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Live reports / 12.11.2024

Ezra Collective, Olympia, Paris, 2024

“Ezra Collective – Complet” affichent les mythiques lettres rouges en façade de l’Olympia le 30 octobre 2024. Le groupe londonien mené par le batteur Femi Koleoso arrive à Paris au milieu d’un mois de tournée européenne. Pour prolonger la sortie de son album “Dance, No One’s Watching” qui célèbre le pouvoir unificateur de la danse, le groupe enchaîne en effet 22 dates en un mois, de Berlin et à la Wembley Arena de Londres. À ce rythme commando de concerts quotidiens ou presque, la communication du groupe (en stories Instagram) se concentre sur la timeline, identique de ville en ville : 19h ouverture du merchandising, 20h première partie par Children of Zeus, 21h entrée en scène du groupe. Un triptyque sur fond vert, jaune, rouge : les couleurs historiques du drapeau de l’Éthiopie devenues le symbole du continent africain, des couleurs reprises également par le mouvement rasta.

Konnykon de Children of Zeus introduit la soirée en solo par un DJ set qui s’ouvre avec du Little Simz et se referme avec du Chaka Khan. De quoi chauffer le public compact de la fosse, qui reste sur place durant la pause de vingt minutes et continue à bouger sur une bande-son qui va de Omar Lye-Fook à de l’afro-house. À 21h, la scène sur laquelle sont installés deux podiums (pour la batterie et les claviers) est plongée dans le noir. Un frisson parcourt le public lorsque les lumières font surgir le saxophoniste ténor James Mollison et le trompettiste Ife Ogunjobi des deux côtés de la mezzanine. Quelques notes face à face, avant de redescendre au pas de course jusqu’à la scène et d’y rejoindre le batteur Femi Koleoso, le claviériste Joe Armon-Jones et le bassiste TJ Koleoso, frère de Femi.

Femi Koleoso

TJ Koleoso

Sur les premières notes de clavier de Joe, Femi s’avance sur le devant de la scène : « Nous sommes ici pour jouer de la musique afrobeat jazz pour vous faire danser. Avant que la fête ne commence, saluez chacun votre voisin ! » Après avoir présenté chacun des membres du groupe, Femi regagne son kit de batterie. À partir de là, monumental, il ne va plus s’arrêter une seconde de jouer (littéralement). Pendant une heure en effet, Femi assure à la batterie les liaisons entre une dizaine de morceaux afrobeat et dub, qui s’enchaînent donc en continu. Le groupe multiplie les thèmes courts et efficaces, des sortes d’hymnes “chantés” à l’unisson par les deux soufflants. Vue de la mezzanine, le public dans la fosse constitue un spectacle à part entière : parcourue de rebonds, formant un même corps spasmodique, la fosse acclame à plusieurs reprises la performance de Ife Ogunjobi, époustouflant de virtuosité et de précision à la trompette.

Ife Ogunjobi

À 22h, Femi pose (enfin) ses baguettes et s’accorde une gorgée d’eau, le temps d’un solo de basse de TJ Koleoso, dont l’on découvre le potentiel irrésistible de danseur, tour à tour arpentant la scène d’un pas martial ou chaloupant une hanche après l’autre. Suivent cinq minutes d’un discours de Femi, d’abord sur ce que représente Paris, « la ville que l’un de nos plus grands héros, oncle Tony Allen, appelait sa maison », et l’Olympia en particulier, où le groupe rêvait de jouer depuis sept ans. Femi développe dans la foulée la notion de joie : « Nous jouons de la musique instrumentale dont voici le contexte : nous voulons donner à chacun la possibilité d’expérimenter la joie pure, plus importante que le bonheur ou la tristesse qui, eux, sont dépendants des circonstances. » Arpentant le plateau comme un prêcheur haranguant la foule, Femi conclut en hurlant : « Faites de cette salle un temple de Joie ! » Escaladant le crash barrière, James, Ife et TJ s’avancent alors pour jouer dans la fosse, surchauffée. On pense le climax de la soirée atteint, mais c’est compter sans une nouvelle prise de parole, plus brève, de Femi. Tout en maintenant son jeu de batterie (un roadie lui tient un micro), Femi exhorte le public à former des cercles et à faire que cette salle devienne « le plus grand dancefloor d’Europe ». Une fois l’ultime pic de fièvre (le « top of the mountain », dit Femi) atteint sur le titre Juan Pablo, le concert se referme sur God gave me feet for dancing, repris en chœur par le public. Le groupe prend le temps de serrer les mains des danseurs des premiers rangs tandis que Femi jette ses baguettes dans le public. Intense soirée.

Texte : Alice Leclercq
Photos © Frédéric Ragot

© Alice Leclerq