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Hommages / 22.04.2022

Guitar Shorty (1934-2022)

Si sa réputation de showman flamboyant a parfois pris le pas sur sa musique, sa carrière, engagée dès le début des années 1950, a pourtant traversé pendant plus de six décennies l’histoire du blues, des studios de Chicago avec Willie Dixon au boom des années 1990. 

Né à Houston au Texas le 8 septembre 1934, David William Kearney grandit en Floride. Jeune prodige de la guitare, il ne tarde pas à s’imposer sur les scènes de Tampa et particulièrement du Club Royal où il se produit avec l’orchestre maison emmené par le clavier Walter Johnson et gagne le sobriquet de Guitar Shorty. Sa réputation se diffuse rapidement, et il fait dès 1957 ses débuts discographiques sous la houlette de Willie Dixon, avec un single, Irma Lee, qui sort sur Cobra. 

C’est cependant sur la route qu’il se fait le plus remarquer, avec son jeu de scène spectaculaire inspiré en particulier par Guitar Slim, qu’il a eu l’occasion de croiser à La Nouvelle-Orléans. S’il regrettera plus tard que ses acrobaties aient parfois fait obstacle à sa musique, celles-ci lui assurent des engagements réguliers et lui permettent de tourner, notamment, aux côtés de Ray Charles et de Sam Cooke. Installé à Los Angeles à la fin des années 1950, il grave quelques singles remarquables pour le label Pull de Charles Reynolds, dont le fantastique Hard life, qui n’a pas grand-chose à envier à ce qu’enregistrent alors Otis Rush ou Magic Sam mais passe inaperçu, et Shorty continue à jouer un peu partout, de la Côte Ouest au Canada. 

Installé un temps au début des années 1960 à Seattle, il y épouse une certaine Marsha qui est la belle-sœur du jeune James Marshall Hendrix, qui fait alors ses débuts de guitariste sur le chitlin’ circuit. Les deux musiciens sympathisent, et Shorty revendiquera toujours d’avoir introduit son collègue à la pédale wah-wah… Dans les années 1970, les opportunités se réduisent, et Shorty travaille comme mécanicien. Il ne renonce cependant pas à la musique, continuant à jouer en club le week-end et faisant même une apparition remarquée dans le concours de talent télévisé The Gong Show pour jouer un morceau en équilibre sur la tête !

Il relance sa carrière discographique dans les années 1980 avec une poignée de singles et un album, son premier, sur le label californien Olive Branch Records – chroniqué par Soul Bag à sa sortie –, mais c’est une tournée britannique en 1991 avec l’orchestre d’Otis Grand qui lui permet d’accéder à un plus large public. Enregistré à cette occasion et publié par JSP, l’album “My Way Or The Highway” est une réussite, qui lui permet de décrocher un Handy Award.

Black Top Records prend le relais deux ans plus tard avec l’album “Topsy Turvy”, qui comprend une nouvelle version de Hard life, et qui est suivi de deux autres disques pour le même label qui, en plein blues boom des années 1990, contribuent à installer la réputation de Shorty au sein du public blues et lui permettent de tourner dans le monde entier. Il apparaît ainsi en 1999 à la regrettée Bagneux Blues Night. Outre ses trois albums Black Top, deux disques, probablement enregistrés à l’occasion de concerts européens, sont publiés dans les années 1990 sur Collectables. 

Los Angeles, 1990 © André Hobus
Avec Sonny Rhodes, Long Beach, Californie, septembre 1999 © Boo Boo Récaborde

Après la fermeture de Black Top, c’est sur Evidence que Guitar Shorty publie son disque suivant, “I Go Wild!”, à l’occasion duquel il est interviewé par Soul Bag pour notre numéro 166. Puis c’est pour Alligator qu’il enregistre trois albums, avec une réussite variable, tout au long des années 2000. S’il est ensuite discret au plan discographique, il continue à se produire régulièrement tout au long des années 2010, essentiellement dans les clubs et festivals américains, mais également en Europe au cours de différentes tournées – la dernière date de 2017 – qui semblent ne pas avoir connu d’étape en France. 

Après quelques apparitions remarquées – il est à la guitare sur le superbe I’ll pretend de “Love, Loss, And Auto-Tune” – sur des albums de son vieux camarade Swamp Dogg, qu’il accompagnait sur disque dès son album “Surfin’ In Harlem” de 1991 et qui signait quatre compositions sur “Roll Over, Baby” en 1998, il publie en 2019 un nouveau disque produit par celui-ci, “Trying To Find My Way Back”, à l’accueil mitigé. 

Malgré des problèmes de santé, Guitar Shorty continuait à se produire régulièrement jusqu’en 2021, et travaillait encore récemment à un nouvel album, annoncé sous le titre “Thanks For The Ride!”. Si les faces de ses débuts sont dispersées sur différentes anthologies, “My Way Or The Highway” a été réédité à différentes reprises par JSP, et Shout! Factory a publié en 2006 une compilation de ses faces Black Top, “The Long And Short Of It (The Best Of Guitar Shorty)”. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © Brigitte Charvolin

Porretta, 2014 © Brigitte Charvolin