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Interviews / 29.05.2025

Gene Noble, à l’école des stars

Si Lauryn Hill, Sting, John Legend, Alicia Keys et bien d’autres ont fait appel à son talent cette dernière décennie, Gene Noble a aussi à son actif deux albums solo et récemment un single qui a connu un beau succès. De passage à Paris aux côtés d’Usher, le chanteur et songwriter new-yorkais a pris le temps de nous en dire plus sur son parcours. 

Pour ceux qui ne vous connaissent pas et qui veulent en savoir plus sur vous, pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Gene Noble. Je suis un chanteur et compositeur originaire de New York. Je tourne depuis plus de 10 ans avec Chris Brown, Usher, Sting, CeeLo Green et de nombreux autres artistes, et j’adore vraiment ça. J’adore la musique, c’est mon moyen de communication, j’aime utiliser ma voix comme un instrument, je peins des couleurs avec ma voix, et je pense que je suis plutôt bon à ça [rires].

Quand vous dites que vous peignez des couleurs avec votre voix, est-ce que vous pensez à la synesthésie, lorsque quelqu’un perçoit des sons avec des couleurs et/ou des formes ?

Je ne vois pas vraiment le son comme une couleur, mais je me vois plutôt comme un peintre quand je chante. Surtout quand je fais des harmonies, des sons ou que je formule ma voix d’une certaine façon, j’aime donner l’impression que je suis en train de réaliser une peinture.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? Comment avez-vous débuté dans la musique ?

Je chantais et jouais du piano dans plusieurs bars et clubs, partout en ville. Dès que quelqu’un me laissait jouer au piano, peu importe l’endroit, je saisissais l’opportunité. Idem pour le chant. Et c’est comme ça que j’ai commencé à croiser certains artistes et à construire une sorte de réseau. J’ai par exemple rencontré les choristes de Lauryn Hill, et lorsqu’ils m’ont demandé si je voulais tourner avec elle, j’ai répondu : « Absolument ! » C’était ma première expérience en tournée, vous imaginez ? Avec Lauryn Hill ! Le même groupe de chanteurs travaillait avec John Legend pour son premier album et ils m’ont demandé si ça m’intéressait. Je me souviens que lorsque je suis allé aux sessions et que j’ai écouté ses chansons pour la première fois, je me suis dit que ce gars allait devenir une star. Et c’était inspirant pour moi, car lui aussi venait de l’église et non seulement il jouait du piano comme moi, mais il avait une voix proche d’un baryton. Cette expérience à ses côtés a été comme un déclic et m’a fait prendre conscience que je voulais vraiment faire ça. J’étais jeune, encore en cours au même moment. J’essayais de rester concentré sur mes études, mais lorsque j’ai eu plus d’opportunités de partir en tournée, j’ai bien compris que j’aurais du mal à conjuguer les deux activités. Ma mère a vu que je voulais vraiment travailler dans la musique, et que je commençais à avoir des opportunités. Elle m’a donné sa bénédiction. Et me voilà aujourd’hui, plusieurs années plus tard, toujours dans la musique. Je suis heureux qu’elle ait vu cette passion en moi et qu’elle m’ait encouragé à me lancer.

Comme vous l’avez dit, vous avez tourné avec Sting, Chris Brown, ou encore Jill Scott… Qu’avez-vous appris de ces expériences qui vous sert aujourd’hui dans votre musique ou lorsque vous êtes sur scène ?

Chaque nuit, j’apprends quelque chose de chacun, que ce soit avec Usher, Sting, ou Jill… Ils sont tellement doués et on peut dire qu’ils savent ce qu’ils font. Je regarde aussi beaucoup les réactions du public. J’apprends beaucoup en voyant ce qui fait réagir les gens, ce qui leur procure des émotions, ce qui les fait lever de leur siège… J’ai “étudié” tout ça toutes ces années et ça m’aide pour mes propres concerts. Lorsque je crée des chansons, je pense à leur rendu sur scène et ce que le public va pouvoir ressentir. Je profite souvent d’être en tournée, comme avec Usher en ce moment par exemple, pour faire aussi des concerts solos lorsque l’agenda le permet. C’est pour moi l’occasion de me produire dans des endroits où je ne serais peut-être jamais allé, de découvrir une nouvelle base de fans… Toutes ces expériences me permettent de me perfectionner et de poursuivre mon apprentissage. Parfois, c’est une leçon qui vient d’eux lorsqu’ils viennent me dire : « Hey, tu devrais penser ou faire telle ou telle chose. » Mais majoritairement, c’est surtout les observer qui est le plus intéressant et enrichissant pour moi.

