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Live reports / 29.06.2022

Hommage à Otis Clay, un moment de bonheur dans le Westside de Chicago

Chicago, 16 juin 2022.

Trois jours auparavant, vers 18 h 15, les sirènes d’alerte à l’orage violent, un de ceux qui bloquent immédiatement l’aéroport de O’Hare, sonorisaient lugubrement un message national de danger, posté sur tous les téléphones. Dans le Loop, les bateaux accostaient, les cafés rentraient leurs plantes en pots. Le métro aérien allait gicler dans un déluge tropical. Dès le lendemain, une 2e canicule plombait la ville. Ne restait-il alors que le shopping sous clim ?

C’était compter sans l’invitation du producteur-historien Dick Shurman nous signalant à 13 h une petite cérémonie officielle et musicale en hommage au chanteur Otis Clay : un segment Ouest de l’avenue Cermak porterait son nom à la hauteur de l’ex-salon de lavage qui lui avait appartenu. Soul Bag se devait d’en être, malgré les 38°C du moment et un long trajet en métro jusqu’à la station Pulaski, le numéro 4245 se gagnant à pied.

Nous étions bien dans le Westside poussiéreux : des familles piqueniquaient sous les arbres, de nombreux temples rappelant les Saintes Écritures remplaçaient les clubs de blues d’autrefois : le Wolftrap avait été transformé en église et l’âme tourmentée d’Otis Rush s’exprimait maintenant par pasteurs interposés. La mini tente parasol de l’élu local constituait la seule zone d’ombre en vue et protégeait quelques personnalités, dont le chanteur Cicero Blake, mal en point et Gene “Duke Of Earl” Chandler, toujours aussi fringant. 

L’ex-orchestre du récipiendaire se collait contre le mur du bâtiment inoccupé tandis qu’un SUV bloquait une improbable circulation latérale. La famille, les amis et invités pouvaient ainsi se regrouper en toute quiétude autour d’une photo-souvenir et d’un pupitre sonorisé. Dans la bonne tradition de débrouillardise façon Maxwell Street, un long câble électrique était branché dans un garage voisin. La cérémonie d’hommage pouvait commencer. Dave Specter, qui avait invité Otis Clay en studio, vanta son professionnalisme ; le conseiller municipal retraça son parcours et une radio locale ses succès internationaux.

Dave Specter

Malgré la fournaise, l’orchestre trompétait, Hollywood Scott (fils de Buddy) tissait de beaux solos de guitare ; les trois choristes vues chez Billy Branch ponctuaient en cadence et des soulsters réinterprétaient ses hits : Theo Huff, Joe Barr et même Willie Rogers, membre des Soul Stirrers.

Au final, la famille, fière et émue, dévoila la plaque sous les applaudissements et posa bon enfant sous la nouvelle appellation, précédent un joyeux lâcher de ballons. Combien de fois Ronda, sa fille, nous remercia de notre présence, comme si ma femme et moi symbolisions le monde entier ! Un moment touchant dans un Westside souvent tendu.

Texte et photos : André Hobus

Theo Huff
Joe Barr
Willie Rogers
À droite : Ronda, fille d’Otis Clay