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Brèves / 03.08.2014

Idris Muhammad, 1939-2014

Le batteur Idris Muhammad (né Leo Morris) s’est éteint le 29 juillet 2014, à l’âge de 74 ans. Ces dernières années, il était surtout célébré pour l’époustouflante complicité musicale qu’il avait tissée, en deux décennies, avec le grand pianiste de jazz Ahmad Jamal, mais c’est dans le domaine du rhythm and blues qu’il avait fait ses classes. Leo Morris était né le 13 novembre 1939 à La Nouvelle-Orléans dans une famille de musiciens. Il avait passé ses années d’adolescence en compagnie des frères Neville, intégrant le groupe des Hawketts. Après avoir également joué et enregistré avec Fats Domino, Larry Williams et Joe Jones, il est engagé en 1960 par Sam Cooke, avec qui il part en tournée. En 1964, après avoir été le directeur musical de Jerry Butler, Morris décide de changer d’orientation et de se faire une place dans le monde du jazz (il est passionné par la musique de John Coltrane). Il part donc s’installer à New York, où il commence par déchanter en se retrouvant en butte à l’hostilité de nombreux jazzmen regardant de haut ce musicien venu du R&B. Mais bientôt le rejet à son égard se mue en curiosité, puis en sollicitations de conseils !


En 1996. © : Stéphane Colin

Il est alors engagé par le (déjà) célèbre saxophoniste alto Lou Donaldson. Celui-ci bénéficiera grandement de l’irrésistible jeu funky de Leo Morris (désormais converti à la religion musulmane et qui a pris le nom d’Idris Muhammad), qui n’est pas pour rien dans les succès qu’il engrange avec des albums comme « Alligator Boogaloo »,  « Mr. Shing-A-Ling » ou « Say It Loud! » Muhammad restera trois ans dans l’orchestre de Donaldson, qu’il ne retrouvera plus ensuite que pour des séances d’enregistrement (nombreuses). Car le batteur de la Crescent City croule désormais sous les exhortations de jazzmen à venir épicer leurs prestations et leurs disques. Si Muhammad répond naturellement à celles émanant de musiciens relevant du courant « Soul Jazz » dont il est proche (Grant Green, Nat Adderley, Rusty Bryant, Charles Kynard, George Benson, Shirley Scott, Stanley Turrentine, Leon Spencer, Charles Earland, Melvin Sparks, Larry Goldings…), il a aussi collaboré avec de grandes figures historiques du jazz, comme Gene Ammons, Sonny Rollins, Horace Silver, J. J. Johnson ou Sonny Stitt, aussi bien qu’avec des musiciens d’avant-garde tels que Pharoah Sanders, Andrew Hill ou Sam Rivers. Ses propres disques, émaillés de reprises des Meters, de James Brown, Wilson Pickett ou Charles Wright, témoignent qu’Idris Muhammad  n’avait jamais renié ses racines R&B.
Joël Dufour