;
Live reports / 04.09.2010

Festival Happy Days


Eric Bibb © Denis Claraz
 

Après une dixième édition tout simplement exceptionnelle l'an dernier (Sandra Nkake, Sherman Robertson, Craig Adams et Jean-Jacques Milteau pour une seule soirée, excusez du peu…), le festival Happy Days nous revient avec une affiche plus… raisonnable. Le parc municipal du Fontanil, en banlieue grenobloise, accueille d'abord Abigaël's Orchestra, un quatuor féminin de musique folk. Mais derrière une trame instrumentale classique (violon, contrebasse, banjo, guitare, harmonica ou bien kazoo), les jeunes femmes marquent leur différence en assaisonnant de sauce délicieusement "folky" des standards aux influences diverses et parfois inattendues, comme des bandes originales de films (Eye of the tiger), le rock des Stones (Satisfaction), le disco (Hot stuff, YMCA), Michael Jackson (Billie Jean) et même le punk rock avec le Should I stay or should I go des Clash ! Et comme c'est sans prétention, bien interprété avec entrain et humour, pétillant et plein de fraîcheur, on se prend volontiers au jeu.

À l'instar de certains grands leaders, Nina Attal laisse un peu jouer son groupe avant de monter sur scène. Après seulement quelques minutes, j'ai bien du mal à comprendre comment elle a pu être multirécompensée lors du tremplin 2009 au festival Blues-sur-Seine, alors qu'elle avait à peine 17 ans… Sa voix manque d'étoffe (elle n'est en outre pas aidée par un groupe qui joue très fort) même si on sent poindre un peu de sensualité quand le tempo ralentit, et sa guitare bien discrète face à un guitariste démonstratif. Bref, Nina Attal fait son âge. Pas sûr que l'encenser l'aide à grandir.

Malted Milk se présente ensuite sans sa section de cuivres notamment vue à Vienne, mais on s'en accommode tant la voix chaude et soulful et la guitare inspirée d'Arnaud Fradin, par ailleurs soutenu par une rythmique impeccable, nous réconcilient avec le blues comme on l'aime, empreint de feeling et de sensibilité. La formation est toutefois d'humeur funky ce 4 septembre, qu'elle revisite son excellent dernier CD "Sweet Soul Blues" (Hang in on, Da bump), ou qu'elle prenne son temps sur une longue version de You know it must be my time… De la belle ouvrage, on aurait juste aimé que cela dure un peu plus longtemps…


Malted Milk © Liza Launay
 

Dans ce domaine, les Grenoble Gospel Singers ne s'embarrassent pas de scrupules, s'éternisant bien au-delà de l'heure prévue. Difficile de considérer objectivement le spectacle de cette chorale composée de quelque 70 chanteurs accompagnés d'une petite formation (dont un bassiste, un pianiste… et une violoniste que l'on entend pas !). Emmenée par le chef de chœur d'origine camerounaise Franklin Akoa-Mva, l'ensemble débute avec des classiques caractérisés par une ferveur de plutôt bon aloi (Walk with me lord, I stood on the river of Jordan, Bridge over troubled water), puis il s'ouvre à des sonorités d'inspiration africaine. Sans avoir rien contre de telles influences, on a parfois un peu de mal à les suivre sur ce terrain et les chœurs ne semblent pas toujours à l'aise. Les bons moments cohabitent donc avec des décrochages ponctuels, et une fois encore, leur concert aurait gagné en efficacité en étant écourté d'une vingtaine de minutes.

On le sait mais c'est un plaisir sans cesse renouvelé, Eric Bibb est désormais solidement installé au firmament, et il se bonifie avec l'âge. Dès le titre d'introduction qu'il interprète seul (Going down slow), on lui emprunte volontiers le pas tant sa voix possédée et sa guitare cinglante font merveille. À la batterie, l'imparable Larry Crockett sait absolument tout faire, s'adaptant en souplesse et en toucher à tous les tempos. Enfin, vu dans un tout registre cet été aux côtés de la cantatrice Barbara Hendricks, le guitariste électrique Staffan Astner peut s'exprimer plus librement et ses solos expressifs s'inscrivent en parfaits contrepoints du jeu acoustique polyrythmé du leader (Walkin' blues again, Kokomo). Et le tout, bien servi par les textes riches d'Eric, qu'il s'agisse de ballades (Pockets, Connected), de titres churchy (I heard the angels singing, Needed time) ou plus enlevés (Tell Riley, Gonna walk this road), donne un nouveau concert de tout premier ordre. Et comme d'habitude, on quitte Eric Bibb en se demandant comment il pourrait faire mieux la prochaine fois…


Larry Crockett, Eric Bibb, Staffan Astner © Liza Launay
 

Faire aussi bien que l'an dernier relevait sans doute de la gageure pour le festival Happy Days, mais la nouvelle équipe d'organisation peut se réjouir : outre le succès populaire (il reste juste au public à mieux manifester son enthousiasme, mais ça viendra !), la qualité de l'événement ne peut que l'encourager à persister dans cette voie.
Daniel Léon