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Live reports / 12.11.2021

Gospel Festival de Paris, Grand Rex

1er novembre 2021.

Après une édition 2019 entrée dans la légende, avec la présence de Shirley Caesar pour son premier passage en France, et une pause contrainte en 2020, le Gospel Festival de Paris faisait son retour au Grand Rex, devant une salle comble et plus qu’enthousiaste. Seul grand évènement dédié au gospel contemporain en France, il ne s’agit pas à proprement parler d’un concert, mais d’un rendez-vous religieux dans lequel la musique occupe une place importante. Ce sont d’ailleurs les pasteurs David et Jocelyne Goma, qui dirigent le Centre du Réveil Chrétien International de Saint-Denis, qui sont à l’origine de l’évènement et ils se chargent en duo de la présentation de la soirée.

Comme à chaque édition, c’est la chorale Total Praise, sans doute le seul vrai “mass choir” français, qui se produit chaque dimanche à l’occasion du culte à Saint-Denis, qui constitue la base de la soirée. Composée d’une bonne centaine de voix, elle est dirigée par Isabelle Voitier et accompagnée par un groupe lui-même piloté par Théophane Koffi. La première partie de la soirée est consacrée à la chorale, qui ouvre avec un très beau How great thou art a cappella, avant que plusieurs solistes – dont Isabelle Voitier – ne s’en extraient le temps d’un morceau. Si le niveau est uniformément élevé, c’est le duo constitué par deux chanteuses, Nathalie et Crécilia, qui enflamment le plus le public avec un titre en français. Habitué du festival, le pionnier de la scène gospel française Marcel Boungou enchaîne avec deux morceaux qui confirment qu’il n’a rien perdu de sa puissance vocale et de sa capacité à entraîner ses auditeurs. 

Total Praise

Le temps d’un entracte, et les choses montent encore d’un cran quand la première invitée américaine, Kierra Sheard, rejoint Total Praise. Issue d’une grande famille du gospel – elle est la petite-fille de Mattie Moss Clark et la fille de Karen Clark Sheard des Clark Sisters –, elle s’est imposée sur la scène depuis la fin des années 1990 : cinq de ses six albums originaux se sont classés à la première place des charts gospel (le sixième s’est contenté du troisième rang), elle a joué le rôle de sa mère dans un téléfilm consacré à l’histoire des Clark Sisters et elle enchaîne trophées et nominations depuis le début des années 2000.

Visiblement très motivée par sa première prestation française, c’est une boule d’énergie pure qui débarque sur scène, vêtue d’une assez improbable robe beige à fourrure – un assistant viendra l’aider à se débarrasser d’une partie de l’ensemble – pour une version percutante de son You are. Les talons disparaissent vite afin de permettre à la chanteuse d’arpenter la scène, sa voix stratosphérique de soprano s’accompagnant d’une présence très extravertie. Tout au long de sa demi-heure de prestation, Sheard démontre avec des titres accrocheurs issus de ses différents disques, comme Indescribable ou Desire, mais aussi quelques clins d’œil plus classiques (Peace be still), que sa place au sein de l’élite du gospel d’aujourd’hui n’est pas usurpée. Visiblement très attendu par un public connaisseur, son tube récent Something has to break est le sommet de son set, et les limites entre la chorale et les spectateurs s’efface quand toute la salle reprend en chœur le refrain. 

Kierra Sheard

Donnie McClurkin, qui lui succède, n’a pas besoin d’en rajouter côté jeu de scène. Habitué de l’évènement, où il s’est déjà produit plusieurs fois, doté d’une copieuse discographie dont le publie est visiblement familier, il peut se reposer sur sa voix et sur son charisme pour faire passer son message. C’est avec le Worship medley de son dernier album, “A Different Song”, qu’il commence sa prestation, avant de donner sa version du How great is our god de Chris Tomlin, reprise en chœur par le public, et du Nobody greater de Vashawn Mitchell, puis de revenir à ses propres titres pour All to the glory of God.

McClurkin est pasteur au moins autant que chanteur, et il profite des passages entre chaque morceau pour parler de sa vie et de sa foi. Il ironise sur le fait que, à bientôt 62 ans – la semaine suivante ! –, il est obligé de prendre quelques pauses, mais redevient sérieux pour évoquer le grave souci de santé – un AVC – survenu deux semaines plus tôt qui l’a laissé temporairement aveugle et dont il considère qu’il a été guéri par miracle. Il mentionne aussi le fait d’avoir chanté pour quatre présidents américains et laisse planer le doute quelques instants avant d’ajouter : « Pas Trump ! » Le classique Stand, issu du premier album de McClurkin, est accueilli par des cris de joies du public. McClurkin tend le micro à un spectateur enthousiaste mais celui-ci ne connaît pas bien les paroles, et McClurkin lance alors un appel à volontaires : c’est un autre jeune chanteur qui s’empare alors du micro, et la chanson devient alors un duo entre lui et un McClurkin visiblement ravi, et encore plus quand son invité surprise commence à chanter la chanson en français !

Donnie McClurkin

La salle est évidemment aux anges et, une fois encore, les voix des spectateurs rejoignent celles de la chorale. I will follow you, dans la foulée, est l’occasion d’un call and response franco-anglais avec Total Praise, tandis que Kierra Sheard réapparaît, au balcon, pour un duo très réussi partagé avec Total Praise et la pasteure Jocelyne Goma. Avec plus de trois heures de musique de très haut niveau – à aucun moment Total Praise ou les musiciens n’ont été pris en défaut, même quand McClurkin s’est laissé entraîner par son inspiration –, le Gospel Festival de Paris confirme chaque année la vitalité d’une scène gospel contemporaine française qui vit à l’écart des médias classiques, et même des médias musicaux spécialisés – Soul Bag a été le seul journal cité dans les remerciements de fin de concert ! –, mais mérite l’attention et la curiosité des amateurs de musique afro-américaine vivante. 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot