;
Live reports / 12.05.2012

EDEN DISTRICT BLUES – 10 ANS


Jimmy Burns © Christian Delaunai

Pour fêter son dixième anniversaire, l'association Eden District Blues n'a pas fait les choses à moitié en consacrant un week-end entier à l'événement. Vendredi 11 mai, une soirée inaugurale à laquelle nous n'avons pas assisté rassemblait Veronica Sbergia & The Red Wine Serenaders et Kellie Rucker & Maurizio Pugno Organ Trio. Le lendemain, les festivités débutaient dans l'après-midi avec le Jack Bon Slim Combo puis Hobo Blues, et nous sommes arrivés à l'heure du concert-barbecue qui se tenait à l'extérieur de la salle de l'Eden. Déjà vu à son avantage à Salaise fin mars, le chanteur et guitariste Tomek Dziano confirme, cette fois accompagné du seul Alain Michel à l'harmonica, toujours sobre et juste. Les musiciens sont plus là pour assurer une animation qu'un véritable concert, et ils exploitent bien cette formule en duo, garante de simplicité et de convivialité.

 
Tomek Dziano et Alain Michel
© Christian Delaunai

La soirée des bluesmen américains démarre ensuite avec Eddie Taylor Jr., fils d'Eddie mais aussi neveu de Jimmy Burns, qui suivra sur scène et nous confiera que cette singularité de la programmation relève du plus pur hasard… Accompagné par le groupe du chanteur, guitariste et harmoniciste Fred Brousse, Eddie s'avance pour Whiskey headed woman, sur lequel sa guitare sonne haut et clair, mais sa voix aux accents soul manque de coffre. Mais surtout, et la sensation ne fera que s'accentuer, le leader n'a pas de présence et semble bien peu concerné, et dès lors le groupe décroche (Fred Brousse essaie bien de secouer le cocotier, notamment à l'harmonica, mais ses efforts restent vains), le batteur est perdu et le concert s'enlise inexorablement. Et le choix du répertoire, essentiellement basé sur des reprises de classiques archiconnus, n'arrange rien : nous avons ainsi droit, entre autres, à That's all right mama, Shake for me, Everyday I have the blues, Hoochie coochie man, Crosscut saw et Got my mojo working, autant de titres interprétés de façon scolaire, c'est dire combien l'originalité fut au rendez-vous !

 
Eddie Taylor Jr.
© Christian Delaunai

Fort heureusement, avec Jimmy Burns, on change de dimension, d'autant qu'il s'entoure pour sa part d'une formation avec laquelle il a de toute évidence ses habitudes. C'est cohérent, bien huilé et dans l'esprit, et les intervenants méritent bien la citation : Fabrice Joussot à la guitare, Fabio Izquierdo à l'harmonica, Antoine Escalier à la basse et Fabrice Bessouat à la batterie. Quant à Burns, il assène d'entrée une lecture vibrante de Shake for me, chantée de sa magnifique voix poignante sur un fond musical groovy à souhait. Comme Taylor précédemment, Burns, qui convient d'ailleurs volontiers ne pas être un compositeur prolifique, reprend des standards. Mais il sait les faire siens et les rajeunit littéralement grâce à son talent et son imagination. Ainsi, sur Rock me baby, il gère les silences, alternant vocaux “coups de fusil” et notes de guitare éparses mais bien senties (voix et instrument se répondent jusqu'à se confondre, héritage conservé du blues du Delta où il est né en 1943), sur I'm a king bee il s'amuse, improvise et échange avec le public, enfin sur Killing floor il adopte un tempo frénétique et lancinant que n'aurait pas renié Bo Diddley…

 
Jimmy Burns © Michel Faton

Sa palette vocale étendue et son aisance pour assimiler différents styles lui permettent de sortir du canevas classique du blues de Chicago, sa musique moderne passe par le shuffle (Whole lot of lovin'), le blues traditionnel (son hymne Leaving here walking, un superbe Stop the train à la slide, de la ferveur sur Eyesight to the blind), la soul (Feels like rain, Stand by me), quand elle ne flirte pas avec le rock (Cadillac, Stuck in the middle). D'un haut niveau uniforme, son show généreux (2 h 15 !) est une belle récompense pour les organisateurs.

On s'en réjouit pour l'équipe de Gilles Boncour, qui depuis dix ans met sur pied des plateaux exemplaires, et nous ne connaissons pas beaucoup de petites villes de province qui font venir régulièrement des bluesmen américains de renom. En effet, la salle de l'Eden a déjà accueilli Byther Smith, Zora Young, Boo Boo Davis, Jody Williams, Andrew “Junior Boy” Jones, Deitra Farr, Percy Strother, Maurice John Vaughn, Tom Principato, Jimmy Johnson, Mary Lane, Eddie King, Sherman Robertson, Howard Tate, Carl Weathersby, Nora Jean Bruso, Wayne Baker Brooks, Trudy Lynn, Donald Kinsey, Monster Mike Welch, Doug McLeod, Honeyboy Edwards, Lurrie Bell, Tail Dragger, Shakura S'Aida, D. C. Bellamy, Tad Robinson, Larry Garner et autre Terry Evans ! Chapeau bas et bon anniversaire, Oraison…
Daniel Léon