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Live reports / 07.05.2018

Eric Roberson

Malgré une série de collaborations prestigieuses (Jill Scott, Will Downing, Musiq Soulchild, Robert Glasper…) et une carrière personnelle de deux bonnes décennies, la popularité d’Eric Roberson n’a pour l’instant pas atteint le grand public, ce qui ne l’a pas empêché de se constituer au fil des années une équipe de fidèles admirateurs. Absent des scènes françaises depuis 2011, sa venue au Bizz’Art constituait donc un évènement majeur pour les amateurs de soul contemporaine indépendante, et la salle située au bord du Canal Saint-Martin bruissait de l’excitation de ceux qui l’attendaient depuis de longues années. L’attente a d’ailleurs été plus longue que prévu : empêché par les grèves en cours de prendre comme prévu l’avion de Londres, c’est par la route que Roberson et ses musiciens ont fait le trajet – en prenant le ferry pour traverser la Manche ! Roberson expliquera plus tard qu’il chante bénévolement ce soir, ayant décidé de payer pour les conduire jusqu’à Paris le chauffeur qui devait les accompagner à l’aéroport… Attendus dans la matinée, c’est à 21 h 15 qu’ils font leur arrivée – alors que le concert devait commencer à 21 heures. Le temps d’un rapide soundcheck et le concert peut débuter – les DJ JP Mano et Koi s’assurant que l’attente se passe dans les meilleures conditions possibles, grâce à une sélection impeccable. 

 


Eric Roberson

 


D. Maurice

 

Censé assurer une première partie, D. Maurice, choriste régulier de Roberson et responsable d’un album personnel il y a quelques mois, limite sa prestation à une seule chanson – peu marquante, pour tout dire – avant que la vedette de la soirée ne fasse son apparition, tout sourire, avec l’évident Mr. Nice Guy. Roberson n’a pas intitulé par hasard un album “Music Fan First” : accompagné de musiciens complices (outre D. Maurice aux chœurs, Aaron Hardin aux claviers, Jay Bratten à la basse et Mark Thomas à la batterie), il revisite l’ensemble de son catalogue, mêlant titres récents extraits de ses trois derniers EP (Superman, l’intense Keep on…) et morceaux plus anciens (She couldn’t hear mePretty girl, dédiée à J Dilla qui l’avait produite, Where do we go from here…), et y ajoutant Just friends, écrit pour Musiq Soulchild et quelques classiques comme le Between the sheets des Isley Brothers, occasion pour D. Maurice de se mettre en avant et You’re all I need to get by.

 

 

 

 


Aaron Hardin

 


Jay Bratten

 


Mark Thomas

 

Musicalement à la hauteur de ses disques, Roberson ajoute sur scène une dimension “entertainer” pleine d’un humour qui ne transparaît pas obligatoirement en studio. Visiblement heureux d’être à Paris – d’autant que sa mère et sa sœur l’accompagnent dans le voyage –, il plaisante avec le public et joue avec lui, à coup de blagues bien senties – « I’m married but I am not blind », à destination de groupies enthousiastes – et de mises en scène bien amenées : avant Picture perfect, il invite ses admirateurs à le prendre en photo, insistant sur le fait que, si certains de ses collègues rechignent à autoriser les photos pendant les concerts, lui est trop beau pour ne pas les autoriser ! En fin de concert, il propose d’inventer une chanson ensemble, avec pour objectif de la vendre ensuite à Maxwell ! À partir de mots suggérés par le public (chocolate giraffe, conspiracy, Dark Vador et shiny pineapple) et sur une musique également proposée par la foule (celle de Billy Jean), il improvise une chanson hilarante dans laquelle l’ensemble des mots sont intégrés !

 

 

 

 

 

Après ce final très réussi, il revient pour un rappel plus classique, avec le très beau Change for me, avant de proposer au public de le retrouver pour quelques dédicaces… Une fois de plus, une soirée réussie à mettre au crédit du Bizz’Art, seule salle française à faire une place régulière à une certaine soul contemporaine indépendante. Espérons qu’il ne faille pas attendre à nouveau sept ans pour entendre Eric Roberson à Paris !

Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot