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Live reports / 03.06.2014

Hell’s Kitchen

C'est au Centre culturel suisse que l'équipe de Moi J'connais Records (le label crée par les membres du groupe Mama Rosin) nous avait donné rendez-vous. Une carte blanche lui avait été accordée, et suite à une mini-conférence sur le jeune passé (et le probable long futur) du label, deux récentes recrues étaient programmées : Adieu Gary Cooper et Hell's Kitchen.

Si la musique d'Adieu Gary Cooper (une sorte de folk rock lo-fi aux lointains échos velvetiens) n'a pas sa place dans le Soul Bag, Hell's Kitchen nous a régalé d'un set bien agité. On n'en attendait pas moins d'ailleurs.

La recette du trio suisse est simple : un line-up sommaire mais habilement orchestré par B Monney (chant, guitares), Cédric Taillefert (“batterie”, percussions) et Christophe Ryser (contrebasse, chœurs). Pour ceux qui ne connaissaient pas bien leur univers, ou pire, qui ne les avaient jamais vus sur scène, la douche risquait d'être aussi froide que celle reçue en attendant d'entrer dans la salle. L'homme au milieu de cette drôle de cuisine (C. Taillefert) s'affaire derrière une “percuterie” (ensemble hybride de véritable batterie et d'objets métalliques de récup) qui donne cette résonance “'industrielle” aux rythmiques. Grosse caisse métronomique, cymbales ciselées, cloches de fortune et washboard maison : en plus d'être rythmiquement réussi, c'est un spectacle visuel digne des meilleures scènes des Temps Modernes de Chaplin.

 

 

À sa droite, un autre toqué du rythme, C. Ryser, qui agrippe de temps à autre sa contrebasse d'une étrange façon (pour pouvoir utiliser un médiator, me semble-t-il). Il est un peu la colonne vertébrale du groupe. Il sait jouer avec ses quatre cordes autant qu'avec la caisse de son instrument, et comme si ça ne suffisait pas, le monsieur assure avec brio les chœurs omniprésents dans les compositions de ce sulfureux blues power trio.

Enfin, sur le front gauche de cette improbable équipage de cuistots suisses, se trouve B. Monney dont le jeu de guitare survolté et savamment saturé ferait probablement bondir les adeptes des douze mesures académiques. Lui non plus ne tient pas en place. Bien qu'assis, peut-être pour optimiser son jeu au bottleneck, il semble pris d'une transe viscérale à chaque break ou chorus, balançant ses gambettes en l'air, grimpant sur sa chaise tout en continuant à chanter avec fougue et rugosité dans le premier microphone à portée de bouche.

Si pour cette soirée aux allures de showcase, le groupe n'a joué qu'une petite heure, voici bientôt quinze ans que les Hell's Kitchen s'évertuent à proposer une approche personnelle du blues, s'aventurant régulièrement sur d'autres terrains, agaçant du coup parfois certaines oreilles. Quinze ans et un autre rendez-vous pour la rentrée 2014 : un nouvel album coréalisé et mixé par une fine lame de l'underground new-yorkais, Matt Verta-Ray. À paraître chez Moi J'connais Records, évidemment.

Texte et photos : Jules Do Mar