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Live reports / 18.01.2012

fDeluxe (The Family)

 

Le public parisien aime tellement Prince et le Minneapolis sound que mercredi 18 janvier, c'est devant un Réservoir plein à craquer que le groupe The Family, ou plutôt fDeluxe, leur nouveau nom, s'est produit pour la première fois en France. 27 ans après leur premier album, ils viennent de sortir “Gaslight”, un disque dans lequel les retrouvailles furent heureuses. C'est cet album qu'ils sont venus présenter, non sans satisfaire les fans venus entendre les classiques Mutiny, Screams of passion ou Nothing compares to you, le slow repris avec succès par Sinéad O' Connor, dont ils sont les interprètes originaux.

Et c'est d'ailleurs avec un classique, le très funky High fashion que le groupe démarre son show. La rythmique s'installe et le guitariste Oliver Leiber (fils du célèbre compositeur Jerry Leiber) entame la cocotte de guitare reconnue d'emblée par un public de connaisseurs. C'est ensuite au tour des membres originaux Paul Peterson (alias St Paul), Susannah et Jellybean Johnson de faire leur entrée, faisant monter l'intensité alors que le morceau n'est pas encore vraiment parti. Et c'est au moment où St Paul fait le décompte dans la tradition du funk de Minneapolis que le public prend littéralement son envol pour près de deux heures d'un funk sexy, équivoque, adolescent mais à la fois puissant, audacieux, rock ou jazz à de nombreux moments et finement exécuté. Eric Leeds, le saxophoniste emblématique de Prince, arrive sous les cris de joie quelques mesures avant son solo, reproduction presque parfaite du solo de l'album, une des spécialités de Leeds. Un petit souci empêche un tant soit peu d'apprécier à sa juste valeur ce classique : le son. Le solo de Leeds est difficilement audible… Et ça ne s'arrange pas ensuite puisqu'au bout de quelques titres, portés par l'énergie du groove, le son de la rythmique domine l'espace, couvrant les voix. Durant les moments plus calmes, le son est bien meilleur, mais lorsqu'ils passent aux jams, les voix et le sax font difficilement le poids.

 

Laissons ces considérations, car malgré tout la prestation de fDeluxe fut à la hauteur des attentes. Les nouvelles recrues méritent largement de faire partie de la “family”. Leiber, le guitariste, a déjà travaillé avec Paul Peterson sur son album solo il y a quelques années, et il est surtout connu pour son travail avec Paula Abdul. Le clavier Jason Peterson DeLaire, le neveu de Paul, est aussi un musicien chevronné, saxophoniste et chanteur au long CV dont des participations avec les funkers de Minneapolis. Quant au batteur Mario Dawson, il joue dans la lignée des grands batteurs de ce style : droit, puissant et précis.

 

fDeluxe ne manque pas non plus l'occasion de faire découvrir ses nouveaux titres à un public acquis d'avance. Et c'est avec une belle surprise que la sauce prend puisque ces nouveaux titres fleurent bon les odeurs d'antan et qu'ils conviennent tout à fait aux oreilles des fans. Le robuste Sanctified, le très jazzy Leeds line ou la ballade Over the canyon maintiennent très bien le cap jusqu'au retour des classiques River run dry, Desire ou Screams of passion dans lequel il reprennent la fin en jam “jamesbrownien” comme à la grande époque. Évidemment, l'un des grands moments du concert fut la version du magnifique Nothing compares to you sur lequel Leeds fait toujours des merveilles. Il vient d'ailleurs un moment au milieu de la scène pour diriger un medley de deux titres de son ancien groupe Madhouse. Ten et 6 permettent à Leeds de laisser libre cours à sa verve funky bebop qui n'appartient qu'à lui. Autre moment de gloire pour Leeds, Mutiny, peut-être le titre majeur du groupe, titre que Prince intégrait souvent dans ses concerts de la tournée Parade en 1986.

 

C'est donc entre classiques et nouveaux titres que l'on retrouve la sensualité de Susannah et ses jeux de séduction avec St Paul qui n'a rien perdu d'une voix certes pas très puissante mais devenue familière et irremplaçable. Quel bonheur aussi d'entendre la guitare de Jellybean – le batteur à l'origine – qui surprend par sa maîtrise tant en rythmique qu'en solo !

 

Mis à part les défauts de sonorisation, rien à reprocher à ce concert d'un éclectisme digne des productions Minneapolis. L'organisateur Schkopi.com a mis en ligne plusieurs vidéos avec un son bien meilleur, ce qui permet de se replonger dans ce concert et de mieux réentendre à quel point les qualités musicales du groupe démentent les critiques qui ne voient en ce groupe qu'une création du “génie pourpre”.

Saluons ici l'initiative de toute l'équipe de Schkopi.com qui depuis des années fait tout ce qu'elle peut pour faire venir les différents groupes de la nébuleuse princière.

Belkacem Meziane
Photos © Stella-K