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Live reports / 03.04.2014

Guitares au Beffroi

Avec cette deuxième édition de Guitares au Beffroi, le festival montrougien semble avoir trouvé la bonne formule avec trois concerts dédiés au jazz, à la world et au blues. C'est évidemment ce dernier qui a retenu notre attention.

 

Après avoir vu Guy Davis et Leyla McCalla associés à Eric Bibb lors du concert inaugural de Blues autour du zinc à Beauvais (voir live report du 14 mars), je m'attendais à une redite avec ce plateau où Harrison Kennedy prenait le relais de Bibb. Erreur ! Même avec un show plus resserré en raison de contraintes horaires, les interactions entre les trois protagonistes étaient ici mieux exploitées. Leyla McCalla ouvrait avec un texte de Langston Hughes souligné par son violoncelle joué pizzicato. Elle passait ensuite au banjo pour un Manman wen en créole, puis invitait Guy Davis et son harmonica pour un blues, et de conclure en adaptant brillamment au violoncelle (joué legato cette fois) une pièce pour accordéon, le très dansant Blue runner de Bébé Carrière. Le blues n'est qu'une composante de son répertoire, mais Leyla McCalla offre une parenthèse tout en fraicheur qui lui permet de capter attention et bienveillance.

Leyla McCalla
 

Elle cède la place à Guy Davis qui connaît quelques soucis de branchement lorsqu'il veut passer d'une 12-cordes à une 6, il s'adapte avec le sourire en réglant les micros. Avec l'harmonica en sautoir, son Going down slow rappelle curieusement Jimmy Reed, il appelle Harrison Kennedy pour le soutenir à l'harmonica, et c'est en trio, avec Leyla au violoncelle, qu'il délivre un Shake shake bien enlevé. Il conclut seul l'harmo  avec Did you see my baby, très efficace hommage à Sonny Terry.

Guy Davis
 

Devenu le patron, Harrison Kennedy fera aussi preuve de diversité passant de la mandoline au banjo, avec ou sans harmo, seul ou soutenu par les deux autres. Ce qui le distingue, c'est la qualité de ses textes et sa façon très personnelle de les habiter. C'est un chanteur aux multiples facettes et au large registre. Sa relecture façon folk-blues de Chairman of the board (créé avec le groupe éponyme), en trio, était un grand moment, tout comme le Chain gang holler, chargé d'émotion, chanté a cappella.

Harrison Kennedy
 

Le temps d'un entracte passé à flâner entre les stands des nombreux luthiers dans un hall rehaussé de fresques de Moebius, et la scène a été réaménagée pour Ruthie Foster et son groupe (basse et batterie). Dans sa récente interview à Frédéric Adrian (cf. Soul Bag 213), elle déclarait : "Le gospel est ma fondation (…). Si je joue du folk ou de la soul, le gospel est toujours présent." Elle va le démontrer au cours des 90 minutes d'un show intense. Ce gospel imprègne et transcende les reprises soul (You keep me hangin' on des Supremes), country (Ring of fire de Johnny Cash), folk (If I had a hammer de Pete Seeger), rock (This time de Los Lobos) ou reggae (No woman no cry de Bob Marley). Quand il ne s'agit pas d'un pur gospel (Woke up this morning) a cappella ou du fantastique final sur Travelin' shoes. Ruthie fait preuve d'une vitalité et d'une joie communicative. Sa voix porte loin et juste. Sa guitare est un instrument d'accompagnement dont elle use efficacement et sans ostentation. Ses deux partenaires sont particulièrement impliqués, à commencer par Samantha Banks, sa fidèle batteuse, tout en force tranquille et joyeuse, et Larry Fulcher, bassiste tout terrain (ex-Phantom Blues Band de Taj Mahal notamment), particulièrement mélodieux en solo.

Ruthie Foster avec Larry Fulcher (basse)

Samantha Banks
 

Une belle conclusion à un festival qui mérite une meilleure exposition. Son président, Jean-Michel Proust, a déjà promis une nouvelle soirée blues pour l'an prochain autour du banjo et de la guitare avec Don Vappie et Otis Taylor.

 

Texte Jacques Périn – Photos Miss Béa