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Hommages / 25.04.2023

Harry Belafonte (1927-2023)

Si la musique a souvent occupé le second plan par rapport à ses engagements sociaux et politiques, Harry Belafonte a été, tout au long d’une carrière débutée dès la fin des années 1940, une figure marquante de la communauté afro-américaine.  

Né à Harlem de parents d’origine jamaïcaine, il grandit sur l’île avant de revenir s’installer à New York, où il tente de se lancer dans une carrière d’acteur avec son ami Sidney Poitier. Mais c’est en tant que chanteur, une activité dans laquelle il s’était initialement lancé pour financer ses cours de théâtre, qu’il se fait remarquer. Après des débuts dans un registre pop, il se tourne vers le folk, puis les musiques caribéennes, et notamment le calypso dont il est, avec ses tubes Matilda, Day-O (The banana boat song) et Mama look at bubu, un des premiers passeurs. Partisan d’une culture ouverte à l’autre, il inclut dans son répertoire des titres très variés, dans lesquels les musiques caribéennes au sens large cohabitent avec les compositions afro-américaines – blues, gospel, folk – et les standards du “great american songbook”. 

Parus en 1959, les deux volumes de “Belafonte At Carnegie Hall” le voient ainsi interpréter aussi bien John Henry et When the saints que Danny boy, Cu cu ru cu cu Paloma et Hava Naguila ! L’année précédente, il a publié “Belafonte Sings The Blues”, dont le répertoire est largement emprunté à Ray Charles, que le disque contribue à présenter à un large public. Amateur de rencontres musicales, il aide à faire connaître au public Odetta et Myriam Makeba (mais aussi Nana Mouskouri !), et c’est avec lui que Bob Dylan fait certains de ses premiers enregistrements. Il apparaît également régulièrement au cinéma, en particulier dans Carmen Jones d’Otto Preminger. 

Activiste de la lutte pour les droits civiques, il est proche de Martin Luther King et participe à de nombreux évènements de soutien à son combat. Il refuse de se produire dans le Sud des États-Unis de 1954 à 1961, finance le Student Nonviolent Coordinating Committee, paye la caution pour libérer King des geôles de Birmingham et contribue à l’organisation de la Marche sur Washington de 1963. 

© DR

Si la “british invasion” menée par les Beatles et leurs compatriotes met un terme à sa carrière commerciale, il continue à enregistrer régulièrement jusqu’à la fin des années 1970 et plus ponctuellement pendant les deux décennies suivantes. Dans les années 1990, il relance sa carrière d’acteur, apparaissant notamment dans le Kansas City de Robert Altman (1996) et dans le BlacKkKlansman de Spike Lee (2018). En 1984, il produit le film Beat Street, témoignage majeur de la culture hip-hop new-yorkaise de l’époque. Il joue également un rôle majeur dans deux des grandes aventures humanitaires de l’époque, la chanson We are the world et le concert Live Aid. Au cours de l’enregistrement de We are the world, l’ensemble des participants se lancent dans une version de Day-O (The banana boat song) menée par Al Jarreau et Stevie Wonder

Cohérent avec ses engagements historiques, il s’implique dans la lutte contre l’apartheid, contre le sida en Afrique et pour la réforme des prisons et s’en prend vivement à la politique de George W. Bush et notamment à la guerre en Irak, puis, dès son élection, à Donald Trump. Porche des démocrates dès les années Kennedy, il soutient Obama tout au long de son mandat, puis Bernie Sanders. Sa conscience militante ne diminue pas avec les années et il fait du bruit en 2012 quand il reproche au “power couple” Jay-Z et Beyoncé d’avoir « tourné leur dos aux responsabilités sociales ». Si sa musique a aujourd’hui beaucoup vieilli, quelques-uns de ses titres, comme Day-O (The banana boat song) mais aussi sa version de Try to remember, restent dans la mémoire collective. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR

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