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Hommages / 13.02.2022

Howard Grimes (1941-2022)

C’est une des pulsations essentielles de la soul de Memphis qui disparaît avec le batteur Howard Grimes, un des architectes du Memphis Sound et de son succès tout au long des années 1960 et 1970.

Né à Memphis, il s’imprègne pendant sa jeunesse et son adolescence aussi bien du jazz qu’écoute sa mère, de la country qu’affectionne son grand-père et du rock ’n’ roll et du blues qu’il entend sur les ondes des radios locales, et particulièrement dans les émissions du DJ Dewey Phillips. Talent précoce – la légende veut qu’il ait accompagné Rufus Thomas sur scène dès l’âge de douze ans, il n’a pas encore l’âge de rentrer légalement dans les clubs lorsqu’il commence à s’y produire, au sein notamment des orchestres de Ben Branch (où il croise notamment la route d’Isaac Hayes) et de Gene “Bowlegs” Miller. C’est Rufus Thomas qui lui fait faire ses débuts discographiques quand il l’embauche pour l’accompagner sur Cause I love you, un duo avec sa fille Carla qui marque ses débuts sur Satellite, qui se rebaptise rapidement Stax. 

Grimes devient vite un habitué des nouveaux studios de McLemore Avenue. Il enregistre aux côtés de Chips Moman au sein des Triumphs, intègre ponctuellement les Mar-Keys et participe à quelques séances – c’est lui qui est aux baguettes sur You don’t miss your water de William Bell et sur le Ghee wizz de Carla Thomas –, tout en continuant à se produire dans les clubs et les salles de la ville, accompagnant occasionnellement les vedettes de passage comme Marvin Gaye ou les Temptations. Il tourne également avec un groupe de rock garage local, Flash and the Board of Directors. 

Sa carrière accélère à partir de 1968 quand il est choisi par Willie Mitchell – qui le surnomme The Bulldog – pour remplacer Al Jackson Jr., qui a décidé de donner la priorité à son rôle dans Booker T & the MG’s, au sein de l’orchestre maison des studios Royal. Si Jackson continue ponctuellement à participer à certaines séances, c’est bien Grimes qui est le batteur de base au sein de l’ensemble qui accompagne les productions de Mitchell pour le label Hi, et il contribue tout au long de la décennie aux tubes et aux classiques d’Al Green, Ann Peebles, Otis Clay, O.V. Wright, Syl Johnson

© Jacob Blickenstaff

Si les relations avec Green ne sont pas toujours simples, Grimes et ses collègues de la Hi Rhythm Section (les trois frères Hodges et le pianiste Archie Turner, la plupart du temps), contribuent à mettre en forme le son issu de l’esprit de Willie Mitchell, qui devient un élément fondamental de la bande-son des années 1970. Le groupe accompagne occasionnellement des artistes Hi sur la route et grave même son propre album, “On The Loose”. Grimes participe aussi à quelques séances en dehors de chez Hi, en particulier pour Denise LaSalle (sous la production de Mitchell), Bill Coday, Lou Pride et les Soul Children

La fin de l’aventure Hi, à la fin des années 1970, est difficile, et Grimes sombre dans des problèmes personnels sérieux, qu’il évoque dans son autobiographie, Timekeeper: My Life in Rhythm. Il fait sa réapparition au début des années 1990, participant à différentes séances, au cours desquelles il retrouve souvent certains de ses anciens collègues, en particulier pour Ann Peebles, Otis Clay, Willie Cobbs, James Carr et même R.L. Burnside, et se réunissant ponctuellement sur scène avec ses complices de la Hi Rhythm Section.

Au début des années 2010, il participe aux sessions all-stars de l’album “blues” de Cindy Lauper et rejoint les Bo-Keys du producteur Scott Bomar, avec qui il apparaît sur les albums “Got To Get Back!” et “Heartaches By The Number” ainsi que sur des disques de Don Bryant, John Németh et Tad Robinson. Il est également de la partie lors de la visite du groupe au festival de Porretta en 2012. La sortie de son autobiographie en 2021 avait permis de mettre en avant une dernière fois sa contribution à l’histoire de la soul de Memphis, et un projet de disque solo, produit par Bomar, était même envisagé… 

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR

howardgrimesdrummer.com

Avec les Bo-Keys © Jacob Blickenstaff