Avec Sting © DR

“J’apprends beaucoup en voyant ce qui fait réagir les gens, ce qui leur procure des émotions, ce qui les fait lever de leur siège…”

Gene Noble
Avec Usher © DR

Vous évoquiez Usher. Qu’est-ce que cela représente pour vous de faire partie de ce “Past, Present, Future Tour” qui revient sur ses plus grands tubes ainsi que ses morceaux les plus récents ?

Je tourne avec lui depuis plus de 10 ans, et c’est vraiment intéressant de revenir avec lui maintenant, avec des concerts encore plus énormes qu’avant. Ça m’inspire beaucoup et je suis très fier de lui, de voir à quel point il est toujours aussi populaire après toutes ces années, voire encore plus, c’est impressionnant ! En plus, ce sont des sons avec lesquels j’ai grandi, que je chantais soit à des concours de talents ou à l’école pour impressionner les filles. C’est vraiment une boucle qui se boucle pour moi de participer à cette tournée.

En plus d’être chanteur, vous avez écrit pour certains des plus grands artistes, tels que Faith Evans, Usher, CeeLo Green, Alicia Keys et bien d’autres… Qu’avez-vous appris de cette expérience d’auteur-compositeur avec eux ?

J’ai appris que tu dois être capable d’écrire un peu pour toi certes, mais aussi pour tout le monde. Certaines choses doivent être spécifiques pour l’artiste pour qui tu écris bien sûr, mais il y a certaines règles à respecter que toutes les chansons doivent avoir. Elles doivent par exemple servir de connexion avec les gens. On doit pouvoir pouvoir s’y identifier, avec des mélodies “vulnérables”, des moments entraînants, des surprises… et après tu adaptes toutes ces choses à l’artiste en question.

Quel serait l’artiste avec qui vous voudriez collaborer, que ce soit pour écrire un morceau ou pour une performance vocale sur un de ses sons ?

Il y en a tellement. J’aimerais travailler avec Jazmine Sullivan, Cleo Sol, Jhené Aiko, Lucky Daye, Victoria Monét… J’ai hâte, avec les années qui passent, d’avoir l’opportunité de collaborer avec encore plus de personnes. Quand je suis sur la route parfois, je pense à ce que j’aurais fait si j’étais chez moi. Je me dis que j’aurais alors peut-être plus d’opportunités pour travailler sur de nouveaux projets. Mais j’adore partir en tournée et découvrir le monde, rencontrer de nouvelles personnes. Aujourd’hui, j’ai des amis à Paris et partout dans le monde. Dans la plupart des villes, je sais que je vais retrouver des personnes avec qui je vais passer du temps, aller manger dans mes restaurants préférés, mes cafés, etc. Le monde est devenu ma maison.

© Natalie Hewitt

“Les chansons me connectent à des gens, des moments, des souvenirs. Donc j’aime l’idée de créer quelque chose qui peut faire ça pour quelqu’un. J’adore cette pensée.”

Gene Noble

Vous avez sorti Matching tattoos le 17 juillet, qui est aussi la Journée mondiale du tatouage… Quelle est l’inspiration de cette chanson, et quelle importance ont les tatouages pour vous ?

