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Live reports / 18.07.2017

Herbie Hancock

Première visite à la Seine Musicale, nouvelle salle de concert ouverte il y a quelques semaines à l’ouest de Paris, sur l’Île Seguin. De loin, le bâtiment, conçu par les architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines (à l’œuvre notamment pour le Centre Pompidou de Metz), fait forte impression, mais l’intérieur, avec ses grands couloirs un peu vides – qui seront sans doute très pratiques lors des soirées les plus peuplées –, évoque assez basiquement celui d’un Zénith, tandis que la grande salle ressemble étonnamment, avec sa disposition en gradins en face de la scène, à celle du Palais des Congrès.

Pour marquer la première date consacrée aux musiques afro-américaines dans la grande salle, le programmateur du lieu avait réussi un joli coup en attirant, dans le cadre de sa tournée européenne commencée quelques jours plus tôt, Herbie Hancock. Longtemps très actif, Hancock, qui a quand même 77 ans, a fortement réduit ses activités : lui qui publiait tranquillement un ou deux albums – voire plus – par an depuis le début des années 1960 n’a rien sorti de nouveau depuis son “Imagine Project” de 2010, et la tournée européenne engagée quelques jours plus tôt marque ses premiers concerts depuis l’été précédent. Pour l’occasion, la salle – 4 000 places, quand même – est pleine, malgré des tarifs particulièrement élevés.

 

 


Lionel Loueke, Vinnie Colaiuta, Herbie Hancock, James Genus

 

C’est accompagné d’un groupe de luxe, presque inchangé depuis l’année précédente, qu’il se présente sur scène : une rythmique de vétérans (Vinnie Colaiuta à la batterie et James Genus à la basse, quelques centaines d’albums à leurs crédits à tous les deux), une des nouvelles vedettes de la scène jazz, Lionel Loueke, collaborateur régulier depuis plus de dix ans, à la guitare, et une star montante, Terrace Martin (entendu notamment sur l’album “To Pimp A Butterfly” de Kendrick Lamar) aux claviers et au saxophone, Hancock lui-même alternant, parfois au sein du même morceau, entre le synthétiseur et le piano. Après une ouverture un peu confuse – mais le son médiocre n’aide pas – par un medley de différents morceaux récents, Hancock propose un programme court – six morceaux au total, ouverture et rappel compris – mêlant compositions inédites (outre l’ouverture, un morceau baptisé Special sauce), tubes (Cantaloupe island en final et Chameleon en rappel) et plongées dans son catalogue (Actual proof, qui date de 1974, et Come running to me de 1978) dans des versions allongées laissant une large place aux solistes et particulièrement à Terrace Martin, avec qui Hancock semble reconnaître une filiation naturelle. Le groupe dans son ensemble s’avère d’ailleurs tout à fait remarquable, parfaitement à l’écoute de son leader. Le batteur Vinnie Colaiuta, en particulier, assure une rythmique très stimulante.

 


Lionel Loueke

 


James Genus

 


Herbie Hancock, Lionel Loueke

 

 

Mais c’est du leader, hélas, que viennent les problèmes. Visiblement, Herbie Hancock n’a pas tout à fait la tête à ce qu’il fait. Après l’ouverture, il se lance dans un très long speech au cours duquel il évoque Actual proof avant de se reprendre et de demander à ses musiciens s’ils ont déjà joué le morceau ! Au moment du final, c’est l’introduction de Maiden voyage qu’il attaque avant de s’interrompre brutalement pour dire que ce n’est pas ce qu’il doit jouer et de lancer Cantaloupe island. Des problèmes techniques persistants – et pas tout à fait digne d’un tel concert et d’une telle salle – avec les retours de son vocoder, qui l’empêchent de s’entendre, contribuent encore à le déconcentrer, et le résultat est une prestation en pilote automatique, pas vraiment à la hauteur de la réputation de Hancock, et qui se termine par une standing ovation mécanique mais peu chaleureuse, d’un public qui ne semble, finalement, pas très concerné non plus par le concert qui vient de se dérouler devant lui…

Frédéric Adrian
Photos © Fouadoulicious

 

 


James Genus, Terrace Martin