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Live reports / 10.10.2017

Heavenly Sweetness 10th

Une fête d'anniversaire avec près de 1 500 invités. Pour ses 10 ans, le label parisien d'Heavenly Sweetness, fondé par Franck Descollonges et Antoine Rajon, a fait les choses en grand, délocalisant une partie de son catalogue d'artistes à Toulouse (avant Paris et Londres). Une soirée festive, en partenariat avec Fip, placée sous le signe du groove et des évidences. 

D'abord dans le choix de la salle. Forcément restreint dans la ville rose où les lieux de musique vivante se raréfient, il s'est porté très légitimement sur le Bikini, situé à Ramonville en périphérie de Toulouse. Un modèle d'acoustique, un écrin joyeux qui a vibré pendant trois heures au son des trois têtes d'affiche labélisées ce soir-là.

Entamé à 20 heures, quand la rocade bouchait encore ses artères et que la salle se remplissait entre petite vitesse et grand doucement, le concert a d'abord laissé parler le spoken word d'Anthony Joseph. Un colosse trop rare sur scène que les Toulousains les plus ponctuels auront découvert pour beaucoup, en appréciant l'afrobeat conquérant, les rythmes caribéens enivrants, le tout dans un esprit jazz qui s'autorise toutes les libertés, comme étirer des intro (celle de The kora) jusqu'à épuisement.

Lourds et puissants, les morceaux défendus sont ceux du dernier album, “Caribbean Roots”, celui du retour au source, de la reconquête (de sens) après une parenthèse pas vraiment enchantée sur l'électro-lénifiant de “Time”. Drapeau de Trinidad en guise de cap, ce superman des temps modernes a pu compter sur un groupe appliqué, basse, percussions, batterie, guitare et sax, mais encore loin des exigences du Spasm Band, qui assurait la bande-son de ses trois premiers albums. Mais le casting a beau être différent, le charisme reste intact, le jeu de scène toujours aussi habité, comme envouté. Une véritable renaissance pour cet héritier de Gil Scott Heron et Fela Kuti, qui vogue déjà vers de nouveaux horizons, ceux de son île caribéenne, pour l'enregistrement d'un prochain album attendu, espéré, dans un an.

 


Sly Johnson © Ghislain Chantepie / Radio France

 

Entracte. Un plateau radio plus tard, emmené par l'animatrice de Fip Stéphanie Daniel que les fidèles de la série à émotions fortes Plus Belle La Vie auront reconnu (elle jouait la mère d'Abdel. C'est bon, vous êtes à jour…), et voilà qu'arrive le prochain invité. Sly Johnson. Silence dans la salle face à ce garnement et son sweat-capuche, équipé d'une seule machine lui permettant de contrôler musique et voix. Sa voix, résolument soul, qu'il multiplie, double et dédouble, avec une im-pre-ssio-nnante maîtrise.

Nasty girl, Everybody's dancin… C'est en puisant dans le répertoire de son excellent dernier album “The Mic Buddah” (le prochain arrive à l'été 2018), que le natif de Montrouge a conquis une salle enfin remplie jusqu'à sa mezzanine. Épisode élégant de beat box, impro dédiée à l'une des spectatrices du premier rang (elle s'appelait Dounia) ou reprise magnifiée du Simply beautiful d'Al Green : l'éventail que revendique l'ancien membre du Saïan Supa Crew est aussi large que son talent est évident. Tellement évident que le public toulousain n'a pas voulu s'en séparer, perturbant quelque peu le conducteur d'une émission de radio jusqu'ici parfaitement réglée…

Bouillonnante et capricieuse, la salle est devenue tout bonnement irrespirable avec le set de Guts, ancienne légende d'Alliance Ethnik, restée simple dans l'attitude et funky dans le propos. À ses côtés, de solides solistes, tous sponsorisés par Adidas. T-shirts rouges aux trois bandes sur les épaules et micro en mains, le flow ciselé de Beat Assailant, la voix cajoleuse de Mary May et le grain d'or de Wolfgang ont chanté en grand les pistes du dernier EP sorti en juin, “Stop The Violence”. Seule limite à l'exercice : le backing band visiblement assez perturbé par les quelques problèmes de son rencontrés tout au long de la performance. Les impératifs radio étant ce qu'ils sont, il a fallu rendre l'antenne, et la scène, à 23 heures. Pas de bougie soufflée, pas de gâteau dévoré, mais un vœu formulé : celui d'être là, à nouveau, pour fêter les 20 ans.

Mathieu Bellisario

 


Guts © 
Guillaume Schnee / Radio France