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Live reports / 23.08.2021

Fiest’A Sète 2021

31 juillet-5 août 2021.

Après la pause forcée de l’année dernière, l’équipe du festival, qui ambiance la ville chaque été depuis une vingtaine d’années, était impatiente de retrouver le Théâtre de la mer, quitte à maintenir contre vents et marées – au sens strict de terme, vu les prévisions météo – la première soirée. Qu’importe alors si une bonne partie de celle-ci s’est déroulée sous la pluie – le pianiste Roberto Fonseca a héroïquement assuré son set sous une tente de fortune, avec des techniciens sur scène pour tenir les toiles de protection sur ses instruments – : il était important de jouer enfin, et le public, nombreux à se tenir sur les gradins face à la Méditerranée, partageait évidemment cette envie de retrouver la musique en direct. Au programme de l’événement, après une série d’“escales” un peu partout dans et autour de Sète, six soirées thématiques de deux concerts cohérents proposant des escapades à Cuba, au Brésil, autour de la Méditerranée et, pour deux soirs, en Afrique, ainsi que la traditionnelle soirée blues qui venait clore le festival.

C’est évidemment celle-ci qui était la plus proche des centres d’intérêt de Soul Bag. Harrison Kennedy n’ayant pas eu la permission de voyager, le trio qu’il forme avec Jean-Jacques Milteau et Vincent Segal pour le projet CrossBorder Blues n’a pu assurer comme prévu l’ouverture de soirée, et c’est le chanteur-guitariste britannique Piers Faccini qui le remplace pour revisiter avec Vincent Segal leur album commun de 2014 “Songs Of No Time Lost”. Peu sensible à l’univers de Piers Faccini – mais grand admirateur de Segal –, je dois avouer avoir trouvé le temps long au fil de ces reprises intimistes de chansons d’origines très diverses – de Mississippi John Hurt à Pino Daniele –, même si j’ai apprécié le choix d’un répertoire finalement peu joué, avec notamment le Quicksilver daydreams of Maria de Townes Van Zandt. Le public, très attentif, y a néanmoins réservé un accueil enthousiaste.

Vincent Segal, Pierc Faccini

Changement immédiat de régime avec l’arrivée sur scène de Delgres. Le trio a visiblement envie de jouer et emporte vite les spectateurs – dont beaucoup ont quitté les gradins pour aller danser devant la scène – dans son univers. Les titres du nouvel album – 4 ed maten, Assez assez, Lundi mardi mercredi… – s’enchaînent, entrecoupés par quelques (déjà) classiques tirés du premier disque dont les irrésistibles Mo jodi et Mr President. Signe de la frustration éprouvée ces derniers mois, Vivre sur la route, qui évoquait la difficulté des musiciens à passer leur temps en tournée, voit son refrain réécrit pour dire « je veux vivre sur la route comme ça toute la vie »

Le plaisir des trois membres du trio à jouer ensemble et devant un public est évident et vient encore renforcer l’impact de la musique. Dommage cependant qu’il se sente obligé de compléter ponctuellement ce qui est joué sur scène par des ajouts de chœurs et claviers enregistrés, qui n’apportent pas grand-chose… Histoire de finir la soirée et le festival en beauté, Delgres s’offre un second rappel imprévu – une partie du public a déjà commencé à quitter le théâtre, avec une nouvelle version de Mo jodi qui fait office de bouquet final à une série de concerts sans faiblesse.

Delgres

En dehors de cette soirée blues, en effet, le festival, dans toute sa diversité musicale ne manquait pas de grands moments, de la rumba congolaise de Sam Mangwana – un vétéran du genre, qui était présent au sein de OK Jazz de Franco lors des légendaires concerts Zaïre 1974, à la même affiche que James Brown et B.B. King – au jazz cubain moderne de Roberto Fonseca, en passant par la musique fort cérébrale de Tigran Hamasayan, l’enthousiasme communicatif de Flavia Coelho ou l’élégance de Ray Lema.

En dehors du concert mémorable de Delgres, c’est le pianiste Bachar Mar-Khalifé qui offre le plus grand moment au public du Théâtre de la mer. Très ému de jouer pour la première fois depuis un an et demi et qui plus est “en face” de son pays, le Liban, situé de l’autre côté de la mer, il transcende dans sa musique son émotion et la fait partager aux spectateurs. La qualité constante de l’écoute du public et son implication dans la musique – ça n’est pas toujours le cas des festivals en plein air – contribuent d’ailleurs largement à la réussite de l’événement, qui se caractérise par ailleurs par une organisation sans faille et une convivialité naturelle, avec en particulier des stands de nourriture bien au-delà de la “bouffe de festival” habituelle, pour des prix très raisonnables. Bonne musique, bonne ambiance et cadre magique : la recette de la réussite est simple ! 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Pierre Nocca

DelgresfestivalFiest'A SèteFrédéric AdrianPierre Nocca