors haut lieu du blues à Natchez. Il se souvient avoir connu l’harmoniciste Papa George Lightfoot et semble avoir formé un groupe dès son retour de l’armée, jouant dans des clubs jusqu’en Louisiane. C’est sans doute à cette époque, vers le début des années 1950, qu’il rencontre le batteur, harmoniciste et chanteur Ezekiah Early, qu’il retrouvera de longues années plus tard. Sans cesser de jouer localement, Elmo Williams n’est toutefois pas musicien à plein temps et vit de différents jobs dont employé de scierie, de boulangerie et de laiterie. Au milieu des années 1980, il retrouve donc Early, avec lequel il attire l’attention des organisateurs de festivals et des tourneurs, venant même en Europe. Il sort finalement un premier album en 1998 pour Fat Possum, « Takes One To Know One ». La musique de Williams et Early est souvent speedée, brutale, hypnotique et distordue, en fait assez difficile à définir, disons dans un style que n’auraient sans doute pas renié T-Model Ford et autre CeDell Davis… Ensuite, les deux bluesmen désormais populaires ne vont plus vraiment se quitter, et ils font une apparition remarquée en 2012 dans l’excellent documentaire de Roger Stolle et Jeff Konkel, We Juke Up in Here!.

– Deux mois avant Prince – et au même âge… – qui lancera sa carrière musicale, la chanteuse Vanity est morte à cinquante-sept ans le 16 février 2016 après une insuffisance rénale. Née Denise Katrina Matthews le 4 janvier 1959 à Niagar Falls au Canada, elle débute à, la fin des années 1970 comme mannequin. Prince la remarque en 1980, lui suggère de se faire désormais appeler Vanity et de s’imposer en leader du groupe féminin Vanity 6, au sein lequel elle accèdera à la reconnaissance planétaire avec le sulfureux Nasty girl en 1982. Outre un album avec Vanity 6 en deux en solo dans les années 1980, Vanity mène également une carrière d’actrice au cinéma. Mais elle rencontre aussi des problèmes d’addiction à la drogue, disparaît de la scène publique après s’être convertie au christianisme puis signe en 2010 son autobiographie, Blame It On Vanity: Hollywood, Hell and Heaven.

– Willie B. Holland est parti le 14 février des suites d’un cancer à l’âge de soixante-neuf ans. Il était le dernier survivant parmi les membres fondateurs du groupe vocal de R&B The Persuaders. Deux ans après leur formation en 1969, les Persuaders obtiennent un succès spectaculaire avec la chanson Thin line between love and hate (Atco), propulsée à la première place des charts R&B. Ils eurent d’autres titres bien placés dans ces charts durant les années 1970 (septième place pour Some guys have all the luck en 1973) et enregistrèrent quatre albums entre 1972 et 1977. Holland, qui avait quitté la formation à cette époque, réapparaîtra en 2006 sur un album avec les Persuaders reformés dont il était déjà le seul membre original, « Made To Be Loved ».

– Le 13 février, le pianiste Bobby « Top Hat » Davis est mort des suites d’une crise cardiaque à l’âge de quatre-vingt-deux ans. Né le 14 avril 1932 à Dallas, il apprend la guitare, la batterie et les claviers, privilégiant finalement ces deux derniers instruments. Arrivé à Chicago vers 1957, il devient un pilier de Maxwell Street où il se produira jusqu’au début des années 2000, soit la période à laquelle la célèbre marché cessera d’être un haut lieu du blues. Il s’est ponctuellement produit avec Muddy Waters et surtout Otis Rush, Eddie Boyd et Matt « Guitar » Murphy. Principalement au tournant des années 1950 et 1960, il a gravé une poignée de singles pour de petits labels dont C. A. M., Trans Universal, Bandera et M-Pac!, aujourd’hui à peu près introuvables. En 1980, il officie aussi derrière Ray Charles dans le film The Blues Brothers, et de 1991 à 2015, il anime une émission sur la chaîne câblée CAN TV, le Bobby Davis Blues Show. Bobby Davis était le père d’Eric « Guitar » Davis, retrouvé assassiné dans sa voiture fin 2013.
Daniel Léon