Nice Jazz Fest 2024
05.09.2024
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MNOP ne signifie plus Musiques de la Nouvelle-Orléans à Périgueux, mais en Périgord ! Distinguo nécessaire depuis que le festival a quitté ses quartiers d'été au parc Gamenson pour trouver refuge, en automne, à Boulazac, dans un Palio aux airs de Zénith. Et si l'affiche est resserrée sur une seule soirée, elle n'a rien perdu de son ambition ni de sa cohérence. Venu nombreux l'an dernier pour applaudir Jon Cleary, Don Vapie et Otis Taylor, le public était encore au rendez-vous, à tel point qu'il a fallu au dernier moment augmenter les capacités de la salle modulable.
À 20 heures précises, le percutant MC Stéphane Colin présente Catherine Russell, légitimant – si besoin était – sa présence en arguant du fait que la New-Yorkaise est la fille de Luis Russell qui vécut à New Orleans et fut chef du big band de Louis Armstrong dans les années 30. Non mais ! Magnifiquement accompagnée par un trio comprenant ses deux complices habituels, le pianiste Mark Shane et le guitariste Matt Munisteri, elle s'impose en toute simplicité, ne recourant à aucune facilité, s'appuyant simplement sur ses qualités vocales (une voix agile et très légèrement voilée, une diction parfaite) et sur un répertoire qui puise dans le jazz traditionnel et le blues. Cleo Brown, Ella Fitzgerald (époque Chick Webb) et Lil Green sont au programme, mais aussi Wynonie Harris. On en redemande et c'est Bessie Smith que Catherine Russell évoque en rappel.
Catherine Russell
Pal Ronen, Catherine Russell, Matt Munisteri
Johnny Sansone a effectué l'an dernier un “Périgord Tour” d'une dizaine de dates avec Talk That Talk, le groupe d'Hervé Fernandez. Il s'est donc constitué un fan club local qui a acclamé son héros dès son entrée en scène. De quoi réveiller un ego déjà développé. Du coup, il se comporte en terrain conquis, en rajoutant dans la posture de star. Le volume augmente mais la sono a du mal à gérer une masse sonore dans laquelle la voix se perd. Dommage, car Sansone est réputé pour ses lyrics, ce que laisse entrevoir The Lord is waiting and the devil too. Lorsqu'il passe de l'harmonica à l'accordéon, le show prend une autre tournure, moins rock et plus nonchalamment louisianaise. Le devant de la scène est depuis longtemps investi par les danseurs qui ne cachent pas leur enthousiasme. Décidément Johnny Sansone s'est trouvé une terre d'accueil au cas où les wetlands (qu'il défend au côté de Tab Benoit et Cyril Neville) viendraient à disparaître. (JP)
Johnny Sansone
Hervé Fernandez
Johnny Sansone
Ça fait trente-six balais que le Dirty Dozen Brass Band dépoussière les dancefloors en tout genre, et cette institution du groove à pistons ne change pas de tactique : New Orleans à plein tube d'entrée de jeu et une funky party tout du long. Efrem Towns et Gregory Davis aux trompettes, Kevin Harris au sax ténor, les cadres sont là pour faire prendre la sauce. Sans oublier leur doyen, l'indispensable Roger Lewis et son baryton de feu. Une première ligne qui entremêle les souffles et ouvre la voie à une parade de notes enjouées. Derrière point le large pavillon de Kirk Joseph : gare aux secousses dans les graves ! Hélas, ce qu'émet son sousaphone est très mal retranscrit par les enceintes de la salle, à tel point que la plupart du temps n'est perceptible qu'un grondement sourd continu. Un comble quand on connaît la force de son attaque et sa place dans l'identité sonore du groupe. Mais pas de quoi plomber la fiesta pour autant. La déferlante de gumbo cuivré a bien eu lieu, à coup d'Unclean Waters, de Me like it like that et de mixtures empruntées aux Meters, à James Brown, à Stevie Wonder… La surprise vient d'un invité désormais périgourdin, le chanteur Dale Blade, ami d'enfance de Kirk Joseph qui rejoint un DDBB passé en mode soul le temps d'un Change is gonna come enflammé. En rappel, l'inévitable Dirty old man permet à Roger Lewis de tirer quelques salves dont il a le secret, prolongeant ainsi le bonheur d'une salle en mouvement.
Gregory Davis, Efrem Towns, Kirk Joseph, Kevin Harris, Roger Lewis
Kevin Harris
Dale Blade
Gregory Davis, Kevin Harris, Roger Lewis
Roger Lewis
Tout à fait le genre d'ambiance qui donne envie de faire des heures sup' au Bureau, le pub situé à deux pas. Emmenés par Pierre Cherbero (vo, kbd) et Roland Dubois (vo, g), les Nola's Po-Boys y égrainent un répertoire bigarré, maîtrisé et qui sort des sentiers battus (ce n'est pas tous les soirs que l'on entend Mos' scocious de Dr. John ou Well'o well'o well'o baby d'Earl King). Idéal pour enchaîner sur une jam session fertile qui verra s'exprimer talents prometteurs (le chanteur-guitariste Alexis Evans), valeurs sûres (les frères Jazz des Honeymen) et têtes d'affiche infatigables (Efrem Towns, Johnny Sansone). Le bon temps roule longtemps à MNOP. (NT)
Textes : Jacque Périn et Nicolas Teurnier
Photos © Alain Jacquet