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Live reports / 02.05.2023

Festival Bain de Blues 2023

Bain de Bretagne, 21-22 avril 2023.

C’est toujours un plaisir de se retrouver au festival Bain de Blues, avec sa bonne ambiance et sa programmation qui mélange valeurs sûres et découvertes. Cette année encore, on pourra voir et écouter Whitney Shay, Breezy Rodio, Thomas Kahn, les Boogie Beasts, mais aussi An Diaz & Yokatta Brothers, Hermès Fury, The Holebones, Muddy What ?, avec Quentin Winter et Mojow sur la petite scène pour les entractes.

C’est justement Quentin Winter qui ouvre les festivités le vendredi soir et il le fait bien avec un blues rock en trio volontaire, maîtrisé, via des compositions de qualité et une bonne présence scénique. La grande scène démarre avec Hermès Fury dont le rock avec traits de hip-hop peut ne pas retenir l’attention de tous. On retient tout de même le dynamisme, l’énergie et l’envie de communiquer avec le public.

Il en est autrement avec Breezy Rodio qui offre le premier grand moment du festival. Accompagné par Benoit Ribière aux claviers, Antoine Escalier à la basse et Pascal Delmas à la batterie, l’homme va livrer un set de haute volée. On ne sait ce qu’il faut apprécier le plus : la musique bien sûr, avec un jeu de guitare propre, délié, dont la technique rappelle celle de Guy King, avec de belles suites de notes, scandées par des accords tranchants, mais aussi le chant, là encore clair, au service des histoires, le tout constituant autant de chansons entraînantes.

Mais on apprécie aussi le rapport que Breezy instaure avec le public, aimable, ouvert, souriant, on peut parler d’élégance. Il aura cette belle phrase : « We’re gonna blues you before we lose you. » On aime aussi son scat pendant les solos, le funk sous-jacent, ses introductions prenantes à la guitare, comme sur Sometimes the blues got me. Il ne reste plus qu’à se laisser emporter par Underground blues en ouverture, puis, par exemple, If it ain’t broke don’t fix it, Green and unsatisfied, la reprise de Take me to the river ou Damn cocaïne et The Breeze.

Quelques morceaux de Quentin Winter en interscène et il est temps de vivre le deuxième grand moment du festival avec Whitney Shay et son orchestre de pointures, Laura Chavez à la guitare, Katarina Pejak aux claviers, Thomas “Tomek” Germann à la basse et Denis Palatin à la batterie. Katarina interprète d’abord un morceau de son répertoire avant que Whitney apparaisse telle une gentille tornade et enclenche un set sans temps mort, qui envoie des compositions de son disque “Stand Up!” de 2020 mais aussi de “A Woman Rules The World” de 2018, et en insert des reprises torrides d’Etta James avec Tough lover, Ann Peebles avec Beware ou Little Richard avec Get down with it.

Les solos de Laura Chavez sont à l’image du chant et de la présence scénique de Whitney : incendiaires. On regrette juste de ne pas plus entendre les claviers de Katarina, un peu noyés dans le mix. Les deux hommes du groupe assurent une rythmique solide et dynamique, leur présence montrant par ailleurs que le féminisme affirmé par Whitney dans ses chansons et ses choix d’accompagnatrices n’oublie pas la mixité. Change with the times est justement le titre joué en rappel, pour combler un public qui en voudrait encore plus.

Les Holebones clôturent cette première soirée avec leur blues rock rempli de reprises de classiques transfigurées, si habilement faites qu’on ne sait plus si, par exemple, ils sont en train de reprendre Lonesome Sundown ou R.L. Burnside en chantant « Just like a bird without its feathers, you know i’m lost without your love ». C’est à la fois sombre et entraînant, parfait pour régénérer ses forces avant de prendre la route pour rentrer.

Quentin Winter Blues Band
Hermès Fury
The Holebones

Le samedi soir débute sur la petite scène avec Mojow. On en a pensé du bien à l’occasion de leur passage au Floride à Nantes en mars – avec Nico Wayne Toussaint en première partie tout de même ! –, ils vont remettre ça ici avec leur rock indé, rempli de références, notamment blues mais pas seulement. Ils cèdent l’espace sonore à An Diaz & Yokatta Brothers sur la grande scène. Vainqueurs du prix “Bain de Blues” au tremplin des Rendez-Vous de l’Erdre de Nantes en août 2022, le groupe, emmené par an Diaz au chant, Manu Slide à la guitare et à l’harmonica, Stéphane Bihan à la basse et Julien Mahieux à la batterie, va confirmer tous les espoirs placés en lui. Excellentes compositions, reprises personnalisées, très joli son, la guitare sobre de Manu Slide, et la voix superbe d’An, omniprésente, pendant et entre les morceaux, donnant l’impression qu’un certain rééquilibrage avec le reste du groupe pourrait être nécessaire, tout cela capte sans peine le public.

Le trio Muddy What ? va être une découverte pour beaucoup. Fabian Spang, guitare et voix, Ina Spang, guitare et mandoline et Michi Lang, batterie, jouent un blues rock porté par la voix brute de Fabian et le jeu de guitare d’Ina, avec pédale wah-wah pendant les solos, mais aussi sa mandoline, dont elle joue une bonne partie du set ce qui apporte des nuances bienvenues. Elle reprend la guitare pour le final et les acclamations du public montrent que le trio a fait mouche.

Le troisième grand moment du festival est apporté par Thomas Kahn et son orchestre qui font monter la pression et la température au long d’un show impeccable, dont le final sera tout simplement énorme. La voix de Thomas a des accents et des fêlures qui font immanquablement penser à Otis Redding, dont il est en droite lignée aussi par un jeu de scène dynamique, dramatique ou enjoué selon les besoins. Ses accompagnateurs sont dans le ton, au taquet, visiblement aussi impliqués que lui. La reprise de My girl façon Redding met le public en voix et en extase. Tel quel, le potentiel est probablement sans limites, pour tous les publics, surtout si Thomas développe encore sa personnalité.

Les Boogie Beasts sont parfaits pour terminer cette édition de Bain de Blues. Leur boogie blues rock de bonhommes évoque une version contemporaine des Red Devils, avec les voix et les guitares grondantes de Jan Jespers et Patrick Louis, l’harmonica incandescent de Fabian Bennardo et la batterie de Gert Servaes. Les ouh-ouh de Bring it on suffisent à mettre le public dans leur poche. C’est costaud, puissant, maîtrisé, avec une ambiance identitaire qui frappe juste, une conclusion parfaite à un festival qui confirme sa valeur.

Textes et photos : Christophe Mourot

Mojow
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