Charley Crockett & The Blue Drifters, Café de la Danse, Paris
21.09.2023
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La salle de la Grande Ourse de Saint-Agathon accueille régulièrement des concerts de blues et il y a un beau public pour la venue de Guy King, accompagné de Cédric Le Goff aux claviers, Antoine Escalier à la basse et Fabrice Bessouat à la batterie. La configuration des lieux, avec des rangées de sièges à quelques mètres de la scène, crée une distanciation avec celle-ci, que Guy et son band, démarrant pile à l’heure, sentent rapidement, Guy nous le dira, et prendra soin de répartir ses solos en venant au bord de la scène, de chaque côté de la salle. C’est un des aspects frappants de sa personnalité : l’homme a le souci de communiquer et sa gentillesse transparaît vite. On en viendrait presque à souhaiter qu’il la laisse de côté de temps à autre pour prendre encore plus possession de nos tripes. Se lâche-t-il vraiment ? C’est la question qu’on peut se poser. De nombreux indices font penser qu’il le fait mais à sa façon : ces riffs qu’il assène sur ses cordes dans une ponctuation à la B.B. King à laquelle il apporte une puissance tranchante ; ces passages de solos où il se plie autour de sa guitare ; ces coups de gorge dans son chant ; ces crispations sur son visage ; ce scat dont il agrémente plusieurs solos ; ce superbe solo en forte tension et faible détente qu’il envoie sur un Sweet sixteen à tomber par terre ; cette agressivité dans le lancement de Born under a bad sign.
Cédric Le Goff
Cédric Le Goff
Fabrice Bessouat
Tout ça s’oppose joliment à la douceur des introductions en guitare seule et jazzy, au velouté de sa guitare, dont il faut noter qu’il joue sans pédale d’aucune sorte, ajustant seulement ses boutons de guitare ou d’ampli dans des proportions quasi imperceptibles à l’œil nu. Antoine Escalier confirmera après le concert que ce souci extrême de la perfection rend les balances d’avant-concert déjà très exigeantes. B.B. et Albert semblent donc faire partie de ses influences majeures, mais il reprend aussi par deux fois Johnny Guitar Watson, un Gangster of love un peu escamoté et un I want to tata you bien plus satisfaisant où son toucher au seul pouce, désormais fameux, fait merveille. Au chant il a de la réserve, en puissance, en modulation, et il use avec réussite de la distance au micro. Autour de lui, le trio Cédric-Antoine-Fabrice est simple, efficace, riche, au rythme et aux chœurs, le beau solo d’orgue pris par Cédric en fin de concert fait regretter qu’il n’ait pas été sollicité plus souvent, et Antoine puis Fabrice y vont eux aussi de leur solo sur le rappel Never make your move too soon. Le concert s’est ouvert avec B.B. King avec Bad case of love, il se clôt avec lui. La boucle est bouclée.
Texte et photos : Christophe Mourot