[Il montre ses tatouages] Comme vous pouvez le voir, j’ai beaucoup de tatouages. J’ai écrit cette chanson, car une personne qui comptait beaucoup pour moi m’a demandé si je voulais qu’on ait des tatouages assortis en tant que couple. J’hésitais, car tu ne sais pas ce qui va se passer plus tard dans la vie. Ça ne veut pas dire qu’on ne s’aime pas, mais ce serait bizarre plus tard si je me marie avec une autre personne et qu’elle voit mon bras avec un autre nom marqué dessus. On a finalement décidé de ne pas le faire, mais je regardais sur Instagram une photo d’un couple qui venait de se marier et je me suis dit : tu n’es pas heureux d’avoir pris cette décision de ne pas faire ces tatouages assortis ? Et j’ai tout de suite pensé que ce serait une chanson. Je l’ai envoyé à mon manager et il m’a tout de suite dit : « OK, c’est ton nouveau single. » On a décidé malgré la pandémie de le sortir et ça s’est retrouvé d’un coup sans prévenir dans les charts de Billboard. Même moi je n’en revenais pas. Mes amis m’appelaient pour me dire : « Est-ce que tu sais que tu es dans les charts ? Dans le Top 20 R&B. » Je suis un artiste indépendant, donc c’était énorme pour moi et une grosse surprise, et même si j’aime beaucoup ce morceau, je ne pensais pas qu’autant de personnes auraient un lien avec. Certains ont commencé à m’envoyer leurs histoires avec leurs tatouages, notamment ceux qui avaient fait un tatouage assorti et qui l’avaient regretté ensuite. D’autres en revanche étaient visiblement heureux de l’avoir fait… Mais tous semblaient s’identifier et se connecter à ma chanson et comme je le disais, c’est ce que je recherche quand j’écris ou que je chante. La musique a toujours été comme ça pour moi. Lorsque je vais quelque part, je me souviens quelle chanson passait, ce que j’écoutais, quel moment se passait… Les chansons me connectent à des gens, des moments, des souvenirs. Donc j’aime l’idée de créer quelque chose qui peut faire ça pour quelqu’un. J’adore cette pensée.

Y a-t-il une chanson en particulier qui vous fait penser à Paris, une expérience, un sentiment ?

J’ai une chanson dans mon prochain projet, que j’ai écrite en tournée avec Durand Bernarr en 2023 à Paris. Quand vous l’entendrez, vous saurez que c’est cette chanson en particulier. Il y a un moment où je dis que je suis en plein vol, et que cette chanson parle de Paris et de cette belle expérience. Je me suis tellement amusé pendant cette tournée !

Votre premier projet est sorti en 2014 et s’intitule “Rebirth Of Gene”. Neuf ans plus tard, “Feel A Way” est sorti. En parlant de “renaissance”, combien de versions de Gene Noble avez-vous vécues entre ces 2 projets, ou encore jusqu’à aujourd’hui ?

Je pense qu’une des choses les plus intéressantes sur moi est que j’ai l’impression de renaître tous les jours ! Je sens que j’évolue tout le temps. Je suis à la fois comme une éponge et de l’argile. Je suis très malléable et je change. Je m’autorise à découvrir de nouvelles choses, à avoir de nouvelles pensées… Chaque jour, j’essaie d’être plus ouvert, à accepter d’avoir tort. Je veux apprendre à ne pas savoir, à être ouvert à une nouvelle idée ou à une meilleure version de moi-même. J’essaie d’être meilleur petit à petit tous les jours. Je vois la vie de cette manière, et j’espère que, jusqu’à mes derniers jours, chaque jour sera une renaissance pour moi.

Quelle est la suite pour vous en 2025 ?

J’ai de la nouvelle musique qui va bientôt sortir et je vais repartir en tournée, en solo, mais aussi en première partie de Durand Bernarr en Amérique. Je vais faire également des festivals pour la première fois avec mon groupe, j’ai hâte. Et peut-être que je retournerai en Europe cet automne pour ma propre tournée, je croise les doigts. J’aime faire mes propres concerts seul, mais j’adore être avec mon groupe. Ce sont mes amis et je me sens plus libre avec eux, je peux me dépasser. Je vais sortir un peu plus de morceaux, je vais être plus actif sur les réseaux sociaux, et j’espère que plus de personnes vont me découvrir, communiquer avec moi et j’échangerai avec eux en retour. Et je voudrais que les gens me connaissent un peu plus. Je suis très timide, je veux sortir un peu plus de ma coquille et plus m’exprimer, parler plus aux gens pour qu’ils voient un peu plus ma personnalité.

Propos recueillis par Emma Ragot à Paris le 14 avril 2025.
Photo d’ouverture © Natalie Hewitt

© Natalie Hewitt
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