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Brèves / 09.07.2013

Funk viennois

Bien que proclamée Funk, la soirée du lundi 8 laissa aussi place à la soul et au disco. D'autant que la défection de Kool & The Gang obligea la programmation à se tourner vers une mouture des Supremes, baptisée pour des raisons légales FLOS (ou Formerly Ladies of The Supremes). Le lien avec le prestigieux trio vocal est assuré par Scherrie Payne, membre du "vrai" groupe de 1973 à 1977, et Lynda Laurence, titulaire éphémère en 1972-73, rejointes par Joyce Vincent. Curieusement ouvert avec Hold on I'm coming (de Sam & Dave), le show enfile les tubes du groupe, immortalisés pour la plupart par Diana Ross : Keep me hangin' on, Stop in the name of love, Baby love, Can't hurry love, etc. C'est professionnel, mais bien peu passionnant. Autre groupe mythique de Motown, les Temptations voient leur succession assurée par deux formations dont cette Temptations Review featuring Dennis Edwards. Sa légitimité est indiscutable puisque Edwards fit partie du groupe de 1968 à 1977 et est présent sur les innombrables succès d'alors. À 70 ans, il n'a rien (ou peu) perdu ni de sa voix ni de sa présence physique. Il a su en outre recruter quatre confrères capables de reprendre le répertoire mythique des Temptations qu'ils accompagnent de ces chorégraphies qui en accentuent l'impact. Là aussi, c'est très professionnel, mais la magie opère grâce à un investissement réel. Les tubes (Get ready, Papa was a rolling stone, Cloud nine, My girl, Just my imagination…) retrouvent des couleurs et l'héritage des groupes vocaux afro-américains est bien présent (excellent Old man river en grande partie a cappella). Dennis Edwards ne s'économise pas, mais il fait aussi la part belle à ses "jeunes" recrues, notamment Paul Williams Jr (fils du Temptation original), Mike Pattillo (au poste de Melvin Franklin à la basse), Chris Arnold (au falsetto stratosphérique dans le rôle d'Eddie Kendricks) ou David Sea (formidable ténor "hard").

Changement d'époque et de style (même si la continuité est incontestable) avec Chic dont Nile Rodgers assure seul la pérennité depuis la disparition de Bernard Edwards. J'ai bien essayé de faire la fine bouche lors des deux premiers morceaux. Trop dansants, trop disco… Mais quand les deux chanteuses ont commencé à reprendre Sister Sledge (We are family) ou Diana Ross (Upside down), j'ai craqué et commencé à danser comme les 7500 spectateurs !

Au groupe redoutable de cohésion, à la guitare rythmique implacable de Rodgers, s'ajoutaient les voix superbes, trempées au gospel (la prime à Kimberly David-Jones), de deux superbes jeunes femmes qui se mouvaient avec une ardeur irrésistible. Un concert de Chic permet de mesurer la contribution de Nile Rodgers à la musique populaire de la fin du siècle dernier. Tout y passe, du Like a virgin de Madonna au Notorious de Duran Duran. On n'échappe même pas au Spacer de notre Sheila nationale. Je dois dire que j'ai pu là reprendre mes esprits, mais c'était pour mieux replonger avec un final imparable : Let's dance, repris avec talent et humour par le batteur Ralph Rolle, Le Freak et Good times. La vision du théâtre antique de Vienne transformé en dancefloor vertical avait quelque chose d'irréel et d'euphorisant !
Jacques Périn